Après la grève de jeudi qui a forcé la compagnie aérienne Air France à annuler environ un quart des vols prévus, dont la moitié des départs sur le long-courrier, l’intersyndicale se réunit aujourd’hui et menace la direction d’un mouvement plus dur si les demandes d’augmentation salariale ne sont pas entendues.

La grève des personnels du jeudi 22 février 2018 « a pris fin. La situation revient progressivement à la normale », annonçait hier soir la compagnie nationale française,  renouvelant toutes ses excuses « pour les difficultés occasionnées par ce mouvement social ». Le mouvement, affectant les vols opérés par les avions d’Air France et ceux de Joon mais pas ceux de la filiale régionale HOP!, a eu l’effet prévu, avec en début de journée l’annulation annoncée de 50% des départs sur le long-courrier, 25% sur le moyen-courrier au départ de l’aéroport de Paris-CDG et 15% sur le court-courrier. Un taux de 29% de grévistes a été officiellement donné par Air France, mais des sources internes ont expliqué dans les Echos que ce pourcentage atteindrait « 33,4% chez les pilotes, 37,1% chez les hôtesses et stewards et 25,9% chez les personnels au sol soumis à la loi Diard ».

Cette grève a été lancée à l’appel d’une intersyndicale regroupant trois syndicats de pilotes (SNPL, SPAF et Alter), deux d’hôtesses de l’air et stewards (SNPNC et UNSA-PNC), et cinq de personnel au sol (CGT​, FO, SUD, CFTC et SNGAF). Représentant 52,6% des voix du personnel, ils demandent une augmentation de salaire de 6% (voire 10% pour les pilotes), ou de 200 euros par mois pour prendre en compte l’inflation des sept dernières années. « Pas de pognon, pas d’avion » est l’un des slogans entendus hier devant le siège d’Air France à Roissy où une manifestation avait été organisée. Le secrétaire général de FO-Air France au sol, Christophe Malloggi, a rappelé sur Sud Radio que la situation d’Air France « était très compliquée par le passé. On a demandé beaucoup d’efforts aux salariés. Depuis 2011, il n’y a plus d’augmentation générale dans l’entreprise » ; mais maintenant que les résultats financiers sont bons (588 millions d’euros de bénéfice opérationnel pour Air France en 2017), les salariés « réclament et revendiquent un rattrapage de la perte de pouvoir d’achat. Ce serait un juste retour de l’effort fourni qui, heureusement, a porté ses fruits », estime-t-il. Eric Faliu du SNPNC ajoute : « il faut au moins renverser la vapeur. On a perdu 10 000 emplois chez Air France depuis dix ans. Il n’y a aucune vision optimiste et sociale pour les salariés, on nous retire tous nos avantages sociaux, c’est absolument calamiteux ».

L’accord salarial annoncé par Air France porte sur une augmentation pour tous de 0,6% en avril puis 0,4% en octobre, plus une enveloppe de 1,4% permettant pour les employés au sol une série de primes et promotions ; mais cet accord n’a été signé que par la CFDT et la CFE-CGC, représentant 31,3% des voix. L’intéressement reversé aux 44.200 employés après les bons résultats de 2017 représentera 140 millions d’euros. L’augmentation de 6% réclamée par l’intersyndicale est « déraisonnable et irréaliste », a de nouveau affirmé le DG d’Air France Franck Terner hier, estimant le coût à 240 millions d’euros – soit 40% du bénéfice opérationnel. Les résultats se sont améliorés mais « restent significativement en-dessous de ceux de nos compétiteurs », rappelle-t-il, « deux fois inférieurs à ceux de Lufthansa et trois fois inférieurs à ceux de British Airways ». Un équilibre « réaliste » doit être trouvé entre les investissements nécessaires et « une juste rétribution des efforts », insiste le dirigeant qui se dit « pleinement conscient » des efforts faits par les employés d’Air France.

L’intersyndicale qui se réunit ce vendredi menace déjà d’un mouvement plus dur « si la direction s’entête ». Chez les pilotes, le SNPL majoritaire a lancé une consultation jusqu’au 14 mars sur le principe de lancer « au besoin, un ou plusieurs arrêts de travail » qui pourraient dépasser six jours – une menace identique à celle du printemps 2016, et finalement abandonnée au profit de multiples arrêts de travail pour perturber l’activité d’Air France sans pour autant se mettre à dos les passagers juste avant l’Euro.