Le gouvernement a lancé hier une feuille de route nationale pour l’émergence d’une filière de biocarburants durables dans le transport aérien en France, qui devraient représenter 2% du total de la consommation en 2023 et 5% en 2030. Les acteurs comme Airbus, Air France, Safran, Suez ou Total applaudissent.

Annoncé le 28 janvier 2020 à Toulouse, le lancement de la « feuille de route nationale pour le développement des biocarburants aéronautiques durables dans le transport aérien français » a pour objectif affiché de « répondre au défi climatique et réduire son empreinte carbone », évalué à 1,1% du total des émissions dans le pays.. Ces biocarburants (SAF) constituent un « levier stratégique » pour la réduction à court et moyen terme des émissions nettes du secteur « qui dispose de peu d’alternatives énergétiques », ont souligné dans un communiqué Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, et Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’Etat chargé des Transports. Le déploiement des biocarburants aéronautiques durables constitue « une des priorités du Gouvernement » qui va continuer d’œuvrer en ce sens, en lien étroit avec l’ensemble des acteurs industriels concernés. Afin de rendre « très opérationnelle » cette feuille de route nationale, les ministres ont lancé hier un appel à manifestation d’intérêt (AMI) sur la production de biocarburants aéronautiques durables. Cet AMI a pour objectif d’identifier les projets d’investissement dans des unités de production de biocarburants de deuxième génération, actuellement envisagés par les acteurs économiques en France, et en particulier les projets d’investissement dans des unités de production de biocarburants à destination de l’aéronautique.

Cette feuille de route prévoit notamment une trajectoire de substitution à court-terme du kérosène fossile par des biocarburants durables de 2% en 2025 et de 5% en 2030. « Amorcer le déploiement de ces produits à court-terme » s’inscrit en cohérence avec la Stratégie nationale bas-carbone qui fixe un objectif de long terme de 50% en 2050 (soit le calendrier fixé par l’IATA). Signé en décembre 2017, l’Engagement pour la croissance verte (ECV) sur les biocarburants avait permis de lancer la réflexion sur les conditions du déploiement d’une filière française, associant l’État et cinq groupes industriels français : Air France, Airbus, Safran, Total et Suez Environnement.

Jean-Baptiste Djebbari, Secrétaire d’État chargé des transports, rappelait hier dans son discours : « Le 8 février 1919, Lucien Boussotrot réalisait ce qui a été considéré comme le premier vol commercial entre Paris et Londres, plus précisément entre Toussus-le-Noble et Londres. Depuis quelques semaines, sur ce même terrain de Toussus-le-Noble, vole le premier avion électrique produit en série, aujourd’hui destiné à la formation au pilotage. Entre ces deux évènements, des révolutions successives avec l’essor du transport de masse, les vols supersoniques, le succès industriel de l’A320, le tournant du low-cost, la transformation de l’écosystème autour du numérique ». Mais il soulignait aussi que l’aviation a vu son image se ternir brutalement « avec les grands débats environnementaux et sociétaux, tant en France qu’en Europe (…). Il y a donc nécessité à agir vite pour un secteur qui a déjà fait beaucoup ».

« Les esprits taquins diront que l’aviation a fait beaucoup car la frugalité énergétique est une condition majeure de compétitivité, que le fossile est l’ennemi du compte de résultats, et ils auront raison. Mais force est de constater que depuis 10 ans, les progrès technologiques sont là. Ils contribuent à réduire de 15% à 25% les émissions de CO2 des avions récents comme l’A350 ou la famille des A320NEO par rapport à leurs prédécesseurs. Et je sais que la filière française va intensifier ses efforts de recherche pour que la prochaine génération d’avions, celle qui volera à partir de 2030 avec de vraies ruptures technologiques. Autrement dit, je sais que la filière française est taillée pour réaliser sa révolution environnementale avec des avions qui voleront demain à l’aide de carburants synthétiques, avec des opérations optimisées tirant pleinement profit de l’intelligence embarquée. Les Français, les Européens peuvent faire cette révolution et sa portée sera mondiale (…). Mais tout en disant cela, je veux tenir ici un discours de vérité. Les biocarburants durables seront nécessaires mais pas suffisants pour atteindre les objectifs environnementaux fixés par les accords internationaux, qui nous imposent d’émettre en 2050 la moitié de ce que nous émettions en 2005. Cela nous renvoie aux ruptures technologiques précédemment citées : l’avion hybride, l’avion à coût carbone nul et plus largement, la génération massive d’énergie décarbonée.  Pour autant cette première phase est essentielle. Il est nécessaire de la lancer vite et d’avoir rapidement des résultats ».

Les cinq acteurs engagés dans l’ECV ont en tout cas salué le lancement de cette feuille de route nationale : Airbus, Air France, Safran, Suez et Total se félicitent du lancement d’un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI), « première étape fondamentale pour accompagner l’émergence de filières de production en France ». Cet AMI va selon leur communiqué permettre d’identifier les projets d’investissement dans des unités de production de biocarburants durables pour l’aviation de deuxième génération en France, mais aussi « des mesures d’accompagnement et d’incitations permettant de favoriser ces investissements ». La directrice d’Air France Anne Rigail a en particulier rappelé les actions déjà menées, depuis les premiers tests sur des vols commerciaux dès 2014 jusqu’au projet en juin prochain d’utilisation de SAF entre Paris-CDG et l’aéroport de San Francisco. La compagnie aérienne vise une réduction de 50% de ses émissions de CO2 au passager/km d’ici à 2030, grâce notamment à d’importants investissements dans des appareils plus économes en carburant.

La mise en place d’une filière économiquement viable et pérenne est « indispensable à l’accélération de l’utilisation des biocarburants durables dans l’aviation » et donc à la réduction des émissions nettes de CO2 du transport aérien ; mais elle devra aussi « garantir et préserver la compétitivité » de chacun des acteurs dans son environnement concurrentiel et « s’inscrire dans une trajectoire internationale », soulignent les cinq groupes industriels en rappelant leurs recommandations :

*Mobiliser les volumes de matières premières nécessaires vers le secteur de l’aérien,

*Garantir l’utilisation de ressources durables pour des biocarburants avancés, notamment issus de l’économie circulaire,

*Assurer la viabilité économique de l’ensemble des acteurs de la chaine de valeur, grâce à des mécanismes incitatifs adaptés,

*Utiliser les circuits de distribution logistiques aéroportuaires existants,

*Soutenir le principe de diversification des filières de production.

Le déploiement des biocarburants durables pour l’aviation « constitue un levier stratégique pour la réduction des émissions nettes de CO2 du transport aérien, avec une réduction sur l’ensemble du cycle de vie allant jusqu’à 80% avant mélange », conclut le communiqué.

La France s’engage enfin dans la filière biocarburant 1 Air Journal

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