La plus grande confusion règne dans l’enquête sur l’accident du vol MH17 de la compagnie aérienne Malaysia Airlines, l’état de guerre dans l’est de l’Ukraine rendant sujettes à caution la plupart des annonces faites sur les opérations au sol. Comme le veut la tradition et par respect pour les victimes, Malaysia Airlines va modifier en MH19 le numéro de vol de la liaison quotidienne entre l’aéroport d’Amsterdam et Kuala Lumpur, tout comme KLM avec qui elle partage ses codes (renommé KL4123). Les nationalités des 298 victimes de l’accident du 17 juillet 2014 sont désormais établies à 193 Néerlandais, dont un ayant la double nationalité américaine, 43 Malaisiens (dont les 15 membres d’équipage), 27 Australiens, 12 indonésiens, 10 Britanniques, 4 Allemands, 4 Belges, 3 Philippins, un Canadien et un Néo-zélandais. Le scénario d’un missile sol-air ayant abattu l’avion est toujours privilégié, sans qu'aucune preuve physique ne vienne pour l'instant l'étayer. Quatre enquêteurs de l’OACI (Organisation internationale de l’aviation civile, agence des Nations Unies) sont arrivés dimanche dans la région du crash, à l’est de Donetsk, pour participer à l’enquête aux côtés des observateurs de l’OSCE. Leur mission : sécuriser le site, récupérer et analyser les débris du Boeing 777-200ER, et bien sûr mettre la main sur les enregistreurs de vol dont on ignore toujours la localisation ou l’état – un leader des séparatistes pro-russes affirmant qu’elles sont en sa possession et seront remises à l’OACI. L’organisation a expliqué sous couvert d’anonymat que ses enquêteurs ne se rendraient sur le site qu’une fois celui-ci « sécurisé » et leurs activités « protégées ». Une image plus claire du nombre de compagnies aériennes survolant encore l’est de l’Ukraine au moment du crash est désormais disponible, Eurocontrol estimant que les trois-quarts des compagnies n’avaient rien changé depuis le début du conflit (la zone est désormais complètement interdite). 55 avions se trouvaient apparemment au-dessus de la région jeudi dernier, et selon les données de Flightradar rassemblées par Der Spiegel, elle avait été survolée la semaine précédente par 86 vols d’Aeroflot, 75 de Singapore Airlines, 62 d’Ukraine International Airlines, 56 de Lufthansa, 48 de Malaysia Airlines, 46 de Belavia, 34 de Thai Airways, 33 d’Air India, 33 de Pakistan International Airlines et 31 de Jet Airways (sont aussi citées entre autres Qatar Airways, Etihad Airways, Transaero, KLM, CSA Czech Airlines, Austrian, Emirates, EVA Air…). Toutes ont bien sûr annoncé avoir modifié leur programme de vol afin d’éviter le ciel de Donetsk, comme l’avaient déjà fait depuis des semaines ou des mois British Airways, easyJet, Qantas, Cathay Pacific, Korean Air, Asiana Airlines ou China Airlines… La DGAC ayant demandé aux compagnies aériennes françaises de ne plus survoler l'Ukraine à l'exception des vols à destination de Kiev, Air France a annoncé qu'elle prenait acte (elle évitait déjà la Crimée). La FAA américaine a également interdit aux transporteurs du pays de survoler l’est de l’Ukraine, ses restrictions ne s’appliquant jusque là qu’au survol de la Crimée. Le PDG d’Emirates Airlines Tim Clark a appelé à une conférence internationale de l’IATA sur le sujet, appelant à un rôle accru des régulateurs nationaux – qui pourraient interdire aux compagnies de leur pays de survoler telle ou telle zone, cette responsabilité restant aujourd’hui aux mais du contrôle aérien et des pilotes. Rappelons que l’est de l’Ukraine était interdit de survol par les avions commerciaux en-dessous de 32 000 pieds, soit 1000 pieds de moins que l’altitude à laquelle se trouvait l’avion de Malaysia Airlines. Le conflit en Ukraine, attisé par la Russie comme par les occidentaux au nom d’une guerre froide que l’on espérait révolue, éclabousse sans surprise le crash du MH17. Alors que dans toute enquête sur un accident aérien les enquêteurs appellent à la prudence, les accusations et contre-accusations fleurissent, le gouvernement ukrainien en particulier présentant jour après jour de nouvelles « preuves irréfutables » que les séparatistes ont abattu l’avion de Malaysia Airlines (des preuves qui rappellent étrangement celles sur la présence d’armes de destruction massive en Irak). Le transport d’environ 200 corps de victimes vers des wagons réfrigérés a aussi donné lieu à de nouvelles joutes verbales, les USA accusant des « séparatistes ivres de soustraire des corps et des indices du site » comme si le fait de les laisser pourrir au soleil allait permettre à l’enquête de progresser. Accusé au minimum de complicité, le président russe a appelé en personne les leaders néerlandais et australiens et promis de faire « tout ce qui est en son pouvoir » pour protéger les enquêteurs, ajoutant que « personne n’a le droit d’utiliser cette tragédie pour servir des intérêts politiques partisans »…