Depuis plusieurs décennies, les traînées blanches laissées par les avions dans le ciel fascinent autant qu’elles interrogent. Si la science les désigne exclusivement comme des « contrails » (traînées de condensation), certains observateurs pensent parfois y reconnaître des « chemtrails », pour « chemical trails », soit traînées chimiques. L’existence des chemtrails continue d’alimenter les discussions, notamment sur les réseaux sociaux, entre partisans convaincus et observateurs sceptiques.
Cette lancinante interrogation vient de refaire l’actualité et défait la chronique à travers une prétendue intervention du Président américain Donald Trump. Sur les réseaux sociaux, des publications affirment que l’actuel hôte de la Maison Blanche, avec le soutien de son ministre de la santé Robert F. Kennedy Jr., aurait lancé une opération mondiale contre les chemtrails, visant à saisir des avions, arrêter des pilotes et combattre la géo-ingénierie sous couvert d’une guerre contre « la pulvérisation d’aluminium, de baryum et de strontium sur des populations civiles ». Cependant, la Maison Blanche a formellement démenti ces informations -aucune déclaration officielle ni initiative nommée « Opération Skywatch » n’existe- et nié toute implication dans des actions visant à saisir des avions ou arrêter des pilotes concernant des pulvérisations atmosphériques.
Un démenti confirmé par le factchecking rigoureux de médias neutres comme celui de l’agence de presse allemande DPA, confirmant que le Président américain n’a jamais fait de telles déclarations ni initié une opération baptisée « Opération Skywatch ». Quant à Donald Trump, il a bien évoqué le danger des « pulvérisations » dans le domaine de l’agriculture, mais il n’a jamais mentionné l’existence de chemtrails. Toutefois, le refus de son équipe de communication de condamner les propos de Robert F. Kennedy Jr. sur les chemtrails renforce les affirmations des partisans de leur existence.
Les arguments de ceux qui croient en l’existence des chemtrails
Pour soutenir leurs accusations, les partisans des chemtrails avancent plusieurs éléments. Selon eux, les chemtrails se distingueraient des simples traînées de condensation par leur durée anormalement longue et leur capacité à s’étendre en nuages diffus, formant parfois des motifs en grille dans le ciel. Les objectifs prêtés à ces dispersions seraient multiples : modification du climat, contrôle de la population ou encore expérimentation de substances chimiques ou biologiques à grande échelle. Certains pilotes anonymes affirment avoir été témoins de ces chemtrails, mais leurs récits sont démentis par leurs compagnies aériennes et les autorités de l’aviation civile.
Parmi ces substances supposées larguées du ciel, l’aluminium et le baryum auraient des effets sur la santé, l’environnement ou le climat. Robert F. Kennedy Jr., actuel secrétaire à la Santé aux États-Unis, a récemment relancé la polémique lors d’une réunion publique : « C’est fait, nous pensons, par la DARPA [Defense Advanced Research Projects Agency, ndlr]. Beaucoup de ces matériaux sont maintenant introduits dans le carburant des avions. Je vais tout faire pour y mettre fin, découvrir qui est responsable et les tenir pour responsables. » La DARPA est une agence du département de la Défense des États-Unis chargée de la recherche et du développement de nouvelles technologies destinées à un usage militaire.
Des personnalités publiques comme Dane Wigington, animateur du site Geoengineering Watch, affirment que les chemtrails font partie de programmes de géo-ingénierie visant à manipuler le climat. Dans un podcast avec Robert F. Kennedy Jr en 2023, Dane Wigington a insisté : « Ce que nous voyons dans le ciel ne sont pas des traînées de condensation. Dans presque tous les cas, ce sont des traînées de particules pulvérisées. » Selon lui, ces opérations seraient menées par des équipages d’avion spécialement sélectionnés, dont des anciens pilotes militaires reconvertis dans l’aviation civile.
Aux États-Unis, certains élus ont pris ces préoccupations au sérieux. Des projets de loi visant à interdire la géo-ingénierie, assimilée aux chemtrails, ont été votés par des États comme la Floride, le Montana ou encore le Tennessee, reflétant une méfiance croissante envers les institutions. Dans le Tennessee par exemple, la loi interdit « l’injection volontaire, la libération ou la dispersion de produits chimiques dans l’air », et interdit « d’affecter la température, la météo ou l’intensité des rayons du soleil ». Ces initiatives s’appuient sur des inquiétudes populaires, amplifiées par des événements climatiques extrêmes, comme les ouragans Helene et Milton en 2024, que certains ont attribués à des manipulations météorologiques.
