La compagnie aérienne Air France a confirmé un plan de départs volontaires portant sur 465 postes au sol, et la réduction de 15% de son offre sur le réseau intérieur d’ici 2021, avec suppressions de lignes à la clé. Depuis 2013, les pertes cumulées de son activité domestique s’élèvent à 717M€.

Lors du Comité Social et Economique Central (CSEC) qui s’est tenu le 13 mai 2019, la compagnie nationale française a confirmé l’étendue du projet de PDV au sol : 465 postes dans treize aéroports du réseau point-à-point seront supprimés, soit 13% des emplois dans les plateformes de l’hexagone principalement affectés aux opérations de la filiale régionale HOP. Air France précise que les représentants du personnel ont été informés d’un projet de plan de départs volontaires « qui serait mis en œuvre sur plus d’une année », et fera prochainement l’objet d’une consultation. Il n’y aura aucun départ contraint, le projet comportant « des mesures d’accompagnement individualisées pour les salariés concernés » qui seront détaillées et négociées avec les partenaires sociaux au cours de la consultation. Dans le détail, le PDV viserait en particulier 202 postes de piste et 169 à l’accueil et l’enregistrement des passagers. Paris-Orly et Marseille seront les plus touchés avec 63 départs chacun, devant Ajaccio et Bastia (54 et 50 selon des sources syndicales citées par Le Figaro). En outre, 39 suppressions de postes seraient prévues à Nice, 37 à Bordeaux, 35 à Strasbourg, 29 à Toulouse, 27 à Lyon, 21 à Toulon, 18 à Bâle-Mulhouse, 16 à Nantes et 13 à Montpellier. Un document confidentiel consulté la semaine dernière par France Info précisait que les conditions de départs seraient « similaires aux sept plans précédents » : la somme versée au employés acceptant de partir serait « proportionnelle à l’ancienneté, avec des possibilités de reconversion ».

La compagnie aérienne précise encore que lors du CSEC de lundi, ce sont des « premières orientations » qui ont été présentées et discutées, « ainsi que leurs implications en matière de Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) » : améliorer la performance opérationnelle, offrir le plus haut niveau de qualité de produit et de service aux clients, mais aussi restaurer la compétitivité d’Air France et pour cela notamment adapter son activité court-courrier. La GPEC d’Air France sur la période 2019-2021 fait apparaître un « besoin de recrutements important dans de nombreux métiers de l’entreprise », mais également un sureffectif sur l’activité sol du Court Courrier. Dans le cadre de la revue de ses activités, Air France envisage donc de diminuer son offre sur le court-courrier de 15% en sièges kilomètres offerts (SKO) d’ici fin 2021. La baisse de la recette de certaines lignes n’a pas pu être enrayée et les coûts unitaires réduits. Il en résulte une situation financière de plus en plus difficile pour Air France sur l’activité domestique qui a enregistré une perte de 189 M€ en 2018, « en forte détérioration par rapport à 2017 (96M€). Depuis 2013, les pertes cumulées s’élèvent à 717M€ ». Si elle ne fait aucune annonce sur le sujet, elle pourrait supprimer une dizaine de lignes non rentables, dont celles reliant Paris-Orly à Agen, Lorient et Quimper ou celle entre Strasbourg et Lille sont les plus fréquemment citées ; la réduction de l’offre pourrait aussi passer par l’utilisation d’avions plus petits en particulier à Orly.

Air France rappelle qu’au cours des cinq dernières années, son réseau domestique « a été fortement impacté » par la concurrence des lignes TGV, « qui ont augmenté leurs capacités sur l’ensemble du territoire, diminué les temps de parcours et développé une offre low-cost très compétitive ». Le train « qui s’est développé au fil des années par la volonté des pouvoirs publics est devenu le plus grand concurrent d’Air France sur le réseau domestique, sans être soumis aux taxes ou redevances qui visent directement le transport aérien, au départ des aéroports parisiens ou des régions françaises », souligne la compagnie aérienne. L’ouverture des quatre lignes nouvelles à grande vitesse en 2016 et 2017 « doit attirer 4,7 millions de voyageurs supplémentaires en 2020, et là où les lignes à grande vitesse se sont installées reliant Paris à moins de deux heures des provinces », les lignes d’Air France ont perdu 90% de part de marché.

