La consultation des employés d’Air France a débuté hier, l’intersyndicale annonçant quelques heures après les pilotes avoir déposé des préavis de grève pour les 3 et 4 mai, puis les 7 et 8 mai. Soit un total de quinze jours de grève depuis février, nouveau record dans l’histoire de la compagnie aérienne.

Une pluie de communiqués est tombée le 26 avril 2018, alors que la compagnie nationale française lançait sa consultation pendant neuf jours de l’ensemble des employés sur sa proposition d’augmentation de 7% sur quatre ans (sous réserve de bons résultats). L’intersyndicale, qui regroupe les trois syndicats de pilotes (SNPL, SPAF, Alter), deux syndicats d’hôtesses de l’air et stewards (SNPNC et UNSA-PNC) et cinq de personnel au sol (CGT​, FO, SUD, CFTC et SNGAF), représentant au total 52,6% des voix du personnel, plus l’UNAC, a répété hier que ce projet « qui vise à fixer dès aujourd’hui la trajectoire des salaires pour les trois prochaines années, n’est pas une réponse au conflit en cours dont l’objectif est de solder les sept années de blocage de nos grilles de salaires. Ce projet ne trompe personne en réalité, ni les syndicats qui ne l’ont pas signé, ni les salariés ». Les dirigeants « leurrent les salariés » sur les conséquences de la consultation, poursuit le texte ; pour sortir d’un conflit, « il faut se mettre d’accord, donc il faut négocier », ce que proposent les organisations professionnelles. En faisant plusieurs propositions (« rattrapage ramené à 5,1% et échelonné dans le temps »), « elles ont démontré que tous les curseurs ont été négociables et le sont encore ». Evoquant une mobilisation forte avec des effets majeurs sur l’exploitation, elles appellent à maintenir la pression pour aboutir « à un accord satisfaisant pour tout le monde ». Et pose donc deux préavis de grèves de 48 heures au début mai, aux dates annoncées un peu plus tôt jeudi par les pilotes.

Le court communiqué de l’intersyndicale avait adopté un ton plutôt neutre. Ce n’est pas le cas pour l’UNSA, qui appelle bien sûr à voter non à la consultation et s’en prend au président d’Air France (et PDG d’Air France-KLM) Jean-Marc Janaillac : « celui-là même qui a créé Joon, qui ambitionne de transférer davantage de nos lignes vers Transavia, qui maltraite nos mécaniciens depuis des mois… Il incarne le dépeçage de la Maison Mère et de son activité, la sous-traitance et surtout la fin du métier et des carrières de PNC ». Le syndicat souligne que la consultation « n’est rien d’autre qu’un artefact politique qui vise à squeezer les organisations syndicales, et tenter de mettre fin au conflit unitaire sans précédent suivi par toutes les catégories de personnel de notre Compagnie ». En appelant à voter oui « et en créant, à dessein un climat anxiogène », la Direction « ne veut pas seulement que vous vous prononciez sur un accord salarial, elle veut surtout avoir les mains libres pour mettre en place ses projets mortifères » pour les salariés d’Air France. Pour l’UNSA, « ce QCM ne rentre dans aucun cadre légal. Quelle qu’en soit l’issue il ne permettra de valider aucun accord. Gageons que si le oui venait à l’emporter, des syndicats représentatifs pesant au moins 30% iront signer cet accord et qu’ensuite… s’en suivra un référendum cette fois-ci, à la sauce El Khomri ». Le syndicat évoque aussi les rumeurs sur l’enveloppe de rémunération du COMEX AF/KLM qui « aurait été augmentée de 65% en 2017. Nous attendons des explications de la part de la Direction. Une récidive honteuse de l’augmentation de 41% du Comex AF en 2016 ? » . Avant de conclure que voter non à la consultation, c’est se positionner « contre la politique de démantèlement d’Air France entamée par Jean-Marc-Janaillac et son équipe et prendre le contrôle de notre destin », et donc « donner un avenir » à la compagnie.

