L’Union européenne et le Qatar ont paraphé un nouvel accord aérien bilatéral, le premier entre le continent et un pays du Golfe. Il donnera à toutes les compagnies aériennes de chaque camp, et donc à Qatar Airways, un accès sans restriction à tous les aéroports de leurs territoires respectifs – au grand dam en particulier des syndicats de pilotes.

L’accord annoncé le 4 mars 2019 par l’Union européenne « renforcera les règles et les normes applicables aux vols entre le Qatar et l’UE », et établira « une nouvelle référence mondiale en s’engageant dans des mécanismes de concurrence solides et équitables, et en incluant des dispositions qui ne sont normalement pas couvertes par des accords bilatéraux de transport aérien, telles que les questions sociales ou environnementales », précise le communiqué de l’instance européenne. La commissaire chargée des transports, Violeta Bulc, souligne que le Qatar « a été le premier partenaire avec lequel nous avons entamé les négociations » à la suite de l’adoption de la stratégie de l’aviation pour l’Europe fin 2015. L’accord définit selon elle des « normes ambitieuses » en matière de concurrence loyale, de transparence et de problèmes sociaux. Cela permettra de créer des « conditions équitables et de relever le niveau mondial des accords de transport aérien. Il s’agit d’une mise à niveau majeure par rapport au cadre existant et de notre contribution commune pour rendre l’aviation plus durable ». Allant bien au-delà des droits de trafic, l’accord UE-Qatar fournira un ensemble unique de règles, des normes élevées et une plate-forme de coopération future sur un large éventail de questions relatives à l’aviation, telles que la sécurité, la sûreté ou la gestion du trafic aérien. L’accord engage également les deux parties à améliorer les politiques sociales et de l’emploi – une réalisation que les accords existants entre le Qatar et les différents États membres de l’UE n’ont pas encore fourni. L’accord comprend notamment les éléments suivants:

*Ouverture progressive du marché pendant cinq ans aux États membres de l’UE qui n’ont pas encore totalement libéralisé les correspondances directes pour les passagers: France, Belgique, Allemagne, Italie et Pays-Bas.
*Dispositions sur la concurrence loyale avec des mécanismes de mise en œuvre puissants pour éviter les distorsions de concurrence et les abus nuisant aux activités des compagnies aériennes de l’UE dans l’UE ou dans des pays tiers.
*Dispositions de transparence conformes aux normes internationales en matière de reporting et de comptabilité afin de garantir le respect intégral des obligations.
*Dispositions en matière sociale engageant les parties à améliorer les politiques sociales et du travail.
*Un forum de réunions traitant de toutes les questions et de toutes les différences potentielles à un stade précoce, ainsi que des mécanismes permettant de résoudre rapidement les conflits.
*Dispositions facilitant les transactions commerciales, y compris la suppression des obligations existantes incombant aux compagnies aériennes de l’UE de travailler par l’intermédiaire d’un sponsor local.

L’accord profitera à toutes les parties prenantes en améliorant la connectivité grâce à un environnement concurrentiel équitable et transparent, et « créera des bases solides pour une relation à long terme dans le secteur de l’aviation », assure le communiqué de l’Europe. Selon une étude économique indépendante réalisée pour le compte de la Commission, l’accord, assorti de solides dispositions en matière de concurrence loyale, « pourrait générer des retombées économiques de près de 3 milliards d’euros sur la période 2019-2025 et créer environ 2000 nouveaux emplois d’ici 2025 ». Après « le paraphe » d’hier, les deux parties prépareront la signature de l’accord conformément à leurs procédures internes respectives. L’accord entrera en vigueur une fois les deux procédures internes finalisées.

Contexte

Le Qatar “est un partenaire aérien de l’Union européenne, avec plus de 7 millions de passagers voyageant entre l’UE et le Qatar chaque année dans le cadre des 27 accords de transport aérien bilatéraux conclus avec les États membres de l’UE. Bien que ces accords bilatéraux aient déjà libéralisé les vols directs entre la plupart des États membres de l’UE et le Qatar, aucun d’entre eux ne comporte de dispositions relatives à la concurrence loyale et à d’autres éléments, tels que les questions sociales, que la Commission considère comme des éléments essentiels d’un accord sur l’aviation moderne. En 2016, la Commission européenne a donc obtenu l’autorisation du Conseil pour négocier un accord aérien avec le Qatar au niveau de l’UE. Depuis septembre 2016, les négociateurs se sont rencontrés pour cinq séries de négociations officielles, en présence d’observateurs des États membres de l’UE et des parties prenantes”.

Cet accord “fait partie des efforts concertés de l’UE pour assurer une concurrence ouverte et loyale et des normes strictes pour l’aviation mondiale, conformément au ambitieux programme extérieur proposé dans le cadre de la stratégie de l’aviation pour l’Europe”. Des négociations parallèles avec l’ANASE (ASEAN) sont à un stade avancé et des négociations sont également en cours avec la Turquie. La Commission dispose également d’un mandat de négociation pour des accords sur l’aviation avec les Émirats arabes unis et Oman. Les négociations de l’UE avec l’Ukraine, l’Arménie et la Tunisie ont été finalisées et les accords sont en attente de signature.

Europe – Qatar : l’accord aérien presque finalisé 1 Air JournalLes syndicats de pilotes réunis au sein d’ECA (European Cockpit Association), dont le SNPL en France, n’ont pas tardé à réagir : « pas satisfaisant ». ECA explique que les compagnies aériennes de l’UE et du Qatar « bénéficieront désormais des droits de trafic dits de 3ème et de 4ème liberté pour les vols passagers et des droits ‘’limités’’ de 5ème liberté pour les vols cargo ». Les avantages économiques de cet accord « sont davantage au bénéfice du Qatar qui se voit offrir un accès direct au marché des 28 pays de l’Union (500 millions de clients potentiels) contre un marché beaucoup plus restreint (3 millions de clients potentiels) offert aux transporteurs européens », souligne ECA pour qui le texte introduit bien « une clause sociale préconisant que les droits fondamentaux des travailleurs soient respectés et que les normes sociales qatariennes, moins strictes, ne soient pas utilisées pour supplanter les compagnies aériennes européennes. Malheureusement aucune pénalité n’est prévue en cas de non-respect de cette clause ». Pour le président d’ECA Jon Horne, il reste peu probable que le Qatar respecte pas son engagement à aligner son droit du travail sur les obligations définies par l’Organisation internationale du travail (ILO), même s’il s’y engage dans le texte – tout comme l’Union européenne d’ailleurs.

Les membres de l’ECA et le SNPL France ALPA « restent convaincus que même les clauses les plus strictes, si élaborées soient-elles sur le papier, ne sauraient être suivies d’effets dans la pratique sans une volonté politique forte de l’Union. Il importe que ces clauses soient absolument respectées par toutes les parties, sans quoi l’accord pourrait conduire à l’instauration d’une concurrence déloyale au détriment des compagnies européennes », insiste le syndicat français dans un communiqué.

On remarquera qu’aucune date n’est avancée pour la finalisation de l’accord EU – Qatar ; si on se base sur l’exemple de la Tunisie, avec qui l’accord de ciel ouvert avait été annoncé en décembre 2017, les parties concernées ont au moins 15 mois pour accepter et éventuellement affiner le texte présenté hier à Bruxelles. Et l’ouverture de nouvelles liaisons par Qatar Airways dépendra d’abord et avant tout de l’approbation des aéroports concernés, seuls responsables de la gestion des créneaux de vol…

Europe – Qatar : l’accord aérien presque finalisé 2 Air Journal