L’ADEME a présenté trois scénarios de décarbonation du transport aérien, mais si les innovations technologiques sont une piste pour atteindre le zéro émission en 2050, les deux autres mettent en avant une modération du trafic.

Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), le transport aérien en France (vols intérieurs et vols internationaux au départ) a des « impacts de plus en plus importants sur l’environnement, dans un contexte de croissance de l’activité à l’échelle mondiale ». Même si les acteurs du secteur sont « de plus en plus conscients et engagés en matière de transition écologique », l’agence rappelle que les émissions de CO2 du secteur « ont augmenté de 85% entre 1990 et 2019, et pourraient encore croître de 50% d’ici 2050 si de nouveaux leviers de décarbonation ne sont pas mobilisés ». L’ADEME a donc présenté trois scénarios détaillés ici, dans le cadre de l’objectif français de neutralité carbone en 2050 – qui repose sur une « division par six au moins » des émissions du pays entre 1990 et 2050, tous secteurs confondus.

L’agence base ses études sur les chiffres de 2019, quand le secteur aérien en France « a émis directement 24,2 millions de tonnes de CO2, soit +85% par rapport à 1990. Ces émissions de l’aérien représentent l’équivalent de 5,3% des émissions globales de la France, soit 2,2 fois plus qu’il y a 30 ans ». L’aviation commerciale de passagers constitue l’immense majorité du trafic mondial avec 12,5 millions de passagers par jour, rappelle-t-elle, soit 5 fois plus qu’en 1980, date du début de la libéralisation du secteur.

Scénario A : « Rupture technologique ». Des investissements importants sont réalisés dans la recherche et la construction aéronautique (avion à hydrogène notamment) ainsi que dans la production de Carburants d’Aviation Durables (SAF), afin de conserver une croissance du trafic aérien.

Scénario B : « Modération du trafic ». Il mobilise à la fois des mesures de sobriété pour stabiliser le niveau de trafic aérien et un développement important de l’usage des CAD, visant à minimiser les émissions cumulées entre 2020 et 2050 et à réduire nettement les émissions d’ici à 2030.

Scénario C : « Tous leviers ». Il mobilise l’ensemble des leviers à un degré moindre que dans les deux premiers scénarios, afin de réduire les risques et les coûts liés au recours à des technologies de rupture, ainsi que les impacts socioéconomiques des mesures de modération du trafic.

Un scénario 0 existe aussi, selon lequel rien ne change. Si la France a déjà selon l’ADEME « commencé à mobiliser » certains des leviers de décarbonation du secteur aérien, et si les acteurs de la construction aéronautique poursuivent leurs travaux pour apporter les solutions technologiques, les efforts doivent se poursuivre pour atteindre les objectifs. A travers ses scénarios, l’ADEME révèle que les émissions de CO2 des vols au départ de la France peuvent être réduites d’environ 75% entre 2019 et 2050 en mobilisant trois leviers majeurs : l’amélioration de l’efficacité énergétique des avions, le recours aux carburants durables pour baisser l’intensité carbone de l’énergie, et donc « la maîtrise et réduction du trafic ».

Ademe : la modération du trafic pour décarboner l’aviation 1 Air Journal

@Toulouse-Blagnac

L’agence précise que les deux premiers leviers « ne produiront des effets sensibles qu’à moyen et long terme », alors que le dernier qui les combine « pourrait être efficace à court terme ». Par ailleurs, l’analyse des différents scenarios révèle que le recours aux SAF sera confronté à des difficultés de disponibilité des ressources et de capacité technique des avions (« certification à l’utilisation des biocarburants à 100%, par exemple »). Ce qui induira un « surcoût significatif des billets », ayant pour effet une « baisse relative de la demande et donc du trafic » : en 2050, l’ADEME évalue cet impact à une diminution de 15 à 19% du niveau de trafic).

Pour l’ADEME, des approfondissements sont nécessaires pour évaluer quels pourraient être le niveau et les modalités concrètes du recours au levier de la maîtrise du trafic. A cette fin, une étude de faisabilité et d’évaluation des impacts socio-économiques puis des expérimentations devraient être réalisées à la suite de la présente étude

« Cette étude fournit un ensemble très riche d’informations sur l’avancée et les enjeux de la transition écologique du transport aérien. Même si son périmètre cible le trafic en France et avec la France, elle intègre des considérations en lien avec les vols depuis l’étranger vers la France, et ses enseignements sont généralisables. Elle a le mérite de poser la question de la maîtrise du trafic comme levier de décarbonation, en montrant son efficacité, notamment à court terme. Une suite logique serait d’étudier les modalités potentielles du recours à ce levier », a déclaré Marc Cottignies, coordinateur technique de l’étude à l’ADEME.

Ademe : la modération du trafic pour décarboner l’aviation 2 Air Journal

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