Alors que le nom du futur PDG du groupe aérien Air France-KLM pourrait être dévoilé dès cette semaine, une lettre ouverte dénonce la possibilité qu’il ne soit pas issu de la filière, tandis que les administrateurs néerlandais se plaignent d’un manque d’information.

Le Conseil d’administration du groupe franco-néerlandais pourrait nommer mardi ou mercredi le successeur définitif de Jean-Marc Janaillac, Anne-Maric Courderc n’occupant la place que sur une base intérimaire. Une célérité à même de satisfaire le ministre de l’économie Bruno le Maire, qui répétait hier sur RTL qu’une désignation « dès juillet serait idéale ». Il a toutefois précisé que Philippe Capron, directeur financier de Veolia Environnement et présenté comme le favori par plusieurs médias ce weekend, n’était « qu’un candidat parmi d’autres » même s’il le juge « bon » : « nous allons regarder avec tous les actionnaires du groupe, je vous rappelle que Delta Air Lines, China Eastern Airlines sont actionnaires » à hauteur de 10% quand l’Etat détient 14,3% du capital (mais 23% des voix), a déclaré le ministre. Avant de rappeler que le poste demande « de l’expérience, une capacité à relancer le dialogue social qui est au point mort et être capable de redonner à Air France la compétitivité perdue ces derniers mois ».

La possibilité qu’une personnalité extérieure au secteur aérien puisse prendre la tête d’Air France-KLM n’a guère plu : une lettre ouverte met comme premières qualités du futur PDG « son indépendance vis-à-vis des autorités, son courage à mener à bien les réformes nécessaires et son engagement à mettre toutes les parties prenantes face à leurs responsabilités afin de restaurer la compétitivité de toutes les entités du Groupe ». Signée par Bernard Pédamon (commandant de bord B777 Air France et ancien membre du conseil d’administration d’AF-KLM), Erick Derivry (commandant de bord B777 Air France et ancien président du SNPL France ALPA), Philippe Raffin (commandant de bord A320 Air France et ancien vice-président du SNPL Air France ALPA), Robert Swankhuizen (mécanicien KLM et président de NVLT) et Steven Verhagen (commandant de bord A330, ancien président de VNV et ancien président du SPAAK), la lettre ouverte rappelle que le nouveau PDG du Groupe « sera le 4ème depuis 2014, dans un contexte où les faibles performances financières – en comparaison avec nos principaux concurrents – et des grèves à répétition traduisant de piètres relations sociales, menacent notre avenir, notre avenir collectif ». « En tant qu’anciens ou actuels dirigeants syndicaux néerlandais et français ayant une longue expérience dans le secteur du transport aérien et dans les relations sociales, nous exprimons humblement par la présente nos plus profondes préoccupations au regard de cette nomination. De notre point de vue, et pour le bien de l’entreprise, le prochain PDG devra être une personne qui :

démontre son indépendance vis-à-vis des autorités, son courage à mener à bien les réformes nécessaires et son engagement à mettre toutes les parties prenantes face à leurs responsabilités afin de restaurer la compétitivité de toutes les entités du Groupe.

comprend vraiment l’industrie du transport aérien et la réalité concurrentielle à laquelle est confrontée le groupe Air France-KLM. Une concurrence féroce – et notamment celle déloyale de compagnies subventionnées massivement par leurs États -, des compagnies aériennes qui utilisent toutes les failles de la réglementation européenne pour déréguler le marché, des politiciens et des bureaucrates sans vision ou avec une vision à court terme quant à la politique sur les taxes ou sur les infrastructures, telle est la réalité à laquelle le Groupe doit faire face et qu’il doit combattre agressivement et efficacement.

sait comment travailler avec toutes les catégories d’employés afin de construire une vision cohérente, un plan d’avenir et ensuite conduire le groupe à mettre en œuvre ce plan avec un soutien collectif.

comprend que le groupe Air France-KLM est une société française et néerlandaise composée des histoires anciennes et des cultures différentes, tout en développant de la valeur au travers des grandes marques réputées et appréciées du Groupe. Le nouveau dirigeant devra être une personne qui dirigera la Holding de manière globale, sans exclure aucune entité importante du Groupe.

croit fermement que le capital humain est primordial pour une compagnie aérienne et que les employés du groupe Air France-KLM sont axés sur la performance, fortement engagés envers leurs entreprises respectives, dotés d’un fort sentiment d’appartenance et fiers de travailler pour des compagnies aériennes aussi anciennes que réputées.

En clair, Air France-KLM n’a pas besoin que l’oligarchie pousse quelqu’un au pouvoir pour de mauvaises raisons. Air France-KLM a besoin d’un leader charismatique, compétent, fort et indépendant. Il (ou elle) devra être opérationnel(le) dès que possible. Une décision inappropriée du Comité des Nominations pourrait avoir des conséquences dramatiques alors que nous sommes à la croisée des chemins en matière de consolidation des grandes compagnies aériennes, processus dans lequel Air France-KLM prend sérieusement du retard. Dans ce contexte, il serait utile de s’assurer qu’Air France-KLM ne subira pas le même sort que Sabena ou Alitalia. Inutile de dire que c’est la dernière chose que nous voulons voir arriver.

Nous avons réellement besoin d’un PDG avec des connaissances et des compétences dans le domaine du transport aérien, et qu’il sache gérer les troubles actuels. En conséquence, nous en appelons à la responsabilité des parties prenantes et des décideurs, jusqu’au président de la République française, Emmanuel Macron, pour assurer, avec seule et unique priorité, une nomination aussi efficace que nécessaire à la santé et à la prospérité future d’Air France-KLM », conclut la lettre..

Ces cinq employés ne sont pas les seuls à s’inquiéter des rumeurs tournant autour de la future gouvernance du groupe de l’alliance SkyTeam. Selon Les Echos, le conseil d’administration de KLM a écrit à Anne-Marie Couderc pour « se plaindre du manque d’informations entourant le processus de recrutement », et réclamer « une refonte » de la gouvernance plaçant les deux compagnies nationales sur un pied d’égalité. Ils souhaitent qu’Air France soit dotée d’un vrai PDG, à égalité avec Pieter Elbers chez KLM, afin que la direction du groupe ne soit plus tentée de privilégier la première aux dépens de la seconde : « nous ne voulons plus être traités comme une filiale d’Air France alors que KLM dégage quatre fois plus de bénéfices », ont déclaré les administrateurs.

Air France-KLM : la future présidence déjà contestée 1 Air Journal