Dans une interview sans détour accordé au site Defimedia.info, Kishore Beegoo, président du conseil d’administration d’Air Mauritius, dévoile les coulisses de la crise que traverse la compagnie nationale mauricienne et les grands axes de sa stratégie pour la remettre sur les rails.

D’emblée, Kishore Beegoo met en garde contre les décisions politiques précipitées : « Le management d’Air Mauritius ne se fait pas selon les caprices ou les humeurs passagères des politiciens. » Il refuse catégoriquement l’idée de céder la compagnie à Qatar Airways, ce fragiliseraient la souveraineté économique mauricienne : « Air Mauritius est un actif stratégique, et sa valeur dépasse largement son bilan comptable », insiste-t-il.

Le dirigeant reconnaît un héritage très lourd laissé par l’ancienne direction. En seulement sept mois, son équipe a multiplié les réunions et les efforts intenses pour stabiliser la situation. Pourtant, la flotte d’Air Mauritius est encore fragilisée notamment par un grave manque de planification des maintenances clés (C-Checks), ce qui a conduit à l’indisponibilité simultanée de plusieurs appareils, impactant fortement le réseau. « En une année, nous avons à faire onze C-Checks sur douze avions. C’est l’héritage lourd qu’on nous a laissé », explique Kishore Beegoo.

Sur les 12 appareils en service (Airbus A350-900, A330-900neo, A330-200, ATR 72-500 et 600), six étaient simultanément hors d’usage pendant une semaine fin juillet 2025, portant un coup dur à la régularité des vols. Plusieurs maintenances lourdes (C-Checks) n’avaient pas été planifiées à temps, provoquant des immobilisations prolongées parfois aggravées par des incidents comme des dégâts causés par un ouragan. MLa compagnie aérienne mauricienne attend encore la livraison de trois A350 mais envisage d’annuler deux avions : « Pourquoi commander trois gros porteurs supplémentaires, alors que le marché européen – celui auquel ils étaient destinés – se limite actuellement à deux liaisons : Paris et Londres, opérées à raison de sept fréquences hebdomadaires chacune ? Nos quatre A350 existants suffisent amplement à assurer ces dessertes dans de bonnes conditions », souligne le dirigeant.

Vers une scission des activités

Pour pallier ces difficultés, Kishore Beegoo détaille un vaste plan de redressement : recrutement massif de techniciens locaux, renforcement des équipes techniques avec des experts internationaux, accord de soutien 24h/24 avec Airbus et formation dédiée pour assurer la relève locale. Autre projet majeur : la scission possible d’Air Mauritius en plusieurs entités pour permettre sa modernisation et sa compétitivité, notamment en externalisant les activités au sol. « Le projet de scinder Air Mauritius en deux ou plusieurs entités distinctes est effectivement à l’étude. C’est une condition de survie opérationnelle », affirme le dirigeant.

Enfin, Kishore Beegoo aborde un sujet sensible : la réduction drastique des billets gratuits dont bénéficiaient employés, anciens cadres et leurs proches. « En 2024, Air Mauritius a octroyé environ 18 000 billets gratuits […] Ces privilèges ne sont tout simplement plus soutenables », alerte-t-il, expliquant que des réformes sont déjà engagées. Pour conclure, il reste lucide mais déterminé : « Il faudra encore six mois au minimum pour atteindre une stabilité satisfaisante. La fiabilité de nos avions n’est pas négociable. Elle est au cœur de la sécurité aérienne et de la confiance que le public place en Air Mauritius. »

Air Mauritius : un redressement qui passe par une scission des activités et un renouveau stratégique 1 Air Journal

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