Le gouvernement britannique vient de trancher en faveur du projet d’Heathrow pour une troisième piste, un scénario « lourd » qui implique de déplacer l’autoroute M25 mais qui est jugé le plus réaliste pour répondre à la saturation du principal hub britannique d’ici le milieu des années 2030.
Le projet retenu repose sur une nouvelle piste au nord-ouest de l’aéroport, longue jusqu’à 3 500 m, capable d’accueillir tous types d’appareils et de porter la capacité annuelle à 756 000 mouvements et environ 150 millions de passagers, contre quelque 84 millions aujourd’hui. À l’heure actuelle, Heathrow opère pratiquement à la limite réglementaire de 480 000 décollages et atterrissages par an, avec des rotations toutes les 80 secondes en heure de pointe, ce qui se traduit par des circuits d’attente en vol, des files de départ et une forte vulnérabilité aux aléas météo.
Pour les voyageurs, l’ouverture d’une troisième piste devrait permettre de réduire les temps d’attente en vol, de limiter les risques d’annulation en cas de perturbations et d’augmenter le nombre de créneaux disponibles pour les vols long-courriers et domestiques, souvent insuffisants aujourd’hui. Les autorités soulignent également les gains en robustesse de l’exploitation et l’adaptation aux avions de nouvelle génération, grâce à une infrastructure conçue pour accueillir un trafic plus intense tout en maintenant un haut niveau de ponctualité.
Un chantier à 49 milliards de livres et une autoroute à déplacer
L’expansion d’Heathrow est chiffrée à environ 49 milliards de livres, dont 21 milliards pour la seule piste et les travaux liés, incluant l’acquisition de terrains et la modification de la M25. Cette autoroute, qui longe aujourd’hui le nord de l’aéroport, devra être déplacée et partiellement enterrée dans un tunnel entre les jonctions 14 et 15, un chantier très complexe sur le plan technique et logistique.
Le reste de l’investissement porte sur 12 milliards de livres pour de nouvelles capacités terminales – notamment un nouveau satellite T5X, l’extension de Terminal 2 et trois satellites supplémentaires avec fermeture programmée de Terminal 3 – et environ 15 milliards pour la modernisation de l’aéroport existant. À cela s’ajoutent l’amélioration des liaisons ferroviaires, la réorganisation des gares routière et autocar, ainsi que des aménagements pour les modes doux afin de mieux distribuer les flux vers et depuis la plateforme.
Heathrow vs Arora : un arbitrage entre coût et « livrabilité »
Deux visions de l’extension étaient en concurrence : celle de l’exploitant Heathrow Airport Limited (HAL) et celle du groupe Arora, porté par l’homme d’affaires Surinder Arora. Le schéma d’Heathrow, plus ambitieux et plus cher, impose de lourds travaux sur la M25 mais réduit le nombre de logements à exproprier par rapport à son rival et présente, selon le ministère des Transports, la meilleure probabilité d’obtenir une autorisation dans le calendrier politique actuel.
Le projet Arora, soutenu par plusieurs compagnies aériennes dont British Airways et Virgin Atlantic, proposait une piste plus courte, à un coût global estimé autour de 25 milliards de livres, sans nécessité de déplacer l’autoroute, et plaidait pour davantage de concurrence dans la gestion du hub afin de contenir les redevances. Tout en actant le choix du schéma d’Heathrow comme base de travail, le gouvernement laisse cependant la porte ouverte à ce que d’autres promoteurs, dont Arora, puissent candidater pour construire la piste et les terminaux, au nom de la transparence et de la défense des consommateurs.
Un calendrier serré : objectif 2035 pour les premiers vols…
Sur le plan institutionnel, le projet d’Heathrow va désormais servir de référence à la révision de l’Airports National Policy Statement, le cadre stratégique qui encadre les décisions de planification en matière d’infrastructures aéroportuaires au Royaume-Uni. Le gouvernement vise une mise à jour de ce document d’ici l’été prochain, après consultation des entreprises, des collectivités locales et des acteurs de l’aviation, un processus annoncé comme plus rapide que celui de 2018.
L’objectif politique affiché est d’obtenir une décision sur la demande de « development consent » d’ici 2029 et de voir des avions décoller de la troisième piste en 2035, ce qui suppose qu’Heathrow engage très vite les dépenses liées au dossier de planification. L’Autorité de l’aviation civile (CAA) travaille en parallèle sur les modèles de régulation qui encadreront l’investissement et les redevances, dans un contexte où les compagnies craignent de payer à l’avance, via des hausses de charges, un équipement dont elles ne profiteront que dans plusieurs années.
