Dans une lettre ouverte, Jean-Louis Baroux, fondateur du réseau APG et acteur bien connu dans le milieu de l’aérien français, revient sur la supplique « à genoux » du directeur général de l’IATA (Association internationale du transport aérien) Alexandre de Juniac, exhortant les passagers ayant vu leur vol annulé durant la pandémie de Covid-19 d’opter pour un avoir plutôt que le remboursement en espèces du billet d’avion afin de protéger la trésorerie des compagnies aériennes.

En fait vous demandez aux clients de faire confiance à la pérennité de chacune des compagnies aériennes alors que vous connaissez parfaitement leur vulnérabilité. Voilà le problème. Pourquoi les personnes qui se sont parfois endettées pour acheter leurs billets très longtemps à l’avance, car cela les arrangeait bien sûr, mais cela faisait aussi les affaires des transporteurs qui ainsi disposaient d’une trésorerie à peu de frais, auraient-elles confiance dans la sécurité de leur argent ? Au fond, les clients se comportent comme les compagnies aériennes vis-à-vis de leurs distributeurs, je veux nommer les agents de voyages. Pour valider ces derniers et les autoriser à utiliser le BSP, IATA a mis en place un système de contraintes fortes tout en se défaussant lorsqu’une agence ou un gros consolidateur faisait défaut.

L’observateur extérieur que je suis constate tout de même une grande absence d’équité dans la relation entre votre organisme et les agents de voyages qui ont certes le défaut de ne pas avoir monté un organisme mondial capable de discuter avec IATA sur un pied d’égalité. Les clients qui réclament le remboursement des sommes payées auprès des compagnies aériennes ne font que marquer une défiance quant à la fiabilité du transport aérien, et ils ont bien raison, ne serait-ce qu’en entendant les propos alarmistes que les responsables de ce secteur d’activité et vous même au premier chef tiennent à longueur de journée.

La relation serait tout à fait différente si IATA avait mis en place un fonds de garantie des sommes déposées par les clients, comme cela est réclamé depuis des années. Le sujet a été plusieurs fois mis à l’ordre du jour des « Boards » de IATA par le passé en particulier sous la direction de Tony Tyler, votre prédécesseur. Les études ont d’ailleurs été menées presque jusqu’au point d’achèvement. Le coût d’un tel fonds se situant entre 0,50 $ et 1 $ par passager/segment.

Seulement les grands transporteurs, en fait ceux qui siègent au Board of Governors ont toujours fait obstacle à sa mise en service au prétexte que les gros ne voulaient pas payer pour les plus petits qualifiés de plus fragiles. Or que voyons-nous maintenant ? Les colosses ont des pieds d’argile et ils ne peuvent survivre que par les avances faites par les clients. Sur les 30 membres de l’actuel Board of Governors, la plupart ont dû faire massivement appel à leurs gouvernements pour survivre, certains comme LATAM ou Avianca sont entrés sous le régime du Chapitre 11 aux Etats Unis, ce qui équivaut à un dépôt de bilan. D’autres et non des moindres ont annoncé de considérables réductions d’effectifs : 22.000 chez Lufthansa, 19.000 pour Air Canada, autour de 10.000 dans le groupe Air France/KLM, 44.000 chez American Airlines, pour ne citer que quelques-uns d’entre eux.

Comment voulez-vous que dans ces conditions, les clients fassent confiance aux compagnies pour sécuriser leur argent ? Il est probablement temps de relancer ce serpent de mer qu’est le fonds de garantie des compagnies aériennes. Il serait surprenant que les grands opposants du passé continuent à maintenir leur position négative. Il ne faut pas compter sur les transporteurs pour prendre une telle initiative, mais elle peut très bien venir de la direction de IATA et de vous en particulier. Il est possible qu’elle ait de la peine à passer au filtre du Board of Governors, et encore, mais elle serait probablement soutenue par un vote de l’Assemblée Générale.

Si une telle initiative était prise, elle ne coûterait d’ailleurs rien aux transporteurs qui n’auraient aucune difficulté à rajouter le coût dans leurs grilles tarifaires déjà si compliquées, elle redonnerait non seulement confiance aux clients, mais elle resserrerait les liens avec les agents de voyages. Le transport aérien est composé d’une chaîne dont les principaux maillons sont les transporteurs, les aéroports et les distributeurs. Retisser des liens forts entre les acteurs, voilà un projet digne de IATA et de votre direction“.

Jean-Louis Baroux réitère haut et fort ce que les voyagistes, qui font face au mécontentement grandissant des clients à chaque faillite d’une compagnie aérienne (ou à l’annulation des vols pendant la crise du Covid-19), réclament à l’IATA depuis des années : un fonds de garantie pour rembourser les clients. Alors que les agences de voyages immatriculées auprès de l’IATA fournissent des garanties financières et que les tour-opérateurs ont également cette obligation en vertu de la législation européenne pour protéger les consommateurs contre une faillite, il n’existe aucune protection pour les consommateurs contre la faillite d’une compagnie aérienne.

Une fois de plus on mesure la nuisance du travail de lobby du cartel des grandes compagnies aériennes. Elles ont empêché la mise en place d’une caisse de garantie aérienne à l’époque où elle aurait été d’un coût modeste et désormais en appellent à l’épargne publique pour les sauver, pis… elles en appellent à l’épargne de leurs clients“, commente Fabrice Dariot qui dirige le spécialiste des billets d’avion pas chers Bourse Des Vols.

BtoB: Jean-Louis Baroux demande à l'IATA un fonds de garantie pour rembourser les billets des compagnies en faillite 1 Air Journal

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