Le gouvernement a mis fin au projet de Terminal 4 à l’aéroport de Paris-CDG, jugé « obsolète » par la ministre de la Transition écologique qui en demande un nouveau. Le Groupe ADP, allié entre autres à la compagnie aérienne Air France-KLM et à Airbus, a lancé un appel à manifestation d’intérêt « pour explorer les opportunités offertes par l’hydrogène sur les aéroports franciliens ».

Menacé depuis l’été dernier, le projet de T4 à Roissy, prévu pour accueillir 40 millions de passagers par an d’ici 2037 et dédié à la compagnie aérienne Air France et ses partenaires, a été abandonné : « le gouvernement a demandé à ADP d’abandonner son projet et de lui en présenter un nouveau, plus cohérent avec ses objectifs de lutte contre le changement climatique et de protection de l’environnement », a annoncé dans Le Monde du 11 février 2021 la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili. La décision devrait être entérinée la semaine prochaine par le groupe aéroportuaire, dont l’Etat est actionnaire majoritaire. Et quelque soit le nouveau projet présenté par ADP, il ne devra pas être centré sur l’accroissement des capacités : « nous aurons toujours besoin des avions, mais il s’agit d’être dans une utilisation plus raisonnée de l’aérien, et d’atteindre une baisse des émissions de gaz à effet de serre du secteur », a ajouté la ministre. Qui met en avant trois dimensions : « l’amélioration des infrastructures pour augmenter l’intermodalité avec le train, l’essor de la géothermie et l’adaptation à des avions à hydrogène ou électriques ».

L’annonce survient alors que le projet de loi « climat et résilience » vient d’être présenté par le gouvernement, qui avait déjà conditionné à des objectifs écologiques son aide à Air France mais aussi au secteur aéronautique. L’ouverture partielle du Terminal 4, au nord des 2E et 2F, était envisagée pour 2024 et les Jeux Olympiques de Paris (avec une capacité de 7 à 10 millions de passagers par an), mais avait finalement retrouvé sa date initiale de 2028 à la demande d’Air France. Le coût de la construction et du développement de la plate-forme aéroportuaire était estimé entre 7 et 9 milliards d’euros, intégralement financé par le Groupe ADP. Une fois terminé, le T4 devait avoir à peu près la taille d’Orly et porter la capacité de l’aéroport Charles de Gaulle à 120 millions de passagers par an, de quoi gérer la croissance du trafic aérien jusqu’à 2050 selon ADP – une prévision faite avant la crise sanitaire.

Rappelons que la pandémie de Covid-19 a déjà mis un coup d’arrêt à la privatisation d’ADP, qui n’a pas demandé d’aide mais a vu son trafic chuter de 69,4% l’année dernière à Roissy et Orly ; l’architecture retenue pour le T4, surnommée Space Invader avec deux culs-de-sacs de part et d’autre du bâtiment, était en outre loin de faire l’unanimité malgré 18 mois de concertations et d’études.

Le gestionnaire des aéroports parisiens a rappelé hier qu’un travail de révision du projet initial avait été engagé ces derniers mois afin de « s’adapter aux nouvelles hypothèses de trafic et répondre aux enjeux de transition environnementale du secteur ». Ce travail mené par les équipes du Groupe ADP « fondera les réflexions à venir sur les défis d’aménagements » de la plate-forme de Roissy. Le PDG du groupe Augustin de Romanet a déclaré : « le transport aérien doit accélérer sa transition énergétique. Nous devons en tirer les conséquences dans nos projets futurs. Après la décision de l’État de demander au Groupe ADP l’abandon de l’actuel projet de Terminal 4 ainsi que la présentation d’un nouveau projet d’évolution de la plateforme de Paris-Charles de Gaulle, le Groupe ADP engage un temps de réflexion sur les enjeux d’avenir de l’aéroport. Les plateformes parisiennes ont vocation à devenir leaders de l’aviation verte, au service de toutes nos parties prenantes, et notamment des territoires riverains de l’aéroport ».

Si le retrait du projet de T4 va faire plaisir aux écologistes, la déception est venue en particulier du département de Seine et Marne, qui déplore l’annulation d’un projet devant générer 45.000 emplois : « Nous avons appris avec stupéfaction ce matin la décision du gouvernement d’enterrer le projet de Terminal 4 de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, sans concertation avec les élus et acteurs du territoire, alors qu’il s’agissait d’un projet majeur pour la Seine-et-Marne, l’Île-de-France et la France, porteur d’avenir et d’emplois », réagit dans un communiqué Patrick Septiers, président du Département de Seine-et-Marne. Il dit toutefois espérer qu’un nouveau projet « permettra néanmoins d’assurer localement un développement économique à un niveau équivalent. Alors que le territoire est déjà très impacté par les conséquences de la crise sanitaire, nous ne pouvons pas nous passer de ce développement. L’objectif de faire de Roissy Charles-de-Gaulle un aéroport concurrentiel à l’échelle européenne et mondiale reste essentiel à nos yeux ».  