Pour les voyageurs, l’extension de Heathrow est présentée comme un levier majeur de connectivité, avec la promesse d’au moins 30 nouvelles destinations, d’un meilleur accès aux marchés pour les exportateurs et d’une concurrence renforcée qui pourrait à terme peser sur les niveaux de tarifs. Des compagnies low cost comme easyJet pourraient profiter de la capacité supplémentaire pour s’implanter sur l’aéroport, aujourd’hui quasiment fermé aux nouveaux entrants par manque de créneaux.
… mais un projet sous le feu des critiques environnementales
La troisième piste reste néanmoins l’un des dossiers les plus controversés du transport britannique, avec une opposition structurée d’associations environnementales, d’élus locaux et de riverains. Les critiques pointent l’augmentation attendue du trafic – plus de 50% de mouvements supplémentaires – avec des effets sur le bruit, la qualité de l’air et les émissions de gaz à effet de serre, alors que le Royaume-Uni s’est engagé à respecter des objectifs climatiques ambitieux.
Le gouvernement répond en liant le projet à une vaste modernisation de l’espace aérien londonien, censée permettre des trajectoires plus courtes et plus efficaces, des descentes continues et une meilleure gestion des flux pour réduire les temps de vol et les émissions par passager. Heathrow met de son côté en avant un financement « 100% privé », « sans coût pour le contribuable » et promet que « chaque penny sera dépensé efficacement, à un niveau abordable », tout en misant sur des flottes plus modernes et moins bruyantes pour limiter l’impact local.

GVA1112 a commenté :
26 novembre 2025 - 14 h 48 min
Imaginez l’aéroport du Bourget qui veut une 3éme piste en plein milieu urbanisé, d’habitation et des commerces ….
Le Nord de l’aéroport est bordé d’étangs, de zones de biodiversité, de bocages, de champs,…. et d’un village “Harmondsworth” ou du QG de British Airways…
Quid des oppositions, des contres projets, des recours … histoire sans fin 😒.
Londres va aussi connaitre son Notre Dame des Landes..
glurps a commenté :
26 novembre 2025 - 17 h 39 min
À mon avis, les Anglais sont moins naïfs et il est peu probable que la situation se déroule comme à Notre-Dame-des-Landes, où un référendum a conclu en faveur de la construction de l’aéroport, et où le gouvernement a finalement ignoré ce résultat.
De même que pour le référendum français sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe en 2005, dont l’issue a été, elle aussi, largement “ignoré”. Il y a moins de déni de la démocratie outre Manche et moins d’écolo-bobo-gaucho-anti tout…
Dugland a commenté :
28 novembre 2025 - 13 h 36 min
C’est vrai quoi, les bocages, la biodiversité, la tranquillité des riverains, on s’en fout… De plus, la livraison de cette piste risque d’arriver à un moment où le réchauffement climatique sera en plein emballement, ça va être chouette…
jpc a commenté :
27 novembre 2025 - 14 h 53 min
@GVA : Rassurez vous : Aucun risque de NDdL, l’Angleterre ne finance pas en masse des babacools vivant de joints divers et autres délires subventionnés se voulant idéologiques … le tout au frais de ceux (de moins en moins nombreux) qui bossent pour les subventionner – La France est à ce niveau un cas unique mondial.
Dugland a commenté :
28 novembre 2025 - 13 h 38 min
NDL, c’est de la gnognotte. Suvenez-vous de la construction de Tokyo Narita…
“En 1962, le gouvernement japonais cherche une solution au trop encombré aéroport international Haneda, et suggère un New Tokyo International Airport (新東京国際空港, Shin-Tōkyō kokusai kūkō?) pour accueillir les vols internationaux.
Initialement prévu à Tomisato, il fut finalement déplacé à 5 km au nord-est, à Sanrizuka, où la famille impériale possédait une grande ferme — ce qui facilita l’expropriation, mais n’empêcha pas les controverses.
Les expropriations débutèrent en 1971, et occasionnèrent de violents affrontements, connus comme la lutte de Sanrizuka. Il y eut officiellement 13 morts, dont 5 policiers, 291 paysans arrêtés, et plus d’un millier d’étudiants venus soutenir les paysans blessés et arrêtés lors des combats[2]. Ces affrontements sont documentés par la série de films documentaires de Shinsuke Ogawa, dont Front de libération du Japon – L’Été à Sanrizuka, sorti en 1968, ainsi que par les vingt dernières minutes du documentaire français Kashima Paradise de Yann Le Masson et Bénie Deswarte, sorti en 1973.”
Alexis a commenté :
28 novembre 2025 - 11 h 50 min
C’est amusant que ce soit un gouvernement travailliste qui fasse passer ce projet “pro-business”, que les conservateurs n’ont jamais reussi a faire valider, eux, en leur temps.