Jean-Louis Baroux est l’auteur de  « Compagnies aériennes- La faillite du modèle », aux éditions de l’Archipel (2010), un livre très critique envers les compagnies traditionnelles. Dans cette interview, il parle d’Air France, de l’essor des low cost, de la qualité de plus en plus déplorable des services à bord des compagnies... Air Journal / Dans votre livre, vous dénoncez sans mâcher vos mots le fonctionnement des compagnies aériennes qui les amènent à perdre de l’argent. Alors, pourquoi certaines compagnies aériennes comme Air France perdent-elles de l’argent alors que d’autres compagnies en gagnent ? J.-L. B. / Tous leurs maux proviennent du fait qu’elles ont perdu leurs relations avec le client. Surtout, elles ont déconnecté leurs prix de vente de leur prix de revient et leur prix de revient de leurs prix de vente. On trouve par exemple des prix de vente Paris-New York aller-retour à 355 euros, mais ce prix reste inférieur au réel coût de revient. Air journal / Vous avez un exemple ? J.-L. B.  / Prenons le cas des surcharges carburant qui est un exemple parfait de ces dérives, la surcharge carburant étant intégrée au prix de revient mais pas dans le prix de vente. Pour reprendre l’histoire, les compagnies ont cru se protéger des fluctuations excessives du carburant en prenant une couverture auprès des assurances. Chaque fois que le prix du pétrole montait, elles ont appliqué des surcharges carburant alors qu’elles s’approvisionnaient à un prix protégé. Les sommes prélevées ont ainsi représenté la totalité du résultat d’Air France en 2007-2008. Jusqu’à 2007, ces surcharges carburant représentaient le plus juteux des produits dérivés des compagnies. Tout allait bien pour ces compagnies tant que le prix du baril montait, mais le jour où ce prix a dégringolé, alors même que l’anticipation était toujours à la hausse, elles ont été prises au piège en payant beaucoup plus cher le carburant que son prix réel et sans pouvoir appliquer une surcharge carburant au passager, car celui-ci ne l’aurait pas comprise. A vouloir jouer au casino, elles se sont brûlé les ailes. A. J. / Est-ce la seule raison ? Par exemple, l’arrivée des low cost n’a-t-elle pas changé la donne ? J.-L. B.  / Certainement. En outre, à leur arrivée, personne n’y a cru. Elles ont même été traitées par les grandes compagnies avec le plus hautain mépris, avec la paupière à demi-fermée. Elles considéraient les passagers de low cost comme un public uniquement composé de sacs à dos, c’est-à-dire sans pouvoir d’achat. Mais ces directeurs ne voyageaient jamais sur ces vols, ils ne pouvaient donc pas voir que la clientèle était la même que leur compagnie. Et cette clientèle low cost n’a cessé de gonfler. Quand les compagnies aériennes s’en sont rendus compte, il était trop tard. Elles ont donc du se résoudre à faire des économies dans le coût afin d’avoir des prix qui s’alignaient. A. J. / Avec quelles conséquences ? J.-L. B.  / Au lieu de réaliser des économies sur leurs structures internes en réduisant le nombre de salariés, notamment au niveau des innombrables secrétaires, assistants et postes de direction, elles ont baisser leur qualité de service. Chez Air France, un simple rideau sépare désormais les classes de service, les sièges étant identiques, et la séparation entre les sièges rigoureusement similaire. Les portions repas sont devenus faméliques. Et pourquoi s’arrêter en si bon chemin. A la fin, vous nourrirez les clients avec des pilules. Cela coûtera moins cher et cela permettra de réaliser des économies de carburant car on allègera le poids de l’appareil. (sic) A. J. / Pierre-Henri Gougeon, patron d’Air France reproche à Emirates, la principale compagnie des Emirats Arabes Unis de percevoir « quelque 3 milliards d’euros d’avantages divers et variés », ce qui lui permet de devenir très concurrentiel sur le marché aérien. Quand pensez-vous ? J-L. B / C’est une vieille lune qu’Air France promène. Comme si elle n’avait jamais eu d’aides et d’avantages dans le passé de la part de l’Etat. Mais ce qu’il faut aussi voir, c’est que le produit proposé par Emirates et les compagnies du Golfe sont bien supérieurs à celui d’Air France et même de l’ensemble des compagnies européennes. Et les passagers préféreront toujours aller là où il existe le meilleur produit ou les meilleurs services.

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