Les actionnaires de la compagnie aérienne low cost easyJet vont approuver la vente d’actions à hauteur de 419 millions de livres sterling, de quoi faciliter le retour à la normale après la pandémie de Covid-19. Mais pour le SNPL représentant ses pilotes français, cette reprise se fait dans des conditions de sécurité diminuées.

Selon le président de la spécialiste britannique du vol pas cher John Barton, environ 60% des actionnaires ont jusque là voté en faveur de la vente d’actions, alors qu’une simple majorité est requise ; la décision devrait donc être officiellement approuvée en AG, a-t-il déclaré à Bloomberg. Cette levée de fonds d’environ 419 millions de livres (462 millions d’euros), soit 15% du capital d’easyJet, avait été annoncée fin juin ; la veille, la low cost affichait une perte avant impôts pour les six mois au 31 mars de 353 millions de livres, contre 272 millions l’an dernier pour la même période de son exercice fiscal.

Avec cette augmentation de fonds propres, easyJet disposera d’une trésorerie de plus de 3 milliards de livres, de quoi passer le pire de la pandémie de Covid-19. Sa situation financière a déjà été aidée par des pertes inférieures aux prévisions, plus de passagers que prévu ayant opté pour des avoirs plutôt que le remboursement des vols annulés. La low cost avait déjà annoncé en mai son intention de supprimer 4.500 postes afin de réduire ses coûts, et dit toujours s’attendre à ce que la demande ne revienne pas à la normale avant 2023. Quasiment à l’arrêt depuis la fin mars, et après avoir annoncé pour le 15 juin 2020 la reprise d’un nombre de vols limités en France et au Royaume Uni, easyJet espère opérer au mois d’aout 30% des capacités initialement prévues, mais sur 75% de ses liaisons.

Mais alors qu’elle a commencé à négocier « formellement » en Grande-Bretagne avec les syndicats sur « la possibilité » d’une réduction de 30% de ses effectifs et de la fermeture des bases de Londres-Stansted, Londres-Southend et Newcastle, la polémique sur les conditions de licenciement des pilotes rebondit en France. La possibilité que « l’absentéisme général pourrait faire partie de son évaluation » sur le choix des pilotes devant partir, la maladie étant un critère, avait déjà fait bondir le syndicat de pilotes BALPA (et avait nié par la low cost). Il a été rejoint ce mercredi par le SNPL, qui représente 96% des pilotes basés en France : ce dernier souhaite selon son communiqué « avertir nos clients et les autorités régulatrices du fait qu’easyJet, pourtant habituellement à la pointe en terme de sécurité des vols, est maintenant dirigée par un management qui a érodé en quelques semaines plusieurs couches de protection face au risque d’accident. Nous demandons des engagements sur la sécurité des vols et un démenti ferme de la part d’easyJet pour que la confiance soit rétablie ».

Les faits à l’origine de ce courroux sont d’après le syndicat : « notre département en charge de la sécurité des vols, auparavant indépendant comme le dictent les bonnes pratiques de l’industrie, a non seulement vu ses effectifs fondre, mais se retrouve intégré à celui des opérations, de fait soumis à pressions commerciales. Dans le même temps, le nombre d’absences liées à la maladie deviendrait, en tout cas c’est ce que demande la direction, un critère clé de sélection pour le licenciement des pilotes basés au Royaume Uni ». Le SNPL poursuit : « nous affirmons que depuis la semaine dernière, des pilotes qui ne sont absolument pas en état de voler, physiquement ou mentalement, auraient pu prendre les commandes d’un Airbus easyJet, de peur de perdre leur emploi ».

Alors que « nos manuels de vol, les autorités aériennes et le système de management de la sécurité d’easyJet certifié au niveau européen, interdisent tous à un pilote d’aller voler s’il se sent inapte », le nouveau management d’easyJet a pourtant menacé de licencier en priorité selon le syndicat « les salariés qui choisissent de respecter les règles et  la sécurité des vols. . C’est d’autant plus incompréhensible que la compagnie a depuis toujours, et par écrit, confirmé qu’un pilote sera toujours soutenu pour avoir pris la bonne décision de ne pas aller risquer la vie des passagers et de l’équipage », souligne le communiqué.

Plus qu’une maladresse, le SNPL croit voir dans l’affaire « un manque de clairvoyance de la part des nouveaux décideurs qui peinent à trouver une réponse à la crise sanitaire. Ce manque de lucidité s’exprime aussi aujourd’hui par le retard au redémarrage que la compagnie a pris par rapport aux concurrents. Un manque de vision qui s’exprimait déjà hier, au début de l’épidémie quand le nouveau directeur des opérations récemment débauché de chez Ryanair (Peter Bellew, qui fera vendredi l’objet d’un vote de confiance du BALPA NDLR), avait qualifié la Covid-19 « d’être couverte de manière excessive par les médias » et s’était rendu au milieu des équipages basés à Milan, sans masque, pour appuyer ses propos.

Le SNPL easyJet « en appelle à la direction de la compagnie, aux autorités de tutelle nationales et à l’Agence européenne de sécurité aérienne pour stopper des pratiques qui ne sont ni plus ni moins qu’une mise en danger des passagers et des employés d’easyJet ». Il est fondamental pour le syndicat que les pilotes « aient la promesse que ni cette fois ni jamais, le choix de la sécurité ne sera une menace pour leur emploi ». Il soutient donc le BALPA et son action envers le COO : « mieux vaut scier une branche toxique, que de laisser tout l’arbre pourrir ».

EasyJet : argent en vue et courroux des pilotes français 1 Air Journal

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