L’Autorité italienne de la concurrence (AGCM) a infligé à Ryanair une amende de 255,8 millions d’euros pour abus présumé de position dominante sur le marché des vols à destination et au départ de l’Italie, en particulier au détriment des agences de voyages en ligne et traditionnelles.

La compagnie irlandaise low cost, qui revendique 31,7 % du trafic passagers dans la péninsule, dénonce une décision « absurde », annonce un appel immédiat et s’appuie sur un arrêt de la Cour d’appel de Milan de janvier 2024, qui jugeait son modèle de vente directe « économiquement justifié » et « bénéfique pour les consommateurs ».

Une amende record pour abus de position dominante

Selon l’AGCM, Ryanair a mis en place, entre avril 2023 et au moins avril 2025, une « stratégie abusive » visant à limiter la capacité des agences de voyages, en ligne comme physiques, à acheter et revendre ses vols via le site ryanair.com, notamment lorsqu’ils étaient combinés avec d’autres compagnies ou des services touristiques additionnels. Le régulateur évoque des obstacles techniques (désactivation de moyens de paiement, suppression massive de comptes utilisés par les intermédiaires, recours à la reconnaissance faciale sur certains parcours clients) qui auraient renchéri ou compliqué l’accès aux billets pour les agences.

Pour l’AGCM, ces pratiques ont réduit la concurrence entre agences sur la distribution de vols Ryanair et empêché les consommateurs de comparer facilement l’offre de la low cost avec celle d’autres compagnies ou de l’intégrer dans des packages multi-prestataires. L’autorité italienne estime en outre que la compagnie a profité de sa position de premier transporteur sur le marché italien – avec environ 31,7 % de parts de marché contre 9,9 % pour ITA Airways – pour imposer à certains acteurs des accords de partenariat restrictifs.

La riposte de Ryanair

Ryanair conteste frontalement la qualification d’abus de position dominante et la définition du marché retenue par le régulateur italien. La low cost soutient que sa part ne dépasse « un peu plus de 30 % » du marché italien et accuse l’AGCM d’avoir « charcuté » la définition du marché en excluant les vols long-courriers, une partie du court-courrier international ainsi que les modes alternatifs (train, autocar, ferry, autoroutes) afin de lui attribuer à tort une position dominante.

La compagnie rappelle qu’elle a bâti son modèle sur la vente directe via son site, ouvert en 1999, en supprimant les commissions versées aux agences et aux systèmes de distribution globaux (GDS), évaluées à environ 20 % du prix du billet, pour les répercuter en baisses de tarifs. « Quand Ryanair a démarré en 1985, 20 % des recettes billetterie partaient en commissions ; l’essor d’internet et de ryanair.com nous a permis de vendre en direct et de proposer les tarifs les plus bas en Italie et en Europe », affirme Michael O’Leary, le directeur général, qui voit dans la décision de l’AGCM une « atteinte à la protection des consommateurs et au droit de la concurrence ».

En toile de fond, le dossier ravive un conflit ancien entre Ryanair et certaines agences de voyages en ligne (OTA en acronyme anglais) accusées par la compagnie de « surfacturer » ses vols et ses services additionnels. Le transporteur explique avoir, depuis le début des années 2000, tenté de limiter le « screenscraping », une technique d’extraction automatisée de données à partir de ce qui est affiché à l’écran du portail Ryanair. Ce qui est non autorisé par des plateformes tierces, Ryanair dénonçant en force des frais cachés appliqués par ces OTA sur les bagages, la priorité à l’embarquement ou la sélection de sièges.

Depuis janvier 2024, Ryanair revendique une série d’« accords OTA approuvés » et une plateforme « Travel Agent Direct » donnant un accès gratuit à son inventaire de vols et d’options ancillaires, à condition que les agences présentent les prix réels de Ryanair et n’imposent pas de surcoûts non transparents. Pour appuyer son recours, Ryanair se réfère explicitement à un arrêt de la Cour d’appel de Milan rendu le 17 janvier 2024 dans des affaires l’opposant aux agences en ligne Lastminute et Viaggiare. Dans cette décision, la juridiction avait estimé que la décision de la compagnie de réserver à elle-même la vente de ses billets n’était pas constitutive d’un abus de position dominante, jugeant son choix « économiquement justifié » par la réduction des coûts de distribution et l’instauration de canaux de communication directs avec les passagers.

 L’Italie constitue pour Ryanair un marché stratégique, où la low cost a fortement développé son offre au départ des grands pôles comme Rome, Milan, Naples, Palerme…

Amende record en Italie : Ryanair promet une bataille judiciaire pour défendre la vente directe 1 Air Journal

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