Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective vient de publier un rapport, « Les compagnies aériennes européennes sont-elles mortelles ? Perspective à 20 ans », envisageant entre autres scénarios la disparation des Air France - KLM, Lufthansa et autres British Airways. Le CGSP, rattaché au premier ministre français, se montre très pessimiste sur l’avenir des grandes compagnies « historiques ». Dans son rapport remis le 16 juillet 2013, il explore plusieurs scénarios sur les effets de leur stratégie, aussi bien sur le moyen-courrier face aux low cost comme Ryanair ou easyJet que sur le long-courrier face aux transporteurs du Golfe Persique tels qu’Emirates Airlines ou Qatar Airways. Pour le Commissariat, on ne peut pas « exclure que les stratégies et les évolutions des compagnies historiques ne soient pas à la hauteur des défis qui les menacent et ne soient en outre compromises par l’environnement politique, social ou juridique dans lequel elles agissent ». Et s’il reconnait que leur avenir est avant tout entre leurs mains, « peut-être doit-on souhaiter des évolutions des politiques publiques plus favorables à l’industrie européenne du transport aérien, de ses aéroports comme de ses transporteurs, historiques ou non ». Le rapport propose quatre scénarios possibles à vingt ans : - Les compagnies historiques européennes maintiennent leurs positions (« qui semble correspondre à la stratégie actuelle » d’Air France – KLM, British Airways et Lufthansa). - Elles se rapprochent pour contrer la montée des low cost, recherchant des synergies et des économies d’échelle (« à l’image de ce qui s’est passé sur le marché nord-américain », où les fusions auront ramené de six en 2001 à trois en 2014 le nombre d’acteurs majeurs, la low cost Southwest Airlines exclue). - L’intégralité du moyen-courrier est capté par les low cost (point à point et liaisons d’apport vers le hub), tandis que sur le long-courrier les compagnies historiques se maintiennent éventuellement au travers des grandes alliances ou perdent des parts de marché. - Face à la concurrence des low cost, des compagnies américaines et des pays émergents, la plupart des compagnies européennes historiques ne subsistent pas. La restructuration entamée par les grands groupes aériens européens est essentielle selon le CGSP, comme dans le cas d’Air France avec Transform 2015. Cette dernière par exemple a des coûts structurels 30% plus élevés que Ryanair, dont les pilotes volent environ 900 heures par an contre 650 pour ceux du moyen-courrier français – pour un salaire à peu près équivalent. Et sur le long-courrier, la compétitivité des compagnies du Golfe vient principalement des coûts du travail bien moins élevés que ceux des européennes et de taxes d’aéroports plus basses grâce aux investissements publics dans les plateformes, contrairement à Paris – CDG, Francfort ou Londres entre autres – et non du prix du carburant selon le Commissariat. Le Commissariat a en particulier comparé les rôles joués dans l’industrie aéronautique par l’Europe et les Etats-Unis. Tout en reconnaissant que « l’époque n’est plus où la protection des transporteurs nationaux guidait les politiques publiques et où l’on se convainquait qu’en agissant ainsi on sauvegardait également les intérêts des usagers », il se demande si l’on n’est pas « tombé d’un excès à l’autre ». Les États-Unis par exemple, « inventeurs et promoteurs de la déréglementation », n’en poursuivent pas moins une politique de défense, non pas de leurs compagnies, mais de leur industrie du transport aérien, tout en veillant à la limitation de ses charges, ce qui fait clairement partie de cette politique de protection. L’Europe, de son côté, pratique une politique d’ouverture à la concurrence, « orientée vers les intérêts de court terme des usagers du transport aérien, sans vérification systématique de la légalité des pratiques des différents acteurs ». On peut craindre que cette politique n’amène des déconvenues à long terme. Dans le dernier scénario envisagé, « non seulement le transport aérien européen long-courrier est menacé, mais le sont également les aéroports, et sans doute les usagers du long-courrier, et tout particulièrement ceux pratiquant des voyages d’affaires : ce n’est sûrement pas l’intérêt de l’Europe ». Le rapport se conclut sur un appel aux Etats membres et à La Commission Européenne à un réexamen nécessaire et urgent de leur politique, et à s’interroger sérieusement sur les mesures à prendre, ou à ne pas prendre, pour préserver « au profit de l’Europe tout entière » un transport aérien européen présent sur tous les créneaux du marché, viable et profitable. C’est également l’intérêt de la construction aéronautique européenne, estime le CGSP.