Alors que 30% des vols de la compagnie aérienne Air France sont annulés ce mardi, huitième jour de grève depuis février, la direction propose une hausse de salaire de 2% en 2018 et 5% de plus les trois années suivantes – et met fin aux négociations en exigeant une signature d’ici vendredi. L’intersyndicale a de son côté réduit à 5,1% en 2018 sa revendication d’augmentation générale, mais se réunira jeudi au plus tard pour décider d’éventuelles nouvelles journées d’action.

La compagnie nationale française a présenté le 16 avril 2018, à l’issue d’une nouvelle réunion avec l’intersyndicale représentant toutes les catégories de personnelles, un projet d’accord final ouvert à la signature jusqu’à vendredi midi. A l’issue de trois jours de négociation « et afin de mettre fin au conflit », la direction d’Air France « a pris ses responsabilités » en proposant un texte qui assure des augmentations générales de salaire sur les années 2018 (mesure additionnelle), 2019, 2020 et 2021, « dans le cadre d’un pacte de croissance » pour l’avenir ». Il intègre des propositions à la fois fortes et économiquement soutenables :

  • Pour 2018 : une augmentation supplémentaire des salaires de 1%, qui porte ainsi l’augmentation générale à 2% au 1er avril 2018. Cette augmentation supplémentaire de 1% est assortie d’un seuil minimum de 25 euros par mois
  • Pour 2019, 2020 et 2021 : une augmentation générale des salaires de 5% sur la période (1,65% par an), garantie dans le cadre du pacte de croissance. Cette augmentation de 1,65% par an est assortie d’un seuil minimum de 40 euros par mois

La proposition de vendredi dernier évoquait +3,6% entre 2019 et 2021. Avec ce projet d’accord final, les salaires seraient selon Air France augmentés de 12,5% en moyenne sur la période, (comprenant une augmentation générale de 7% pour toutes les catégories de personnel et les augmentations individuelles/GVT). Ce « pacte de croissance » prévoit d’adapter l’augmentation dans le cas où le résultat d’exploitation d’Air France serait inférieur à 200 millions d’euros, et d’appliquer une clause de revoyure en cas d’inflation plus élevée ou de résultat négatif. Il « apporte une réponse positive et de long-terme aux attentes salariales tout en préservant la poursuite des investissements pour la croissance de la compagnie », souligne le communiqué. Les pilotes, qui réclament une hausse de 4,7% des salaires en plus de l’augmentation générale, ne sont pas mentionnés dans le communiqué ; la direction mène des négociations séparées avec leurs représentants.

La compagnie rappelle que les grèves en cours « ont de lourdes conséquences pour l’entreprise, ses clients et salariés. Elles sont destructrices financièrement pour l’entreprise et ses salariés, elles mettent en péril l’avenir de la compagnie », avec un coût estimé à 220 millions d’euros (incluant les journées du 17 et 18 avril). Poursuivre le conflit et refuser cette proposition d’accord « particulièrement favorable pour les salariés » d’Air France serait prendre une lourde responsabilité vis-à-vis de toute l’entreprise et de ses clients, conclut la compagnie.

L’intersyndicale regroupant trois syndicats de pilotes (SNPL, SPAF et Alter), deux syndicats d’hôtesses de l’air et stewards (SNPNC et UNSA-PNC), et cinq de personnel au sol (CGT​, FO, SUD, CFTC et SNGAF), représentant au total 52,6% des voix du personnel, plus l’UNAC, a également publié un communiqué hier, intitulé « deuxième proposition ». Elle explique que la direction n’est « pas venue pour négocier une fin de conflit », mais cherche à imposer « un accord de modération salariale 2019-2020-2021 en trompe-l’œil, complètement déconnecté des multiples hausses d’inflation subies entre 2012 et 2018 ». Air France refuse selon l’intersyndicale de « solder le passif cumulé jusqu’en 2018, comme si les salariés devaient supporter sur tout le reste de leur carrière le préjudice généré par ces années de blocage », et cherche à clore les débats en proposant « ce qu’elle qualifie d’ultime accord pour ne pas répondre aux revendications ». Lors des débats, la direction a selon les syndicats reconnu une inflation glissante de 3,8% de 2012 à 2017, non compensée par des augmentations générales, et admis que pour 2018, l’inflation sera de 1,3% (Source INSEE). « Nous en prenons acte, et dans une recherche d’équilibre et d’écoute », l’intersyndicale propose pour cette année une hausse de 5,1% :

  • +3,8% en avril 2018 (rattrapage d’inflation 2012-2017)
  • +1,3% en octobre 2018 (inflation prévisionnelle de 2018)

La précédente proposition était de 3,2% d’augmentation en avril et 1,8% d’augmentation en octobre, en plus du +1% déjà mis en place (ce dernier n’est plus évoqué). Le nouveau texte « permet une sortie de conflit », et la refuser « serait parfaitement irresponsable de la part de la direction ». L’intersyndicale se réunirait alors au plus tard jeudi pour définir de nouvelles dates. En attendant, les grèves de mardi et mercredi, ainsi que celles du 23 et 24 avril, sont maintenues.

Rappelons qu’Air France prévoit d’assurer près de 70% de ses vols aujourd’hui, dont 55% seulement des vols long-courriers, 65% des vols moyen-courriers de et vers Paris-Charles de Gaulle, et 80% des vols court-courriers dans les aéroports de Paris-Orly et de province. Des retards et des annulations de dernière minute ne sont pas à exclure ; seuls les vols opérés par les avions d’Air France et de Joon sont affectés par la grève, pas ceux de la filiale régionale HOP! ni ceux effectués en partage de codes par d’autres compagnies comme KLM ou Delta Air Lines.

On notera enfin qu’un nouvel appel à la grève dans la fonction publique a été lancé pour le 22 mai prochain, pour s’opposer notamment au plan de départs volontaires de 120 000 postes dans la fonction publique d’ici la fin du quinquennat. Le précédent mouvement, le 22 mars, avait été rejoint par l’USAC-CGT, syndicat minoritaire des employés de la DGAC – dont les contrôleurs aériens, mais aussi par le FUC chez les pilotes de HOP! et le SNGAF chez les hôtesses de l’air et stewards d’Air France. Selon la DGAC, 30% des vols au départ et à l’arrivée des aéroports parisiens (CDG, Orly et Beauvais) avaient été annulés, la grève affectant également les aéroports de Bordeaux, Toulouse, Marseille, Lyon et Nantes.

Grève Air France : petits pas et ultimatum 1 Air Journal