La FAA a dû répondre à des « questions franches » durant sa rencontre à huis clos avec 33 régulateurs internationaux, mais refuse toujours de préciser une date de retour dans les airs du Boeing 737 MAX, certaines sources évoquant toutefois la fin juin. Pour les pilotes européens d’ECA, la remise en service du monocouloir impliqué dans deux accidents ayant fait 346 victimes en cinq mois requiert préalablement « des réponses et de la transparence » de la part de l’EASA.

Interrogé par le Dallas Morning News suite à la réunion des régulateurs le 24 mai 2019, le directeur par intérim de l’Administration fédérale de l’aviation (FAA) Dan Elwell s’est déclaré « encouragé » par le fait qu’une majorité de pays veulent continuer à partager des informations, dix semaines après l’immobilisation des 371 Boeing 737 MAX en service. « Sur le plan international, chaque pays doit prendre sa propre décision, mais la FAA mettra à la disposition de ses homologues tout ce que nous avons appris, tout ce que nous avons fait et toute notre assistance », a-t-il expliqué, précisant que la FAA se doit d’être transparente « afin de renforcer la confiance du public dans le fait que l’avion satisfera aux normes de sécurité les plus élevées ». Dan Elweel a en revanche refusé d’évoquer d’éventuelles critiques durant la réunion sur le fait que la FAA avait été parmi les derniers régulateurs à clouer les 737 MAX au sol. Et il s’en est tenu à la version officielle : Boeing n’a toujours pas présenté la version finale de la mise à jour dévoilée fin mars du système MCAS anti-décrochage des 737 MAX ; une fois qu’elle aura été soumise, elle sera étudiée et une formation devra être spécifiée.

Aucune date de retour dans les airs du 737 MAX n’est donc avancée, Dan Elwell assurant en conférence de presse que le « seul calendrier est de s’assurer que l’avion est sûr ». Mais dans la soirée de jeudi, après une autre réunion avec l’OACI à Montréal, des sources de l’agence Reuters évoquaient un possible retour du 737 MAX dans les airs dès la fin juin. Dans un court communiqué, Boeing a déclaré « apprécier le leadership de la FAA qui a franchi cette étape importante en réunissant les régulateurs mondiaux afin qu’ils échangent des informations et discutent de la remise en service sûre du 737 MAX. Notre équipe, nos compagnies aériennes clientes et les organismes de réglementation accordent la plus haute priorité à la sécurité du public voyageur. Une fois que nous aurons répondu aux demandes d’informations de la FAA, nous serons prêts à programmer un vol d’essai de certification et à soumettre la documentation de certification finale ».

Mais la certification de la mise à jour du MCAS n’impliquera pas un retour immédiat des 737 MAX en service commercial : les compagnies aériennes américaines (qui tablaient sur un retour vers la fin aout) estiment déjà qu’il faudra entre 100 et 150 heures de travail par avion, allant de la mise à jour du logiciel à la vérification des moteurs et autres maintenances de routine, sans oublier le ou les vols d’essai (auxquels les régulateurs devraient participer). Et il faudra y ajouter la formation des pilotes, dans laquelle le passage par simulateur n’a toujours pas été décidé ; des syndicats évoquent la seule utilisation d’un enregistrement audio d’une heure expliquant les changements du système MCAS, Boeing ayant aussi proposé une vidéo sur la checklist en cas d’urgence. Autre problème pour les opérateurs, les 371 monocouloirs cloués au sol depuis le mois de mars sont éparpillés sur 94 sites selon ATW.

Boeing 737 MAX : FAA toujours vague, pilotes européens inquiets 1 Air JournalLe sujet intéresse bien sûr l’Europe, et le syndicat de pilotes ECA (European Cockpit Association) a expliqué hier dans un communiqué relayé par le SNPL que les pilotes européens sont « extrêmement préoccupés par le fait que la FAA et Boeing envisagent une remise en service sans aborder les nombreuses et délicates questions soulevées par la philosophie de conception de la version MAX8 de cet avion. En particulier, comment imaginer que ceux qui ont conçu et certifié l’avion puissent être capables d’approuver un remède sans s’être remis eux-mêmes en cause ? La transparence et l’indépendance de l’AESA doivent jouer un rôle fondamental pour redonner confiance aux pilotes et aux voyageurs européens ». Les accidents de Lion Air en octobre 2018 et d’Ethiopian Airlines en mars 2019 « ont mis en lumière des failles critiques dans la conception du système, dans sa certification initiale et son suivi, ainsi que dans la formation des pilotes », poursuit le communiqué : « selon nos informations, un seul capteur aurait été choisi pour alimenter un système aussi essentiel pour le vol que celui du MCAS, ce qui le rend extrêmement vulnérable. La formation des pilotes ne comportait aucun entraînement à l’utilisation de ce système, qu’il soit en panne ou en bon fonctionnement. Ceci dans un seul but : permettre à l’aéronef d’être classé dans la même catégorie que les précédentes versions du 737, épargnant ainsi aux transporteurs le coût d’une nouvelle formation des pilotes de 737 de types plus anciens lors de leur passage sur 737MAX ».  

Les aspects économiques « auraient-ils été privilégiés à une conception plus sûre de l’avion ? Existe-t-il d’autres systèmes dans lesquels la même logique de conception a été appliquée ? », demande encore l’ECA. Il est impossible de le savoir « sans le regard d’une autorité indépendante. Pourtant, c’est bien aux pilotes qu’il revient de piloter les avions en toute sécurité. Or, notre liste de questions sur cette affaire ne cesse de s’allonger. Ainsi, la difficulté à distinguer le rôle de concepteur de celui des autorités de certification n’est-elle pas inquiétante ? De tels modèles de ‘certification déléguée’ existent-ils ailleurs ? Comment un concepteur et un certificateur qui ont précédemment failli en approuvant la mise en service d’un avion déficient peuvent-ils apporter à présent une solution de manière crédible sans une remise en cause importante ? Boeing et FAA se doivent de prendre enfin leurs responsabilités et faire preuve de transparence dans cette affaire ».

L’Agence Européenne de la Sécurité Aérienne (EASA) a un rôle clé à jouer en Europe en fournissant aux pilotes et aux voyageurs des garanties de transparence et d’indépendance, souligne le syndicat qui rappelle que dès le 18 mars dernier, le directeur exécutif de l’agence Patrick Ky « a pris des engagements forts devant le Parlement européen », définissant des « prérequis sur les modifications de conception, sur les conditions de recertification et de formation des équipages » avant une éventuelle remise en service du 737 MAX. Le SNPL et ses partenaires de l’ECA, « conscients de l’importante pression commerciale liée à cette affaire », invitent l’EASA à « faire plus que jamais preuve de rigueur et d’indépendance » durant l’examen de ces prérequis, car, pour les pilotes, « accepter les seuls points de vue de Boeing et de la FAA ne saurait suffire ».

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