Le groupe Air France-KLM va progressivement réduire son activité de manière très significative et pendant deux mois, avec une offre en siège qui pourrait baisser de 70% à 90% et l’immobilisation de tous les Airbus A380 et Boeing 747. La low cost Transavia va fermer ses lignes vers l’Algérie, l’Espagne et le Portugal, mais opèrera encore des vols de rapatriement ce mardi. Les syndicats de pilotes et de PNC d’Air France affichent leur solidarité.

Le pessimisme affiché en février apparait aujourd’hui bien dérisoire face à la pandémie du coronavirus : le groupe franco-néerlandais a annoncé des « mesures d’exception » le 16 mars 2020, rappelant que certains pays ont imposé des contraintes à la circulation des voyageurs en provenance de France, des Pays-Bas ou plus largement d’Europe, et qu’en France, le passage à une urgence de santé publique de niveau 3 impose depuis le dernier week-end la fermeture des services non essentiels. « Face à ces restrictions croissantes sur la possibilité de voyager et à une demande fortement orientée à la baisse qui se sont traduites sur les dernières semaines par une baisse du trafic et des ventes », Air France-KLM « va devoir au cours des prochains jours » réduire progressivement son activité de manière très significative, avec une offre en sièges kilomètres offerts (SKO) qui « pourrait baisser entre -70% et -90% ». Cette réduction de capacités est actuellement programmée pour une durée de 2 mois, et le Groupe continuera de suivre l’évolution du contexte au quotidien « pour la faire évoluer si nécessaire ».

Les compagnies nationales française et néerlandaise n’ont pas détaillé quelles lignes supplémentaires seront supprimés ou réduites, s’en tenant aux interdictions de vol générales annoncées par des pays toujours plus nombreux. Dans une vidéo adressée aux employés, le CEO Benjamin Smith a toutefois expliqué qu’Air France et Transavia France verront leur capacité réduite de 80 à 90% d’ici à la fin de la semaine ; avec pour la seule Air France une baisse de l’offre prévue de 95% sur le court et moyen-courrier, et de 90% sur le long-courrier. « Dans cette période de fortes turbulences, j’ai décidé de réduire ma propre rémunération de 25% », a par ailleurs déclaré Ben Smith.

Du fait de cette baisse des capacités, Air France immobilisera l’ensemble de sa flotte Airbus 380 (neuf appareils) et KLM Royal Dutch Airlines l’ensemble de sa flotte Boeing 747 (10 appareils). Et pour faire face à cette situation, le groupe de l’alliance SkyTeam explique dans son communiqué avoir déjà engagé « des mesures fortes pour sécuriser sa trésorerie » :

-Un plan additionnel d’économies qui génèrera 200 millions d’euros au cours de l’année 2020 ;

-Une première révision du plan d’investissement a réduit ce dernier de 350 millions d’euros, auxquels s’ajoutera l’impact de la baisse d’activité sur le montant des investissements de maintenance ;

-Le groupe a tiré la semaine dernière une ligne de crédit renouvelable pour un montant total de 1,1 milliards d’euros, et KLM a pour sa part tiré une ligne de crédit renouvelable pour un montant total de 665 millions d’euros. Le Groupe et ses filiales disposaient ainsi à la date du 12 mars de plus de 6 milliards d’euros de liquidités ;

-Air France et KLM consulteront les instances représentatives de leur personnel sur des mesures « prenant en compte les impacts de la baisse d’activité, dont la mise en œuvre d’activité partielle ».

Malgré ces mesures, la dégradation de l’environnement liée à l’épidémie et la forte réduction de son activité qui en découle aujourd’hui amènent le groupe à « prévoir une trajectoire financière fortement dégradée » par rapport aux perspectives présentées à l’occasion de la publication de ses résultats annuels. Le Groupe estime en effet que les baisses de revenus de l’activité passage découlant de la réduction des capacités ne seront compensées qu’à hauteur de 50% environ par la baisse des coûts variables avant mesures d’économie. Dans ce contexte « extrêmement difficile », Air France-KLM a « accueilli positivement » les déclarations exprimées par l’Etat Français et l’Etat Néerlandais qui ont indiqué chacun étudier toutes les conditions possibles d’un soutien au Groupe. Et sans aucun doute celle annoncée lundi par le groupe ADP gérant les aéroports parisiens : « pour accompagner ses clients dans la crise », il suspend à compter de lundi les redevances de stationnement pour les avions immobilisés sur les plateformes parisiennes « du fait de la crise ». Les loyers et charges locatives des locaux situés dans les terminaux fermés « ne seront pas dus pendant la période de fermeture de ces derniers », a précisé ADP.

