Les derniers scénarios d’Eurocontrol sur la reprise du trafic aérien en Europe au premier semestre sont bien sombres, une détérioration rapide étant déjà enregistrée. L’IATA préfère de son côté voir « une lumière au bout du tunnel » alors que les vaccinations progresse face à la pandémie de Covid-19 – mais seulement si des normes mondiales sont mises en place.

Les dernières prévisions du gestionnaire du trafic aérien européen, publiées le 28 janvier 2021, sont carrément pessimistes, la propagation des variants du coronavirus faisant leur effet sur l’activité de ce premier semestre : le trafic aérien dans toute l’Europe « devrait diminuer d’environ 64% en janvier 2021 par rapport à janvier 2019, et la situation se détériore rapidement ». Eurocontrol souligne que de nombreux États imposent dans le Vieux continent des restrictions de voyage « plus strictes, qui découragent fortement les voyages aériens à moins que ce ne soit pour des raisons essentielles uniquement ». En conséquence, la demande de voyages aériens est « considérablement réduite », et les compagnies aériennes doivent réduire considérablement leur capacité en conséquence.

Le trafic des mois de février et mars 2021 sera « exceptionnellement bas » (entre -72% et -77% par rapport à 2019 selon les scénarios d’amélioration au deuxième trimestre) sur l’ensemble du réseau, « à l’exception du fret, de certains trafics commerciaux et de programmes squelettiques », explique le directeur général d’Eurocontrol Eamonn Brennan. Même le mois d’avril « devrait être très mauvais avec seulement une reprise limitée pour la période de Pâques » (entre -68% et -78%).

Evoquant « un désastre complet pour l’aviation européenne – une industrie qui est déjà à genoux », le dirigeant d’Eurocontrol souligne l’incertitude de la situation. S’il est « raisonnable » de s’attendre à ce que la situation épidémiologique se soit améliorée dans de nombreux États européens d’ici le deuxième trimestre, « et que les citoyens les plus vulnérables d’Europe aient été vaccinés (malgré des retards dans le déploiement) », cela pourrait conduire à la possibilité pour les voyages aériens non essentiels de devenir plus accessibles. Ce qui faciliterait une légère amélioration au cours du deuxième trimestre, suivie d’une reprise plus importante pendant la période estivale : on pourrait alors voir des niveaux autour de -55% de 2019 d’ici juin.

Mais pour Eamonn Brennan, il est « également raisonnable » de s’attendre à ce que, même si la situation épidémiologique s’est améliorée au deuxième trimestre, de nombreux États choisissent de ne pas assouplir leurs restrictions de voyage. Cela « réduira considérablement » la demande et toute possibilité d’amélioration du transport aérien jusqu’à la période estivale au plus tôt, avec en juin prochain des niveaux de trafic à -70% de ce qu’ils étaient avant la crise sanitaire.

2021 : pessimisme chez Eurocontrol, bout du tunnel pour l’IATA 1 Air Journal

©Eurocontrol

L’Association du transport aérien international (IATA) préfère de son côté évoquer « de la lumière au bout du tunnel au redémarrage » à mesure que les programmes de vaccination sont déployés, mais uniquement si les gouvernements répondent à sa demande  d’établir des partenariats avec l’industrie du transport aérien « pour élaborer des plans en vue de reconnecter de façon sécuritaire les gens, les entreprises et les économies » lorsque la situation épidémiologique le permettra. Et une « priorité critique » pour cette coopération réside dans l’accélération de la mise en place de normes mondiales concernant la certification de la vaccination et des tests, rappelle son communiqué. L’IATA voit déjà des signaux positifs de la part de certains gouvernements, qui pourraient servir de base à cette harmonisation :

  • Vaccination : la plupart des gouvernements suivent une stratégie de vaccination qui cherche à protéger d’abord leurs travailleurs de la santé et leurs populations les plus vulnérables. L’IATA appuie la réouverture des frontières aux voyages lorsque cela sera accompli, puisque les plus grands risques auront été atténués.
    Personnes vaccinées : le gouvernement de la Grèce a proposé la semaine dernière que les personnes vaccinées soient immédiatement exemptées des restrictions de voyage, y compris les exigences de quarantaine. L’IATA appuie les initiatives des gouvernements de Pologne, de Lettonie, du Liban et des Seychelles en vue d’accorder cette exemption.
    Tests : plusieurs gouvernements mettent en place des régimes de test pour faciliter les voyages, ce que l’IATA appuie. L’Allemagne et les États-Unis, par exemple, profitent de l’amélioration rapide des technologies de test pour accepter les tests PCR et antigéniques afin de gérer de façon sécuritaire les risques associés aux voyages. Alors que les tests antigéniques rapides ont la préférence en raison de leur rapidité et de leur coût, il est manifeste que les tests PCR vont jouer un rôle, puisque plusieurs gouvernements exigent des tests dans les 48 à 72 heures précédant le voyage.
    Équipages : les orientations de l’équipe de travail CART de l’OACI recommandent que les équipages soient exemptés des procédures de test et des restrictions applicables aux passagers. L’IATA appuie les protocoles de gestion de la santé des équipages qui comprennent, par exemple, des tests administrés régulièrement et des examens de santé
    effectués à leur base d’attache, en plus des lignes directrices strictes qui limitent les interactions avec la communauté locale durant les périodes d’attente. Cela permet aux compagnies aériennes de gérer les risques de COVID-19 tout en maintenant la viabilité des opérations.
    Mesures de biosécurité à niveaux multiples : les recommandations de l’OACI concernant les mesures de biosécurité à niveaux multiples (incluant le port du masque) sont mises en place à l’échelle planétaire. L’IATA appuie le maintien intégral de ces mesures pour tous les
    voyageurs jusqu’à ce que la situation épidémiologique permette de les assouplir.

