L’annonce hier par Airbus de l’arrêt de la production de l’A380 en 2021 ne semble pas inquiéter outre mesure les syndicats français, même si le président Tom Enders ne garantit pas le maintien des quelque 3000 à 3500 emplois liés au superjumbo. Leurs reclassements en interne devraient être facilités par l’expansion de la production des autres avions. Airbus a prévu en 2019 une production de 880 à 890 appareils, contre 800 l’année dernière.

Le clap de fin de l’A380 annoncé le 14 février 2019 par Airbus n’a pas surpris les syndicats plus que le reste du milieu de l’aéronautique, ce que résumait hier sur Europe 1 la coordinatrice Airbus Group de la CFE-CGC Françoise Vallin : « on avait bien conscience qu’Emirates tenait l’A380 à bout de bras. On savait que ça ne tenait qu’à un fil. Aujourd’hui ce fil est rompu ». Le syndicat explique toutefois dans un communiqué que « si des relais de croissance ont déjà été identifiés (A220, A320, A330neo, A350) », il s’inquiète des répercussions sur l’emploi dans la filière. Les conséquences sociales « tant chez Airbus, et chez les partenaires de la supply chain, restent à évaluer. Pour la CFE-CGC, le succès commercial rencontré par les autres appareils doit absolument permettre de sauvegarder l’emploi dans Airbus et l’ensemble de sa supply chain ». Chez la CGT, le délégué adjoint José Folgueral estime sur France Info que l’arrêt de production de l’A380 « n’est pas une catastrophe », son collègue Michel Molesin se disant « sans inquiétude puisqu’il va y avoir une montée en cadence de l’A320 et l’A350. Ça ne devrait poser aucun souci et on s’attachera à ce que ce soit bien le cas ». Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a appelé Airbus sur RTL « à reclasser les salariés concernés et à ce qu’il n’y ait aucun impact sur l’emploi ».

L’incertitude est plus forte chez les sous-traitants concernés par le superjumbo, de la fourniture de pièces à l’acheminement des éléments. La directrice générale de l’équipementier Latécoère, Yannick Assouad, minimisait cependant dans L’Usine nouvelle l’impact de la décision : il sera « très faible, dans la mesure où nous n’avons quasiment aucun temps plein » en rapport avec l’A380, la mobilité interne devant permettre de concentrer les équipes sur d’autres programmes, notamment l’A320.

Rappelons que l’arrêt de la production ne touchera pas que la France: en Allemagne où environ un millier d’emplois sont concernés à Hambourg, Brême, Buxtehude et Stade, le syndicat IG Metall évoque déjà le « rapatriement » de certaines productions, comme celle des sharklets assemblés en Corée du Sud ou des éléments d’A350 produits en Turquie. Jürgen Kerner explique dans Der Spiegel que cette mesure ne sera nécessaire que si le reclassement des employés vers les lignes d’autres modèles n’est pas suffisant pour éviter les pertes d’emploi, tout en soulignant que l’examen de qui peut faire quoi « ne devrait pas jouer sur la concurrence entre les différents sites en France, en Allemagne et dans les autres pays ». En Grande-Bretagne où Airbus emploie 6000 personnes à Broughton et 3000 à Filton, des sites où sont produits les ailes et des éléments de train d’atterrissage d’A380 entre autres, le constructeur ne s’attend pas à des « pertes d’emplois importantes » (un Brexit sans accord restant le principal sujet d’inquiétude). Le syndicat Unite souhaiterait des « garanties » de la part du constructeur, mais évoque surtout des « inquiétudes majeures » sur l’avenir de fournisseurs tels que GKN.

Airbus a produit douze A380 l’année dernière, un rythme qui devait déjà ralentir pour atteindre six par an en 2020. Après la livraison du dernier appareil à Emirates Airlines (qui en attend encore 14, tandis qu’ANA recevra les trois autres encore affichés dans les listings), une équipe sera maintenue à Toulouse pour assurer la maintenance des superjumbos en service pendant les 25 prochaines années. Entré en service en 2007 chez Singapore Airlines, l’A380 est aussi en service chez Air France, Asiana Airlines, British Airways, China Southern Airlines, Etihad Airways, Korean Air, Lufthansa, Malaysia Airlines, Qantas, Qatar Airways et Thai Airways.

Affichant un bénéfice net en hausse de 27% à 3 milliards d’euros, sur un chiffre d’affaire de 63,7 milliards d’euros (+8%), le groupe européen a annoncé hier son ambition de livrer entre 880 et 890 avions en 2019, contre 800 l’année dernière. « Compte tenu des 7600 avions que compte notre carnet de commandes, nous entendons accélérer notre montée en cadence », a précisé Tom Enders. La production des A320 en particulier devrait atteindre 60 appareils par mois cette année, et 63 d’ici 2021, le backlog de la famille de monocouloirs comptant 6023 avions dont 5886 en version neo. Guillaume Faury, qui va prendre la place de Tom Enders, soulignait hier que l’A350 deviendra le nouveau fleuron d’Airbus, étant « proche de l’A380 en termes d’expérience passager » ; la production du biréacteur long-courrier devrait tourner entre 105 et 110 appareils par an d’ici 2021.

Fin de l’Airbus A380 : pas trop d’inquiétude chez les syndicats 1 Air Journal