La low cost Transavia a annoncé une fermeture progressive de ses lignes vers l’Algérie, l’Espagne et le Portugal, et a détaillé les vols de rappariements prévus ce 17 mars vers Paris-Orly : en ce qui concerne le Maroc au départ de Marrakech, d’Agadir, de Rabat et de Casablanca, en Tunisie au départ de Djerba, Tunis et Monastir (et vers Lyon au départ de Tunis, vers Nantes au départ de Djerba). Au Portugal, « suite aux mesures annoncées par les autorités », les vols de et vers Porto sont annulés d’aujourd’hui jusqu’au 5 avril, et ceux de et Lisbonne et Faro sont annulés à partir du 20 mars inclus jusqu’au 5 avril. Les vols annulés « seront remboursés », indique la low cost.

Les syndicats de navigants d’Air France se sont exprimés hier, après le CSE (Conseil économique et social) central extraordinaire qui s’est tenu à Roissy. Chez les pilotes Air France, le SNPL explique dans un communiqué que « compte tenu du contexte sanitaire et des conséquences économiques et politiques de la crise du Covid-19, la Direction d’Air France a décidé de réduire drastiquement dans les prochains jours les activités de la compagnie. Cette annonce est un traumatisme pour l’ensemble des salariés du groupe Air France. Cependant, le Bureau Air France-Transavia France du SNPL refuse de céder au fatalisme. Pendant cette période de crise, les pilotes se consacreront à la capacité de l’entreprise à  reprendre ses vols dans les meilleures conditions de sécurité ». Guillaume Gestas, Président du SNPL Air France et Transavia France, a déclaré : « Les pilotes d’Air France et de Transavia France s’inscrivent dans une démarche volontairement optimiste. Le défi de la reprise normale des opérations s’offrira aux salariés d’Air France. A nous de nous y préparer au mieux, tous unis, pour refaire de la marque Air France la meilleure Ambassadrice de notre nation ».

Chez les hôtesses de l’air et stewards d’Air France, le SNPNC explique que « le caractère historique et l’ampleur de l’épreuve que traverse notre Compagnie ont été partagés par tous. Préserver l’emploi avec 90% d’activité en moins c’est le défi auquel nous faisons face. L’actualité va très vite et Air France s’adapte à chaque minute en fonction de la situation sanitaire et des consignes gouvernementales. Economiquement pour faire simple, AF à de quoi tenir 3 mois en terme de cash si aucune action n’est entreprise. A cet instant AF annonce que 90% du programme de vols va être abattu. Il s’agit d’une information à cet instant « T ». Cela peut s’accélérer avec les mesures sanitaires gouvernementales a venir. La collaboration avec le gouvernement est étroite. Ainsi AF a obtenu des baisses et/ou report de taxes et de charges. Les augmentations générales ne sont pas gelées. L’activité partielle a pour but de préserver l’emploi (empêcher les licenciements en somme). Elle va être mise en place dans les heures qui viennent, d’autant que si des mesures de confinement venaient a être annoncées, AF serait dans une activité partielle totale de fait… Pour les PNC, les dispositions qui s’appliquent aux salariés français ne peuvent s’appliquer en l’état au Personnel Navigant, compte tenu des spécificités liées au calcul du temps de travail (expression en heures/jours pour le navigant). C’est pourquoi les partenaires sociaux travaillent à un mode de calcul dédié. La direction a demandé aux autorités de tutelles la prolongation des butées réglementaires (généralité, qualifs machines, visites médicales…). Vos délégués SNPNC sont sur le pont à chaque instant et échangent avec la Direction pour faire remonter vos inquiétudes et participer avec intelligence aux actions mises en place pour préserver les emplois et contenir l’épidémie. Pour l’heure notre solidarité est notre plus grande force. Ne doutons pas de notre capacité à surmonter cette épreuve ».

Covid-19 : Air France-KLM quasiment à l’arrêt 1 Air Journal

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