Alors que l’aviation mondiale accélère sa transition vers un voyage 100 % numérique, basé sur la reconnaissance faciale et l’identité biométrique, une enquête menée par AirAdvisor, spécialiste des droits des passagers aériens, révèle une forte réticence du public français.

Sous l’impulsion de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et l’Association internationale du transport aérien (IATA), les documents physiques comme les cartes d’embarquement et passeports sont appelés à disparaître au profit d’identifiants numériques sécurisés. Des aéroports comme Paris-CDG, ParisOrly, Lyon-Saint Exupéry, Bordeaux ou Marseille testent déjà des parcours biométriques sans contact, permettant de voyager simplement avec son visage et son smartphone, sans avoir à sortir sa carte d’embarquement et/ou son passeport à chaque contrôle. Cette tendance s’est accélérée ces dernières semaines avec le lancement par l’Association internationale du transport aérien (IATA) de son Contactless Travel Directory, un nouvel outil visant à faciliter l’adoption mondiale des parcours biométriques sans contact.

Dans ce contexte, une nouvelle enquête menée par AirAdvisor sur plus de 1000 répondants Français, révèle que si l’innovation séduit une partie de la population, elle ne convainc pas encore la majorité, en raison d’un déficit d’information et de garanties sur la protection des données.

Seuls 33% des Français déclarent être au courant que les cartes d’embarquement physiques pourraient bientôt être remplacées par des identités numériques et la reconnaissance faciale. Cette méconnaissance est particulièrement marquée chez les personnes âgées de 69 ans et plus, dont seulement 29% sont informées, contre 37% chez les 27–42 ans, la tranche la plus sensibilisée. Au niveau régional, les écarts sont également significatifs : des régions comme la Centre-Val de Loire (43%) ou l’Ile de France (39%) présentent des taux de sensibilisation élevés, devant des régions comme la Corse (33%) ou l’Auvergne-Rhône-Alpes (34%).

Malgré cette prise de conscience partielle, les résultats de l’enquête révèlent un manque d’appropriation concrète : seuls 23% des Français se disent enthousiastes à l’idée d’un voyage entièrement numérique, tandis que 26% se montrent très préoccupés, et 7% y sont fermement opposés. L’écart générationnel est net : les 69+ sont 33% à se dire “très préoccupés” et 12% “fermement opposés”, contre une forte majorité d’optimistes ou enthousiastes chez les 18–26 ans (75% au total). Ce déficit d’information et de pédagogie semble freiner l’adhésion à une transformation pourtant déjà amorcée dans plusieurs aéroports français.

La protection des données personnelles, enjeu central
La reconnaissance faciale suscite une forte méfiance : seuls 24 % des Français déclarent lui faire entièrement confiance, tandis que 72% se disent très ou assez méfiants du stockage et de l’utilisation de leurs données biométriques. Si près d’un Français sur deux (48 %) se déclare prêt à numériser son passeport, cette acceptation reste conditionnée à un cadre sécurisé et validé par les autorités. Au-delà des enjeux de confidentialité, 63% redoutent des pannes ou dysfonctionnements techniques, et 45% s’inquiètent d’un manque d’accessibilité pour les personnes sans smartphone. En cas de généralisation, 89% des répondants souhaitent conserver la possibilité d’imprimer leur carte d’embarquement. Enfin, 32% craignent une hausse du prix des billets, liée aux investissements nécessaires pour déployer ces technologies. La confiance dans le voyage numérique dépendra donc d’un équilibre clair entre innovation, inclusion et garanties juridiques solides.

Les voyageurs français parmi les plus méfiants
Les résultats de l’enquête révèlent que les voyageurs français sont, en moyenne, plus méfiants et moins informés que leurs homologues britanniques et américains face à l’identité numérique dans le transport aérien. Si seulement 33% des Français sont informés de cette transition technologique, la proportion atteint 49% au Royaume-Uni et 47% aux États-Unis. La confiance dans la reconnaissance faciale est également légèrement plus faible en France (24% de confiance totale) qu’au Royaume-Uni (31%) et aux États-Unis (25%). Malgré des différences culturelles, les trois pays partagent une même attente : que la numérisation du voyage aérien reste sécurisée, transparente et facultative, avec des garanties solides sur la protection des données personnelles.

L’étude met en évidence un double enjeu pour les acteurs du transport aérien et les autorités : réussir la transition numérique sans précipitation, et construire un cadre de confiance reposant sur l’information, la transparence, et le respect du choix des usagers. Sans cela, le risque est grand de creuser les inégalités d’accès au voyage et d’alimenter une défiance durable face à la technologie.

Le passage à un voyage numérique offre des opportunités réelles en matière de fluidité et d’innovation, mais il ne peut se faire au détriment de la confiance des passagers. Les voyageurs doivent rester pleinement informés, protégés et libres de choisir“, déclare Anton Radchenko, fondateur et PDG d’AirAdvisor. “Ce que révèle cette étude, c’est un besoin urgent de pédagogie publique. La technologie avance vite, mais les usages ne suivent pas si l’on ne crée pas un cadre de confiance clair, porté par les compagnies aériennes, les aéroports, mais aussi les autorités. L’identité numérique doit être une avancée collective, pas une fracture supplémentaire“, conclut-il.

Identification numérique : les voyageurs français parmi les plus méfiants 1 Air Journal

©Stuart Bailey