L’entrée non annoncée des Pays-Bas dans le capital du groupe aérien Air France-KLM a provoqué sans surprise des réactions au sein de la holding et en France, le cours de l’action dévissant hier à -11,7%. La paix apparemment signée la semaine dernière n’est plus qu’un lointain souvenir.

Le Conseil d’administration d’Air France-KLM réuni le 27 février 2019 a déclaré dans un communiqué avoir pris acte de la prise de participation de 12,68% de l’Etat néerlandais dans le capital du Groupe, « sans aucune concertation ». Cette opération intervient « au moment où, après discussions avec ses partenaires dont l’Etat néerlandais, le Groupe avait approuvé à l’unanimité, dans un esprit de dialogue et d’ouverture, les règles de sa nouvelle organisation managériale sous le leadership de Benjamin Smith, Directeur général d’Air France-KLM ». Le Groupe souligne en outre qu’il « s’apprêtait également à confirmer ses engagements vis-à-vis de l’Etat néerlandais visant à renforcer le développement de Schiphol comme hub européen et soutenir le développement de KLM ». Le CA sera donc « très vigilant sur les conséquences de cette prise de participation pour le Groupe, ses collaborateurs, sa gouvernance et la perception du marché. Il fera en sorte que celle-ci n’affecte pas la nouvelle dynamique du Groupe et de ses compagnies, impulsée par le Directeur général du Groupe ». Et appelle l’ensemble des dirigeants et des équipes « à se concentrer sur le développement des activités commerciales et l’amélioration opérationnelle, pour qu’Air France-KLM reprenne sa place de leader du transport aérien européen ».

Les réactions politiques françaises ont été nettement moins diplomatiques : le ministère des finances à dénoncé « une opération inamicale et une forme de duplicité de l’Etat hollandais », après avoir initialement avoir pris acte de la prise participation, Bruno Le Maire déclarant qu’il est « essentiel de respecter les principes de bonne gouvernance et qu’Air France-KLM soit géré dans l’esprit de son intérêt social sans interférence étatique nationale ». Même si Paris a soutenu la stratégie de Ben Smith de renforcer la coopération entre Air France et KLM via une gouvernance « simplifiée et améliorée », tandis que le patron de cette dernière défendait son autonomie actuelle, menaces de grève des employés à l’appui (il a conservé son poste, mais a dû accepter la présence de Ben Smith au Conseil de surveillance de KLM). Avec pour argument le fait que KLM est responsable de 80% du résultat d’exploitation de 1332 millions d’euros affiché pour l’année 2018.

La chute de l’action Air France-KLM hier à la Bourse de Paris n’a pas entrainé de réaction particulière de deux autres actionnaires, Delta Air Lines et China Eastern Airlines (8,8% du capital chacune). Une source de Bercy a déclaré à CNBC que l’action du gouvernement des Pays-Bas, « qui a déjà perdu 70 millions d’euros » (l’investissement était de 680 millions d’euros) avait entrainé la confusion chez les actionnaires ; elle a refusé de dire si la France allait à son tour augmenter sa participation (14,3%), mais une enquête devrait être lancée sur le respect des lois du marché vu le volume de transactions constaté depuis la semaine dernière.

Les droits de vote doubles au CA d’Air France-KLM que possède la France seront accessibles aux Pays-Bas dans 24 mois, souligne La Tribune, mais La Haye a déjà indiqué que son entrée au capital assurera au pays « un siège à la table » lors du prochain Conseil d’administration du groupe en avril. Bercy rappelait hier qu’il y a déjà plus d’administrateurs hollandais (quatre, dont un nommé par le gouvernement néerlandais) que d’administrateurs nommés par l’État français (trois). Reste à savoir si les deux gouvernements vont faire retomber la tension, ou continuer à jouer la fibre nationaliste au sein du groupe aérien. Avec la possibilité d’arriver à une situation similaire à SAS Scandinavian Airlines, qui elle aussi a deux actionnaires étatiques et vit une période bien plus difficile…

Air France-KLM : les tensions nationalistes sont de retour 1 Air Journal