Dans une interview à La Tribune, Jean-Paul Dubreuil, président du groupe Dubreuil, et Marc Rochet, vice-président du conseil d’administration d’Air Caraïbes et président de French Bee, ont critiqué les aides dont bénéficiera Air France dans la gestion de la crise du coronavirus. Le syndicat SNPL Air France/Transavia a réagi…

Alors que les dirigeants d’Air Caraïbes s’apprêtent à clouer au sol pour deux mois (pour une reprise possible en juin) ses 14 gros porteurs après un dernier vol de rapatriement ce samedi, ils ont tenu à rassurer sur la santé de la compagnie, qui a levé 100 millions d’euros « pour avoir de l’eau sous la quille ». Son pôle aérien dispose  d’une trésorerie de 250 millions d’euros dans laquelle il ne compte d’ailleurs pas puiser pendant cette période. « Nous abordons la crise en pleine forme, explique Jean-Paul Dubreuil. Nous avons réalisé en 2019 un chiffre d’affaires d’environ 700 millions d’euros et une marge opérationnelle de 5%, malgré la hausse de la facture carburant et du dollar. Et les résultats des deux premiers mois de 2020 ont été meilleurs que prévu ».

Régissant à une question de La Tribune à propos des aides que prévoit l’Etat à Air France dont il est actionnaire à 14,3 %, Jean-Paul Dubreuil a déclaré : « Ce n’est pas très logique sur le plan concurrentiel. Pourquoi une compagnie plutôt qu’une autre bénéficierait de la manne de l’Etat qui leur permet d’avoir une position beaucoup plus laxiste que la nôtre car elle entretient l’idée que l’Etat viendra toujours à son secours ? Nous sommes assez déçus de tout cela ». De son côté, Marc Rochet indique « qu’il n’y a pas de raison fondamentale » (au-delà de ce qui est fait pendant la crise comme l’aide sur les charges sociales…), à des aides d’Etat. « Il n’est pas question non plus que ces aides d’Etat servent à prolonger des compagnies qui n’étaient pas suffisamment performantes. Le gouvernement vient de nationaliser Alitalia. Est-ce une bonne décision? Je ne pense pas ».

Le SNPL AF/TO, a déploré l’attaque en règle de ses dirigeants : « Il convient d’abord de préciser qu’Air Caraïbes et French Bee bénéficient toutes deux des allocations et exonérations de charges annoncées par l’Etat dans le cadre de l’activité partielle. En déclarant « aborder la crise en pleine forme » et avoir « levé 100 millions d’euros pour avoir de l’eau sous la quille », Jean-Paul Dubreuil et Marc Rochet devraient dès lors, par solidarité nationale et décence financière, renoncer à ces aides. »

Le bureau Air France-Transavia France du SNPL F ALPA continue ainsi dans son communiqué :

« Dans une telle situation de plénitude économique et après avoir décidé de suspendre leurs vols, il est étonnant que les dirigeants d’Air Caraïbes et de French Bee aient laissé la charge à Air France d’organiser seule avec l’État le rapatriement de certains français laissés en souffrance un peu partout dans le monde. Des vols diplomatiques et humanitaires qui ont été effectués par les salariés d’Air France et de Transavia avec devoir et courage pendant qu’Air Caraïbes et French Bee annoncent que les « discussions sont en bonne voie avec les sociétés de leasing pour différer les loyers des appareils en location ».

Pendant ce temps, les Etats de nombreux pays dans le monde annoncent venir en aide à leurs compagnies aériennes, dans une attitude aussi responsable que consciente des conditions particulièrement difficiles que rencontre le secteur dans la crise actuelle. La presse annonce 12 milliards d’Euros pour la seule Singapore Airlines, 58 milliards de dollars pour les compagnies américaines, 584 millions d’euros de prêts garantis par l’État pour Norwegian et SAS… : seuls les dirigeants d’Air Caraïbes et de French Bee semblent contester la nécessité d’un plan « Marshall » du Transport Aérien.

Par ailleurs, il relève de la stricte logique qu’outre les aides d’Etat apportées globalement au secteur, les actionnaires des compagnies aériennes se préoccupent et injectent des liquidités dans les entreprises concernées. Comme le Groupe Dubreuil l’a fait à plusieurs reprises ces dernières années au bénéfice des compagnies de son Groupe, il est parfaitement du rôle de l’État français, actionnaire de référence, d’envisager toute solution pour protéger son patrimoine et la compagnie Air France, pourvoyeuse de dizaines de milliers d’emplois et d’une part de la richesse de notre pays.

Guillaume Gestas, Président du SNPL Air France/ Transavia ajoute :

« La situation dramatique actuelle devrait conduire les dirigeants d’Air Caraïbes et de French Bee à mesurer leurs propos. Le transport aérien mondial est dans un état d’urgence absolue qui impose cohésion et solidarité, plutôt que d’appeler, avec cynisme et intérêt, à un nettoyage du paysage aérien français. L’urgence va au rapatriement des ressortissants français dans le monde, au maintien d’une activité minimale, et à la survie de tous ceux qui permettront à notre économie un démarrage post-crise en respect des salariés et de leurs contrats de travail. Ceux d’Air France et de Transavia, au premier rang desquels les pilotes, s’inscrivent dans cette dynamique et condamnent tout plan de communication qui viserait d’autres objectifs. »

Aides aux compagnies françaises : passe d’armes entre Air Caraïbes et Air France 1 Air Journal

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