La direction de la compagnie aérienne HOP! Air France juge irresponsable l’utilisation de la fatigue des pilotes, et donc de la sécurité des vols, pour obtenir gain de cause sur des revendications salariales.Un nouveau préavis de grève pourrait être annoncé mercredi. Le communiqué signé Alain Malka, Directeur Général Adjoint de la filiale régionale d’Air France, a été publié le 21 juillet 2017, plusieurs jours donc après la fin de la grève de six jours des pilotes de HOP!. Ecrivant que le cabinet diligenté par le CHSCT « n’a aucune compétence dans le domaine de la sécurité des vols  », le dirigeant explique que la direction juge « particulièrement irresponsable de vouloir utiliser ce genre d’argument pour obtenir gain de cause dans des négociations ayant échouées sur un thème salarial ». Une référence à l’utilisation de ce rapport évoquant la fatigue des pilotes et des risques de burnout lors des négociations sur la nouvelle convention collective de HOP!, portant en particulier sur l’harmonisation des conditions de travail entre les pilotes des anciennes entités Airlinair, Brit Air et Regional. Le SNPL HOP! ALPA (qui a mené la grève avec le syndicat Flight Cockpit Union) a régulièrement dénoncé une fusion des trois compagnies régionales réalisée à coûts constants, sans prendre en compte ses conséquences en termes de flotte, d’organisation et de procédures, mais aussi un manque d’harmonisation entre les différents accords d’entreprise préexistants. Le directeur de HOP! déclare que la sécurité des vols est « la première préoccupation d’une compagnie aérienne. Nous analysons tous les vols, tous les événements, toutes les déviations par rapport à la norme et nous adoptons immédiatement toutes les mesures correctives quand cela est nécessaire. Sur le plan préventif, nos règles et nos process sont le fruit de plus de 80 années d’expériences dont une quarantaine dans le domaine de l’aviation régionale ». Alain Malka assure que « nos mesures de sécurité sont auditées régulièrement par les autorités européennes et françaises. Nos pilotes sont des professionnels rigoureux et responsables et ils ont à tout moment la latitude de prendre les décisions nécessaires à la sécurité, notamment lorsqu’ils sont fatigués. Ils ont alors le droit de s’arrêter sans conséquence (clause fatigue inscrite dans les textes réglementaires) ». Si le dirigeant ne cite pas de propos précis, de nouveaux détails du rapport du CHSCT ont été publiés justement vendredi dans L’Humanité. On avait déjà appris que l’enquête évoque des « risques psychosociaux en forte augmentation » depuis la fusion d’Airlinair, Brit Air et Regional. Une fatigue générale « préoccupante » est dénoncée : 43% des pilotes interrogés disent s'être déjà « sentis à bout de force », et 15% estiment l'être « très souvent ou toujours » (un taux qui s'élève à 25% pour les copilotes de l'ex-Brit Air et 26% pour ceux de l'ex-Regional). Chez ces deux dernières ex-compagnies, la « petite frange » de pilotes menacés de burn-out monterait à « 4 à 5% des copilotes », estiment les experts. On peut désormais y ajouter les rotations de type « 3/3 », trois vols d’affilée dans la journée, une nuit courte, puis trois vols le lendemain, qui sont en particulier pointées du doigt, comme « la particulièrement redoutée « 5/3 », soit cinq vols dans la journée suivis d’une nuit courte et de trois vols le lendemain. Le quotidien cite également des témoignages de PNT, par exemple celui d’un homme de 45 ans ayant « 10.000 heures de vol au compteur » : il dit se souvenir avoir déjà piqué du nez aux commandes de son appareil : « On était en phase d’approche, à proximité de l’aéroport Charles-de-Gaulle. J’étais de retour d’Aberdeen (Écosse), une étape très dure avec une grosse amplitude horaire. J’ai eu un moment d’absence, je me suis endormi… Pas longtemps, peut-être 30 secondes. Mon collègue ne s’en est pas aperçu. Cela peut être grave, surtout quand vous volez à 350 km/heure avec un autre appareil à quelques kilomètres devant vous ». Une autre fois, il a dû renoncer à voler, de peur de frôler la catastrophe. « En langage de métier, ça s’appelle “débarquer” : quand on estime qu’on n’est plus en mesure d’assurer sa mission en toute sécurité, on prévient qu’on ne redécollera pas. Cela m’est arrivé après une nuit courte, lors d’un planning complètement fou : départ le matin à 6h30 de Bilbao (Espagne), arrivée à Charles-de-Gaulle, puis aller-retour vers Francfort et atterrissage à 16 heures. Et à Francfort, il vaut mieux ne pas s’endormir, il y a toujours un trafic énorme. J’ai décidé de ne pas redécoller de Charles-de-Gaulle, je ne me sentais pas en état. C’est une décision lourde de conséquences quand on travaille dans le transport aérien : nous sommes payés pour transporter les passagers. Le risque, c’est de ne pas écouter sa fatigue et de se forcer à rester aux commandes… ». A force de cumuler ces nuits courtes, « on n’arrive plus à récupérer », explique dans L’Humanité Armand Simon, président du SNPL HOP! ALPA, ajoutant que « le sous-effectif est tel que nous avons 10 avions cloués au sol en permanence, faute de pilotes et d’anticipation du problème par la direction ».