Le point de vue des sceptiques et des scientifiques
La communauté scientifique et les différents gouvernements réfutent catégoriquement l’existence des chemtrails. Selon des chercheurs, ces traînées blanches sont le résultat de la condensation de la vapeur d’eau produite par les moteurs d’avion, qui gèle à haute altitude. Leur persistance dépend de l’humidité et de la température de l’air ambiant, et non d’un quelconque additif chimique.
Une étude menée par le climatologue Ken Caldeira auprès de 77 spécialistes de l’atmosphère a révélé que 76 d’entre eux n’avaient jamais observé de preuve d’un programme de dispersion chimique secret. Un seul d’entre eux a émis des doutes, sans valider ou invalider l’existence des chemtrails. Les faits avancés par les théoriciens des chemtrails sont expliqués par des phénomènes naturels ou des erreurs de prélèvement, selon la conclusion de l’étude. David Fahey, directeur du laboratoire des sciences chimiques de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), l’agence américaine responsable de l’étude de l’océan et de l’atmosphère, a déclaré qu’« il n’y a pas de modification orchestrée du climat » par les États-Unis.
Pour leur part, les associations de pilotes et les compagnies aériennes affirment n’avoir jamais été sollicitées pour participer à de telles opérations, et rappellent que les vols commerciaux sont soumis à des contrôles stricts. À ce jour, aucun pilote n’a été licencié pour avoir refusé de larguer des chemtrails, contrairement à certaines affirmations sur les réseaux sociaux. Un commandant de bord explique : « Les traînées dépendent des conditions atmosphériques. À 30 000 pieds, l’air froid et humide favorise la formation de contrails persistants. L’idée d’un complot impliquant des milliers de pilotes est absurde. » Les données de la FAA (Federal Aviation Administration) confirment que les rejets de carburant, rares et effectués en cas d’urgence, ne correspondent pas aux scénarios décrits par les partisans des chemtrails.
Pour l’heure donc, à défaut de nouvel élément, les traînées ayant fait l’objet d’une étude se sont relevées sans danger direct pour l’homme : ce que l’on observe dans le ciel n’est rien d’autre que de la vapeur d’eau, figée par le froid de la haute atmosphère. Greenpeace, par exemple, n’a connaissance d’aucune preuve à l’appui de la théorie des chemtrails. « Les photos, vidéos et liens vers des sites web qui nous sont communiqués fréquemment depuis plusieurs années ne constituent pas à nos yeux de preuves suffisantes pour justifier l’ouverture d’une enquête approfondie », a déclaré l’organisation environnementale.
Cependant, des projets de géo-ingénierie existent bel et bien. Ils se concentrent principalement sur l’injection d’aérosols, l’éclaircissement des nuages, le captage de CO2, et la reforestation, avec des initiatives aux États-Unis (injection d’aérosols dans la stratosphère pour ralentir la fonte des glaces), en Chine (ensemencement des nuages avec des iodures d’argent pour déclencher des précipitations), etc. Actuellement frappé par l’une de ses pires sécheresses depuis des décennies, l’Iran lance des opérations d’ensemencement de nuages pour provoquer des pluies, en pulvérisant des particules, notamment d’iodure d’argent, pour déclencher des précipitations. D’autres pays de la région, comme les Émirats arabes unis, ont également recours à cette pratique contestée pour produire artificiellement de la pluie. Pour tenter de réduire la pollution toxique qui étouffe ses métropoles, l’Inde a aussi opté fin octobre pour l’ensemencement des nuages.
La majorité de ces expérimentations reste au stade expérimental ou théorique, et les risques environnementaux, géopolitiques et éthiques freinent leur déploiement à grande échelle. Ces initiatives, bien distinctes de la théorie des chemtrails, soulèvent néanmoins des préoccupations environnementales et éthiques, et expliquent en partie la confusion persistante entre recherche scientifique et suspicions de complot.

@Météo France
Mamadou DIALLO a commenté :
22 novembre 2025 - 11 h 35 min
À quoi bon faire la promotion de ces théories farfelues propagées par des sectes obscurantistes et des charlatans complotistes ?
Pourquoi pas aussi un article intitulé “la Terre plate, thèse crédible ou sornette ?”
Grinch' a commenté :
22 novembre 2025 - 12 h 08 min
+ 1000
Je me suis fait exactement la même réflexion.
Les théories complotistes concernant les chemtrails sont l’exemple même de ce que la con…ie de certains peut engendrer comme absurdité. Le problème de l’époque actuelle est que ces absurdités, qui restaient autrefois calfeutrées aux bouts des zincs de bistrots, s’infiltrent maintenant dans la sphère publique et politique…
Froglegs a commenté :
22 novembre 2025 - 14 h 04 min
Commentaire marqué du sceau du bon sens. Je souscris à 100%👍