Le verdict du procès en appel du crash du vol AF447 Rio-Paris sera rendu le 21 mai 2026 par la cour d’appel de Paris, au terme d’une nouvelle audience où le parquet général a, cette fois, requis la condamnation d’Airbus et d’Air France pour homicides involontaires.

Dans la nuit du 1er juin 2009, le vol AF447 reliant Rio de Janeiro à Paris, un Airbus A330 d’Air France, disparaît au-dessus de l’Atlantique avec 216 passagers et 12 membres d’équipage à bord. L’accident, le plus meurtrier de l’histoire d’Air France, donnera lieu à une enquête technique de longue haleine, les enregistreurs de vol n’ayant été récupérés qu’après près de deux ans de recherches sous-marines à près de 4 000 mètres de profondeur.

Le rapport final du BEA a conclu à une succession d’événements déclenchés par le givrage des sondes Pitot, provoquant des indications de vitesse incohérentes, la déconnexion du pilote automatique et, in fine, une perte de contrôle en vol que l’équipage n’a pas réussi à rattraper. Les enquêteurs ont mis en lumière à la fois la vulnérabilité des sondes anémométriques utilisées et des lacunes dans la formation des équipages à la gestion d’un décrochage à haute altitude.

De la relaxe à un nouveau procès en appel

En première instance, en avril 2023, le tribunal correctionnel de Paris avait acquitté Airbus et Air France, estimant qu’il existait bien des imprudences, mais sans lien de causalité suffisamment direct pour retenir leur responsabilité pénale pour homicides involontaires. L’acquittement avait suscité l’incompréhension et la colère d’une partie des familles de victimes, dénonçant la formule « responsables mais pas coupables » et craignant que les défaillances systémiques mises au jour restent sans traduction judiciaire.

Le parquet avait toutefois décidé de faire appel, revenant sur la position adoptée durant le premier procès, pour obtenir un nouvel examen du dossier par la cour d’appel de Paris. Le procès en appel, ouvert fin septembre 2025, s’est étalé sur deux mois d’audiences très techniques et chargées d’émotion, avant que la cour ne fixe sa décision au 21 mai 2026.

Airbus et Air France à nouveau sur le banc des accusés

Devant la cour d’appel, le parquet général reproche à Airbus d’avoir sous-estimé la gravité des défaillances des sondes Pitot équipant ses A330, alors que des incidents de givrage en croisière étaient signalés depuis plusieurs mois par des compagnies, dont Air France. Les magistrats estiment que le constructeur n’a pas pris suffisamment tôt toutes les mesures possibles pour remplacer les sondes les plus problématiques et alerter d’urgence les opérateurs sur le risque, ni contribué pleinement à adapter les formations équipages à cette menace spécifique.

Concernant Air France, le parquet pointe un « défaut de formation » et d’information de ses pilotes sur la conduite à tenir en cas de givrage des sondes anémométriques et de dysfonctionnements associés, alors même que des notes internes mettaient en garde contre ce phénomène. Les réquisitions retiennent ainsi des manquements de procédure et d’organisation, considérés comme des maillons d’une chaîne de défaillances ayant conduit à la catastrophe.

En appel comme en première instance, Airbus et Air France contestent toute responsabilité pénale et continuent d’invoquer la conjonction de conditions météorologiques extrêmes et d’erreurs humaines de pilotage pour expliquer l’accident. Quel que soit le verdict, les deux entreprises, jugées en tant que personnes morales, ne risquent qu’une peine d’amende plafonnée à 225 000 euros chacune pour homicides involontaires, loin des montants d’indemnisation déjà versés dans le cadre civil.

Pour les familles des passagers et des membres d’équipage, l’enjeu reste la reconnaissance de responsabilités jugées « systémiques », au-delà du seul équipage. Après plus de seize ans de procédure, le procès en appel est perçu comme une dernière chance de voir consacrée une vérité judiciaire qui dépasse le seul constat technique du BEA.

La réaction du SNPL : satisfaction et attente

Le Syndicat National des Pilotes de Ligne (SNPL) salue avec « une vive satisfaction » les réquisitions du parquet général présentées devant la cour d’appel de Paris dans le cadre du procès en appel du crash du vol AF447 Rio-Paris. Le syndicat se félicite de la demande d’infirmation de la relaxe prononcée en 2023 et de la réquisition de condamnation d’Airbus et d’Air France pour homicides involontaires, y voyant une réponse à « l’attente des familles de victimes et des professionnels de l’aéronautique qui réclament la reconnaissance des responsabilités de ces deux acteurs ».

Le SNPL insiste sur le fait que les avocats généraux ont clairement identifié les manquements reprochés aux deux entreprises, rappelant qu’il est reproché à Airbus d’avoir « sous-estimé la gravité des défaillances des sondes anémométriques » et de « ne pas avoir pris toutes les dispositions possibles et nécessaires pour en informer d’urgence les compagnies aériennes qui en étaient équipées ». Pour Air France, « la compagnie est coupable, pour le parquet, de ne pas avoir informé ses équipages, ni d’avoir mis en œuvre une formation adaptée », une analyse qui réaffirme que l’accident est « la résultante de défaillances systémiques et d’une chaîne de causalité ».

« Les pilotes n’étaient en rien responsables »

Le syndicat met particulièrement en avant un passage du réquisitoire jugé essentiel pour la profession, soulignant que « le représentant du ministère public a souligné que les pilotes aux commandes de l’A330 n’étaient en rien responsables de cet accident ». Après plus de seize années de procédure, le SNPL estime que « cette reconnaissance de l’absence de responsabilité de l’équipage est fondamentale et apporte une vérité attendue par toute la profession ».

Pour le SNPL, la décision à venir doit également porter un message fort en matière de culture de sécurité : comme l’a indiqué le parquet général, « cette condamnation doit résonner comme un avertissement » et « remettra l’humain au sein de nos préoccupations ». Le syndicat dit espérer qu’au 21 mai 2026, la cour d’appel suivra ces réquisitions pour « une décision qui, souhaitons-le, marquera la fin du long combat des familles des 228 victimes, passagers et membres d’équipage, et contribuera à un renforcement des exigences en matière de sécurité aérienne ».

Crash du vol Rio-Paris : le parquet réclame la condamnation d’Airbus et d’Air France, verdict le 21 mai 2026 1 Air Journal

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