Rappelons que la proposition d’accord d’Air France porte sur une augmentation générale de 2% en 2018, assortie d’un seuil minimum de 25 euros par mois, et une autre de 5% pour 2019, 2020 et 2021 (1,65% par an), assortie d’un seuil minimum de 40 euros par mois. Les salaires seraient selon la direction augmentés de 12,5% en moyenne sur la période, (comprenant une augmentation générale de 7% pour toutes les catégories de personnel et les augmentations individuelles/GVT) ; mais ce « pacte de croissance » prévoit d’adapter l’augmentation dans le cas où le résultat d’exploitation d’Air France serait inférieur à 200 millions d’euros, et d’appliquer une clause de revoyure en cas d’inflation plus élevée ou de résultat négatif. En face, l’intersyndicale réclame une augmentation générale de 5,1%, avec +3,8% au 1er avril (rattrapage d’inflation 2012-2017) et +1,3% en octobre (inflation prévisionnelle de 2018).

Les trois syndicats de pilotes, SNPL, SPAF et Alter, réclament en plus une augmentation spécifique de 4,7%, et ont été les premiers hier à annoncer quatre jours de grève pour le début mai. Ils expliquent dans leur propre communiqué avoir eu en fin de semaine dernière et pendant le week-end « les premières vraies discussions concernant nos demandes spécifiques pilotes ». Leurs demandes « trouvent leur justification dans les efforts consentis à travers l’accord Trust Together et plus globalement dans l’équilibrage de nos règles de rémunération avec ce qui se fait ailleurs en Europe », affirment les syndicats. Ils reconnaissent qu’au cours de ces réunions plusieurs revendications ont été évoquées, « des mesures concernant des populations de pilotes spécifiques (CDB MC, LC…) », mais d’autres « sont encore purement et simplement ignorées » : aucune avancée par exemple sur « les augmentations de grille pour tous, le forfait étape ou la révolution numérique », des mesures qui concernent tous les pilotes. Et surtout, « le principe même des contreparties est parfaitement hors sujet dans le contexte présent. Il consiste à faire payer une nouvelle fois les efforts déjà réalisés ». Le DRH d’Air France Gilles Gateau a selon les syndicats « beau promettre monts et merveilles par mails, il omet toujours d’expliquer tout ce qu’il exige en préalable ». Quant à la consultation, elle consiste « à demander à l’effectif non-gréviste ce qu’il pense de la grève. On devine donc assez bien l’intention… Il est dommage que cette manœuvre se substitue à de vraies discussions ».

Air France a réagi hier à l’annonce des 4 jours de grèves supplémentaires, accusant les trois syndicats de pilotes d’ignorer « volontairement la consultation des salariés lancée aujourd’hui, et suivant les prises de position extrêmes de certains dirigeants de ces organisations ». Ils font ainsi le choix de « mettre encore plus en péril la situation économique de la compagnie, et augmentent encore le risque d’abimer profondément la confiance et la fidélité de nos clients ». Ces nouveaux préavis, alors même que les salariés d’Air France sont appelés à « exprimer leur voix » jusqu’au vendredi 4 mai à 18h00, « sont non seulement incompréhensibles mais indiquent clairement le mépris qui est fait de leur avis », affirme la direction. Le président de la compagnie aérienne Jean-Marc Janaillac adresse « une nouvelle fois toutes nos excuses aux clients impactés par ces grèves. Elles sont d’autant plus incompréhensibles que la consultation de l’ensemble des salariés sur l’accord salarial proposé est ouverte depuis ce matin. J’ai confiance en la volonté des salariés  d’Air France de mettre fin à cette situation destructrice pour la compagnie ».

Les onze grèves déjà menées, qui ont poussé Jean-Marc Janaillac à mettre sa démission dans la balance, auraient déjà coûté 300 millions d’euros à la compagnie. Les quatre prévues en mai battront le « record » de septembre 2014, quand le SNPL Air France avait mené quatorze jours de grève, avec un impact de 425 millions d’euros sur les résultats annuels du groupe de l’alliance SkyTeam. Air France-KLM avait alors enregistré une perte nette de 198 millions d’euros alors qu’elle était de 1,827 milliard l’année précédente.

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