Le Bureau d’Enquêtes et d’Analyses (BEA) met en avant dans un rapport préliminaire une « perception différente de la situation » entre pilotes durant l’incident qui avait conduit le vol AF011 de la compagnie aérienne Air France en provenance de New York-JFK à effectuer un go-around, avant de se poser sans problème à Paris-CDG.

Classé comme « incident grave » par le BEA, l’épisode du 5 avril 2022 s’est déroulé à bord du Boeing 777-300ER (F-GSQJ), qui transportait 177 passagers et 13 membres d’équipage, durant l’approche finale à Roissy : les pilotes avaient signalé un problème, effectué un go-around avant d’atterrir sans autre soucis. Dans un enregistrement audio mis en ligne dans la foulée, un des pilotes expliquait que l’appareil « a fait à peu près n’importe quoi », une version démentie très vite par Boeing. Et depuis hier par le BEA, qui souligne dans un communiqué de presse qu’aucune alarme ne s’est déclenchée et qu’aucune anomalie n’a été décelée sur l’avion.

A partir de l’altitude 1670 pieds, le pilote aux commandes (en l’occurrence le copilote) a poursuivi l’approche en vol manuel : il a déconnecté le pilote automatique (AP), manœuvrant pendant environ 25 secondes (l’avion est alors sur la trajectoire ILS et les roulis inférieurs à 3 degrés). Puis le copilote « exprime son étonnement par rapport à l’angle d’inclinaison de l’avion », environ 6° vers la gauche. L’avion a viré à gauche, et le commandant de bord « a exprimé sa surprise face à l’écart par rapport à la trajectoire ». A 1115 pieds, l’appareil est incliné de 7° sur la gauche, et la remise de gaz effectuée.

Jusqu’à cette remise des gaz, le BEA précise que la trajectoire de vol était « restée dans les critères de stabilisation de l’exploitant. Les paramètres enregistrés montrent que les deux pilotes ont ensuite utilisé les commandes simultanément. Dans la seconde suivante, la position de la roue atteint une valeur maximale de 27° vers la gauche. Une seconde plus tard, le roulis atteint une valeur maximale de 15° à gauche, et l’assiette est cabrée de 12°. Les colonnes de contrôle ont ensuite été désynchronisées pendant 14 secondes, « en raison de forces opposées » : le commandant de bord tenait le manche légèrement en position de piqué, pendant que le copilote effectuait « plusieurs commandes de cabré plus prononcées ». Puis les interrupteurs de remise des gaz sont de nouveau poussés, « augmentant la poussée jusqu’au maximum disponible ». Le tangage atteint une valeur maximale de 24°, puis le copilote annonce « montée positive » et rentre le train d’atterrissage. La configuration est alors affichée (train rentré – volets sortis) et l’alarme sonore associée retentit. Les deux pilotes continuent à effectuer simultanément des entrées sur les commandes, puis le commandant de bord reprend les commandes seul.

L’équipage analyse la situation « sans percevoir les sollicitations antagonistes faites sur les commandes et les désynchronisations des canaux de contrôle. Ils ont estimé qu’ils pouvaient à nouveau utiliser le pilote automatique et tenter une approche ». Le copilote ayant repris les commandes, le commandant de bord informe le contrôleur aérien qu’il y avait eu un problème sur les commandes de vol et demande à rejoindre la finale pour la piste 27R. L’approche et l’atterrissage ont eu lieu sans autre incident.

Selon le BEA, à ce stade, l’analyse des paramètres « ne fait pas apparaître d’incohérences, notamment entre les mouvements des commandes et les mouvements de l’avion. La validation et l’analyse des paramètres se poursuivent. Une attention particulière sera portée à la reproduction des efforts appliqués aux commandes et à la relation entre ces forces et les mouvements des commandes ».

Air France explique qu’elle « continue d’apporter sa pleine collaboration à l’enquête », et rappelle dans un communiqué repris par Ouest France que « la procédure de remise de gaz est définie par les constructeurs aéronautiques et Air France comme une procédure normale, qui va dans le sens de la sécurité ». « Les équipages sont formés et régulièrement entraînés à ces procédures pratiquées par l’ensemble des compagnies aériennes », ajoute la compagnie aérienne, selon qui « la sécurité des vols, de ses clients et de ses équipages est un impératif absolu ».

Le 777-300ER impliqué dans l’incident, baptisé Strasbourg, avait été livré en avril 2005 ; il peut accueillir 4 passagers en Première, 58 en classe Affaires, 28 en Premium et 206 en Economie. Il est de nouveau déployé, ayant atterri depuis une semaine dans les aéroports de Séoul, Shanghai, Miami, New-York-JFK et Johannesburg.

Incident du 777 d’Air France : mésentente entre pilotes selon le BEA 1 Air Journal

©Olivier Cabaret