« Il y a une foule de variables dans cette équation. Entre autres, le nombre de personnes vaccinées et la disponibilité des tests », a déclaré Alexandre de Juniac, PDG de l’IATA. « Les compagnies aériennes ont adapté leurs opérations afin de maintenir les activités de fret aérien et certains services passagers, tout en se conformant aux restrictions nombreuses et non coordonnées. Fortes de cette expérience, elles peuvent aider les gouvernements dans leurs préparatifs en vue du rétablissement sécuritaire de la connectivité mondiale pour leurs populations, leurs entreprises et leurs économies ».

L’élaboration de normes mondiales est selon l’IATA « sous-jacente à tout scénario de rétablissement de la connectivité aérienne », afin que les exigences d’un pays en particulier puissent être satisfaites par les voyageurs provenant d’autres territoires. Les normes mondiales en cours d’élaboration incluent :

  • Certificats de vaccination : l’OMS dirige les efforts en vue d’établir les normes nécessaires à l’enregistrement numérique des informations sur la vaccination, qui seront critiques pour le rétablissement des voyages internationaux. Le certificat de vaccination intelligent sera le successeur numérique du « livret jaune » utilisé depuis longtemps pour gérer les vaccins, comme celui de la fièvre jaune.
  • Cadre mondial pour l’administration des tests : l’OCDE pose les fondations d’un cadre mondial susceptible d’aider les gouvernements à se fier aux données de test en se basant sur la reconnaissance mutuelle des résultats. L’urgence d’un tel cadre a été démontrée lors de la suspension récente des vols entre les ÉAU et le Danemark en raison des inquiétudes concernant le régime de test des ÉAU. Un cadre ayant la confiance de tous évitera aux voyageurs d’être pris entre deux feux lorsque des gouvernements ne reconnaissent pas les régimes de test entre eux. La standardisation des certificats de test est également essentielle.
  • Justificatifs de voyage numériques (DTC) : l’OACI a publié des normes pour la création de DTC à partir des passeports numériques. En plus de permettre des voyages sans contact comme le recommandent les lignes directrices de l’équipe CART de l’OACI, ces justificatifs sont une composante essentielle permettant de lier numériquement le voyageur à ses certificats de vaccination et de test. La norme existe et le défi consiste maintenant à la mettre en œuvre.

« Comme nous l’avons vu, les décisions unilatérales des gouvernements sont très efficaces pour éliminer la mobilité mondiale. Le rétablissement de la liberté de voyager, toutefois, n’est possible qu’avec la coopération. Les gouvernements constatent déjà à quel point ce sera difficile, en l’absence de normes mondiales relatives aux vaccins et aux tests. Cela fait ressortir l’urgence des travaux essentiels réalisés par l’OMS, l’OCDE et l’OACI. L’IATA participe à ces initiatives et elle est prête à aider les gouvernements à les mettre en œuvre », selon M. de Juniac

Pour le dirigeant de l’IATA, « nous pouvons voir la lumière au bout du tunnel à mesure que les programmes de vaccination sont déployés. Pour que cette vision se transforme en redémarrage sûr et ordonné, il faut une planification et une coordination minutieuses de la part des gouvernements et de l’industrie. Cela représente un défi alors que la priorité pour les semaines et les mois à venir sera d’endiguer la propagation des nouveaux variants. Mais même avec l’aggravation de la crise, il est important de préparer la reprise des vols lorsque la situation épidémiologique le permettra. La compréhension des critères politiques des gouvernements et l’adoption des normes mondiales nécessaires au retour à la normale dans le domaine des voyages feront en sorte que le transport aérien soit bien préparé et qu’il ne devienne pas un vecteur considérable de réimportation. Les compagnies aériennes sont disposées à soutenir les gouvernements dans cette tâche », conclut Alexandre de Juniac.

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