Paris-CDG : pas de T4 mais un terminal hydrogène ? 1 Air Journal

©Groupe ADP

Le Groupe ADP a justement annoncé avec la Région Île-de-France, l’agence Choose Paris Region, le groupe Air France-KLM et Airbus « un appel à manifestation d’intérêt (AMI) inédit pour explorer les opportunités offertes par l‘hydrogène sur les aéroports franciliens et relever le défi de la décarbonation des activités du transport aérien ». Cet appel à manifestation d’intérêt international « s’inscrit dans la stratégie de transition énergétique, engagée en France et appuyée par la Commission Européenne, qui va se poursuivre avec l’arrivée de l’avion zéro-émission annoncée pour 2035 » par le constructeur européen, précise le communiqué publié hier. « Conscients que l’avènement de l’hydrogène va bouleverser la manière de concevoir et d’exploiter les infrastructures aéroportuaires », les partenaires veulent anticiper et accompagner les évolutions qui devraient permettre de « transformer les aéroports parisiens en véritables “hubs hydrogène” ». Les candidatures sont ouvertes depuis hier jusqu’au 19 mars 2021 via le site h2hubairport, et les projets retenus seront annoncés fin avril.

L’appel à manifestation « vise à bâtir un écosystème aéroportuaire puissant et à fédérer, autour de l’hydrogène, des grands groupes, des ETI/PME, des start-ups, ainsi que le monde académique et celui de la recherche. Cette initiative d’innovation ouverte constitue un moment fondateur afin d’engager cette rupture technologique sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’hydrogène au sein de la ville aéroportuaire. Les cinq partenaires partagent une ambition commune visant à identifier et à qualifier les avancées de la recherche et les technologies, puis à tester les solutions, économiquement viables, qui répondront aux usages de l’hydrogène sur un aéroport afin d’en préparer, à moyen terme, la distribution et l’utilisation à plus grande échelle, notamment en vue d’accueillir le futur avion à hydrogène ».

Inédit dans l’industrie du transport aérien, cet appel à manifestation d’intérêt s’articule selon trois thématiques :

  • le stockage, le transport et la distribution de l’hydrogène (gazeux et liquide) en milieu aéroportuaire (systèmes de stockage, micro-liquéfaction, avitaillement des avions, etc.) ;
  • la diversification des usages de l’hydrogène dans les domaines aéroportuaire et aéronautique (véhicules et engins d’assistance en escale, transports ferrés sur les aéroports, alimentation énergétique de bâtiments ou d’avions lors des opérations en escale, etc.) ;
  • l’économie circulaire autour de l’hydrogène (récupération de l’hydrogène dissipé lors d’un avitaillement en hydrogène liquide, valorisation d’un co-produit d’une réaction en vue de produire de l’hydrogène décarboné, etc.).

Edward Arkwright, Directeur général exécutif du Groupe ADP, a déclaré : « nous sommes prêts, avec nos partenaires, à fédérer un écosystème unique pour rendre possible l’intégration progressive de l’hydrogène sur les aéroports parisiens. Nous devons nous préparer dès aujourd’hui à accueillir l’avion à hydrogène en 2035 en transformant nos aéroports en véritables hubs hydrogène, dans lesquels nous souhaitons développer divers usages, avec nos parties prenantes, autour de la mobilité terrestre côté piste et côté ville. Aux côtés d’autres solutions, comme les carburants alternatifs durables, le déploiement de l’hydrogène vise à accélérer la décarbonation du transport aérien ». 

Pour sa part, Anne-Sophie Le Lay, Secrétaire générale du Groupe Air France-KLM, rappelle que  « le soutien à la recherche et au développement et à l’utilisation des nouvelles énergies est fondamental pour évoluer vers un transport aérien plus durable et plus responsable. Cet appel à manifestation d’intérêt réunit des partenaires de premier plan pour jeter les bases d’un écosystème innovant et ambitieux ».

Jean-Brice Dumont, Vice-Président Exécutif ingénierie d’Airbus, conclut : « Airbus est déterminé à mener une vision audacieuse pour l’avenir de l’aviation durable et à assurer la transition vers des vols commerciaux sans émission. L’hydrogène est l’une des technologies les plus prometteuses qui nous aidera à atteindre cet objectif, mais nous ne pourrons pas y parvenir seuls. Cette révolution exigera également que nos écosystèmes réglementaires et infrastructurels changent à l’échelle mondiale. Les aéroports ont un rôle clé à jouer pour permettre cette transition, dès aujourd’hui, et nous espérons que cette initiative d’innovation ouverte favorisera le développement de projets et de solutions créatives ».

On retiendra également, toujours en matière d’écologie, que le Conseil d’État a déclaré hier sur l’obligation faire aux compagnies aériennes de compenser 100 % des émissions de gaz à effet de serre sur les vols intérieurs : « Aucune analyse du caractère soutenable des mesures projetées dans le contexte de la crise sanitaire n’apparaît dans l’étude d’impact », et l’estimation « des coûts supplémentaires induits par cette mesure, dont les effets seraient concentrés sur le groupe Air France-KLM, pourrait varier de manière très importante ». Mais le gouvernement n’est pas obligé d’en tenir compte.

Paris-CDG : pas de T4 mais un terminal hydrogène ? 2 Air Journal

©Groupe ADP