Autre argument avancé par la compagnie de l’alliance SkyTeam, le développement des low cost qui ont installé des bases « au départ des principales escales et gagné rapidement du terrain au moyen de politiques tarifaires agressives et parfois avec l’aide de collectivités publiques » (easyJet, Volotea et maintenant Ryanair pour ne pas les citer). A l’inverse d’Air France dont les équipes sont basées à 90 % sur le territoire national, ces compagnies n’ont « la plupart du temps pas contribué à développer l’emploi dans les régions où elles opèrent », assure-t-elle.

Air France confirme le PDV et la réduction de 15% du réseau intérieur 1 Air JournalAnne Rigail, Directrice Générale d’Air France a déclaré dans un communiqué : « De nombreux talents vont nous rejoindre en 2019, pilotes, hôtesses et stewards, mécaniciens ou ingénieurs, pour accompagner la croissance d’Air France, mais nous avons aussi la responsabilité de garantir l’équilibre de nos activités dans certains secteurs pour en assurer la pérennité. C’est l’esprit qui a animé le projet présenté ce jour pour le court courrier. Nous mènerons le processus de consultation des partenaires sociaux dans un esprit d’ouverture et de dialogue, et nous nous engageons à accompagner chaque salarié qui souhaitera évoluer vers un nouveau poste ou dans un nouvel environnement professionnel ». Benjamin Smith, Directeur Général du groupe Air France-KLM, a ajouté : « Le réseau domestique français est indissociable de l’histoire d’Air France, il est garant de son ancrage territorial, et permet de relier les régions françaises au reste du monde en offrant plusieurs milliers d’opportunités de correspondance chaque jour.  Dans un contexte hautement concurrentiel, nous sommes tous pleinement mobilisés pour défendre un marché domestique essentiel pour Air France mais aussi plus globalement pour le groupe Air France-KLM ».

Face à cette situation de concurrence sur le court-courrier visiblement considérée comme déloyale, les équipes d’Air France « ont su s’adapter, se remettre en question dans un environnement de plus en plus difficile. Elles sont à l’origine de nombreuses initiatives commerciales innovantes qui ont amélioré l’offre pour qu’elle soit en phase avec les attentes des clients en termes d’horaires, de fluidité, de ponctualité, et qui permettent à Air France de conserver 65% de parts de marché sur le marché domestique ». Rappelons que depuis 2012, plus de 10.000 départs volontaires ont été effectués, tous s’accompagnant d’indemnités.

Le projet de PDV va donc être l’objet d’une consultation, et les syndicats sont restés plutôt mesurés dans leurs réactions. Dans Le Monde, la CFDT déclare que « cette démarche d’attrition des personnes » et de l’activité provoque des interrogations, et s’étonne qu’Air France n’ait pas dit un mot hier sur sa filiale low cost Transavia France – filiale qui aurait les moyens de « concurrencer les low cost en province » selon l’ancien président du SNPL Philippe Evain. A Nantes, ou 16 des 150 emplois sont visés par le PDV, le délégué Force Ouvrière Bruno Rouaut interrogé par France Bleu dit ne pas comprendre : « la direction nous dit qu’on est trop et sur le terrain et on s’aperçoit que pas du tout. On court partout, les conditions de travail se sont dégradées depuis plusieurs années (…). On nous annonce un programme été, au cours duquel il y a plus de vols, plus de bagages à s’occuper … Et ça ne passe déjà pas ». Rappelons qu’Air France avait signé en janvier un nouvel accord salarial pour 2019 avec les organisations syndicales représentatives CFDT, CFE-CGC, FO et UNSA de son personnel au sol.

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