Les voyages « adult only » se multiplient dans les avions, les paquebots et les hôtels, porté par une promesse simple : du calme, des cocktails… et zéro poussette à l’horizon. Ce phénomène répond à une demande croissante de voyageurs en quête de tranquillité, quitte à assumer une forme de ségrégation par âge que certains jugent reposante, et d’autres franchement injuste.​

Après des années de vols low cost sur-fréquentés, de clubs de vacances hyper familiaux et de piscines transformées en parcs aquatiques, une partie des voyageurs réclame des vacances sans cris, sans pleurs et sans bouée géante. Les tour-opérateurs expliquent ce virage par l’augmentation du nombre de couples sans enfants, de parents en « break » assumé, et de jeunes actifs prêts à payer plus cher pour quelques jours de silence relatif et de transats non squattés par des familles nombreuses.​ Les spécialistes du tourisme notent aussi que ces offres permettent de segmenter finement la clientèle et de vendre, sur un même avion ou dans une même destination, à la fois du 100% famille et du 100% adulte, chacun dans sa bulle.​

Dans les airs : cabine et zone sans poussettes

Côté ciel, la compagnie aérienne de loisirs Corendon Airlines a ouvert le bal en Europe avec une « Only Adult Zone » sur son Airbus A350 entre Amsterdam et Curaçao, réservée aux passagers de 16 ans et plus et physiquement isolée du reste de la cabine. Sur ces vols long-courriers, ce compartiment, situé à l’avant, regroupe différentes catégories de sièges (Comfort Plus, XL‑Plus et sièges standard), avec la promesse d’un environnement plus calme et proche de la porte d’embarquement.​

En Asie, le concept existe depuis plus d’une décennie : Scoot, la low cost de Singapour, commercialise une cabine « Scoot-in-Silence » sur ses long-courriers Boeing 787, inaccessible aux moins de 12 ans, tandis qu’AirAsia X a instauré une « Quiet Zone » réservée aux passagers de 12 ans et plus sur certaines liaisons long-courriers en Airbus A330. Malaysia Airlines a, de son côté, expérimenté une interdiction des bébés en Première classe sur certaines configurations, une politique qui avait déjà alimenté les débats en Asie bien avant les zones « adults only » européennes.​

Dernier invité de ce bal « adult only », Emirates a choisi une voie plus subtile : la compagnie aérienne de Dubai ne crée pas de zone sans enfants, mais interdit désormais aux moins de 9 ans d’utiliser leurs miles de fidélité Skywards pour acheter ou surclasser un billet en Première classe, une règle introduite discrètement à l’été 2025. Les enfants peuvent toujours voyager en First si leurs parents paient en espèces sonnantes et trébuchantes, mais cette restriction alimente à son tour le débat sur la place – et le prix – des plus jeunes dans les cabines premium.

Les partisans de ces zones « adults only » évoquent des vols nocturnes sabotés par des pleurs en rafale et des films engloutis sous les coups de pieds répétés dans le dossier. Pour les compagnies aériennes, le message marketing se veut plus lisse : il s’agit de proposer « plus de paix et de tranquillité » à certains passagers, tout en rassurant les parents qu’ils ne seront plus regardés de travers si leur bébé décide de donner de la voix à 35 000 pieds.​

Croisières : pont supérieur interdit aux mineurs

Sur les mers, la logique est la même, mais à l’échelle d’un paquebot : de grandes compagnies positionnent des navires ou des zones entières en « adult only », avec piscines, bars et animations réservés aux plus de 18 ans. Ces espaces promettent un « resort flottant » débarrassé des enfants, des glissades géantes et des soirées mascottes, remplacés par des bars à cocktails, des spas, du yoga au lever du soleil et des soirées DJ plus ou moins chic.​

Ces nouvelles offres haut de gamme, portées notamment par des chaînes comme All‑Inclusive by Marriott Bonvoy, mettent en avant des resorts balnéaires entièrement réservés aux adultes, y compris pour les croisières et séjours combinés mer + terre. Là encore, la segmentation est assumée : d’un côté des navires très familiaux, de l’autre des produits « couples et amis » vendus comme des bulles de tranquillité en haute mer.​

Hôtellerie : des clubs 4 et 5 étoiles pour adultes seulement

Au sol, l’offre « adult only » est devenue un segment à part entière, du boutique-hôtel urbain au gros resort balnéaire. Les hôteliers y voient un moyen de se distinguer sur des marchés balnéaires saturés, en ciblant les couples, les groupes d’amis ou les jeunes mariés en lune de miel et en quête de tranquillité.​

« Quiconque aspire à de véritables vacances relaxantes peut réserver des vacances uniquement pour adultes », conseille ainsi Corendon Airlines, qui opère aussi des clubs de vacances « adults only » à Curaçao, Bodrum, Ibiza ou en Grèce. Comme à bord de ses vols Amsterdam-Curaçao, ses établissements sont strictement réservés aux clients de plus de 16 ou 18 ans, avec une communication centrée sur la « sérénité » et les vacances sans contraintes familiales.

Le voyagiste français Ôvoyages a décliné la formule avec des séjours « adults only » et des Ôclub Adult Only, des hôtels 4 et 5 étoiles réservés aux adultes, où l’ensemble des animations, des soirées et des infrastructures a été pensé pour une clientèle majeure. Présents notamment en Espagne, en Grèce, au Maroc, en Tunisie ou encore au Cap-Vert, ces Ôclubs misent sur le soleil, la plage… et l’absence de poussettes autour de la piscine. « Nos offres spéciales adult only vous invitent à une parenthèse de douceur, en couple ou entre amis, dans les plus belles destinations du moment ! », résume sans détour Ôvoyages.

Même les grandes chaînes internationales s’y mettent : Marriott a ainsi ouvert un W Hotel en formule « séjour adult only tout compris » à Punta Cana présenté comme un resort exclusivement pour adultes, positionné sur un luxe festif et sans enfants au bord de la plage.​ Attention, si ces établissements « adults only » s’adressent bien à des adultes consentants, ils ne relèvent plus des clubs libertins échangistes pour « parties de jambes en l’air » très en vogue dans les années 2000 : l’idée aujourd’hui, c’est surtout le calme, le confort… et un marketing bien segmenté.

Le débat de fond : droit au calme ou ségrégation d’âge ?

Derrière les photos de piscines silencieuses, le phénomène interroge la façon dont le tourisme gère la cohabitation entre voyageurs. Pour ses partisans, le séjour « pour adultes » n’est qu’une niche parmi d’autres, au même titre que les clubs familiaux ou les hôtels business, et permet à chacun de choisir son ambiance de vacances sans imposer ses contraintes aux autres.​

Les réactions oscillent entre jubilation silencieuse et indignation outrée. Dans un sondage cité par l’hebdomadaire Newsweek, une majorité d’adultes se déclare favorable à des zones sans enfants dans les transports, même si certains y voient une dérive « child‑free » un peu agressive. « Vous avez droit à une vie sans enfants, mais pas à un monde sans enfants », rappelle ainsi une mannequin canadienne défendant le voyage en famille après une polémique sur les restrictions en Première classe.​

Pour ses détracteurs, la multiplication de zones et de produits « pour adultes » traduit une intolérance croissante envers les familles dans l’espace public, particulièrement en avion où tout le monde partage, bon gré mal gré, le même tube pressurisé. Entre les lignes, le secteur du voyage et du tourisme a déjà tranché : le client est toujours roi ! Et les cabines, ponts et piscines « adults only » ont de beaux jours devant eux…

Calmement vôtre : les voyages « adults only » remplissent avions, paquebots et hôtels 1 Air Journal

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