L’Association du transport aérien international (IATA, de l’anglais International Air Transport Association) est-elle vraiment une mafia ? C’est le titre d’une enquête de 12 pages très bien documentée et publiée par la Revue Espaces Tourisme et Loisirs.

Déjà, Akbar Al-Baker, PDG de Qatar Airways, l’avait dit haut et fort en 2011, reprochant à l’association son manque de transparence : « l’IATA est dirigée de façon mafieuse ». Pourquoi la perception de l’IATA est à ce point négative ? Et surtout est-ce justifié ? Les réponse sont diamétralement opposées… selon que l’on est agence de voyages ou compagnie aérienne, explique l’auteur de l’enquête, Didier Forray, journaliste spécialisé en tourisme depuis 20 ans et grand connaisseur de l’aérien et des relations avec les voyagistes.

Pour rappel, l’IATA regroupe 290 compagnies aériennes et représente à elle seule 82 % du trafic aérien mondial. Elle compte environ 1400 employés, d’une centaine de nationalités différentes, répartis entre son siège de Montréal, son siège exécutif à Genève et des bureaux à Madrid, Bruxelles, Miami, Washington ou encore Singapour. L’association ne communique pas sur son budget de fonctionnement mais le quotidien suisse Le Temps estime qu’elle bénéficie d’un budget annuel d’environ 500 millions de dollars (versés principalement par les compagnies membres en fonction de leurs volumes).

Les ventes de billets d’avion réalisées par les voyagistes transitent par le BSP (Billing and Settlement Plan), une chambre de compensation contrôlée par l’IATA. En 2019, le BSP a totalisé plus de 237 milliards d’euros de paiements et plus de 740 millions de transactions -dont 23,5 millions de billets d’avion et un volume de 9,2 milliards d’euros pour le BSP France. L’argent ne fait que transiter entre les compagnies aériennes et les agences de voyages mais le contrôle du BSP donne à l’IATA un droit de vie et de mort sur les agences de voyages.

Aussi, l’IATA fixe les règles concernant les critères financiers de l’accréditation des agences de voyages. Objectif : s’assurer que les agences sont bien en capacité de régler le BSP, tous les quinze jours. L’IATA souhaite d’ailleurs raccourcir les délais de paiements pour réduire encore les risques de non-paiement pour les compagnies aériennes.

Cité dans l’enquête, Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde, décrit l’IATA comme la «FIFA du Voyage» : « La FIFA décide des dates de la coupe du monde de football, de comment ça fonctionne, des prix des droits TV, du prix des places et prend des marges délirantes. L’IATA, c’est la même chose, à la différence qu’elle n’envoie pas ses profits sur des comptes en Suisse et que ses dirigeants ne sont pas corrompus ». « Mais l’IATA est une organisation arrogante, qui abuse de sa position dominante et prend des décisions unilatérales et contraires à toute pratique commerciale normale », dénonce-t-il.

Si l’IATA n’est pas une organisation mafieuse au sens juridique du terme, elle constitue bien un cartel. En mai 2019, l’Association des voyagistes européens (ECTAA, de l’anglais European Community Travel Agents Association) a décidé d’attaquer l’IATA en justice pour « abus de position dominante ». La plainte est en cours d’évaluation par les services de la Commission européenne et que la réponse est attendue en 2022.

L’enquête complète est disponible sur le site de la Revue Espaces Tourisme et Loisirs (article payant, 3 euros).

Enquête : l’IATA est-elle vraiment une mafia ? 1 Air Journal

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