La compagnie aérienne Air France a annulé 25% des vols programmés ce vendredi, treizième jour de la grève menée depuis février par une intersyndicale représentant tous les corps de métiers. Alors que la consultation de tous les salariés se termine cet après-midi, le syndicat de pilotes de sa filiale régionale, le SNPL HOP!, « invite » la direction à ne pas oublier les leçons du conflit qu’il avait mené l’année dernière.

Pour ce 4 mai 2018, la compagnie nationale française prévoit de maintenir 75% des vols, dont 80% de ses vols long-courriers, 65% de ses vols moyen-courriers au départ et vers l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle, et 80% de ses vols court-courriers à Paris-Orly et en province, contre respectivement 78%, plus de 80% et près de 90% hier. Un impact plus dur qui reflète la hausse du taux de grévistes, estimé par la direction d’Air France pour ce vendredi à 21,5% des pilotes (contre 18,8% jeudi), 17,1% des personnels navigants commerciaux (18% jeudi) et 12,5% des personnels au sol (10% jeudi). Comme les jours précédents, la compagnie « regrette la poursuite de ces grèves alors même que la direction de la compagnie a fait plusieurs propositions pour sortir du conflit et a lancé une consultation auprès de l’ensemble des salariés sur l’accord proposé le 16 avril ». Les résultats de cette consultation de neuf jours, posant la question « pour permettre une issue positive au conflit en cours, êtes-vous favorable à l’accord salarial proposé le 16 avril 2018 ? », seront connus ce vendredi en fin de journée. Deux nouveaux jours de grève sont prévus les 7 et 8 mai ; rappelons qu’elle n’affecte que les vols opérés par des avions d’Air France et de Joon.

La proposition d’accord d’Air France porte sur une augmentation générale de 2% en 2018, assortie d’un seuil minimum de 25 euros par mois, et une autre de 5% pour 2019, 2020 et 2021 (1,65% par an), assortie d’un seuil minimum de 40 euros par mois. Les salaires seraient selon la direction augmentés de 12,5% en moyenne sur la période, (comprenant une augmentation générale de 7% pour toutes les catégories de personnel et les augmentations individuelles/GVT) ; mais ce « pacte de croissance » prévoit d’adapter l’augmentation dans le cas où le résultat d’exploitation d’Air France serait inférieur à 200 millions d’euros, et d’appliquer une clause de revoyure en cas d’inflation plus élevée ou de résultat négatif. En face, l’intersyndicale, qui regroupe les trois syndicats de pilotes (SNPL, SPAF, Alter), deux syndicats d’hôtesses de l’air et stewards (SNPNC et UNSA-PNC) et cinq de personnel au sol (CGT​, FO, SUD, CFTC et SNGAF), représentant au total 52,6% des voix du personnel, plus l’UNAC, réclame une augmentation générale de 5,1%, avec +3,8% au 1er avril (rattrapage d’inflation 2012-2017) et +1,3% en octobre (inflation prévisionnelle de 2018) ; les représentants des pilotes y ajoutent une augmentation spécifique de 4,7%.

Si l’impact de la grève aujourd’hui est revenu dans la moyenne observée depuis le début du conflit en février, des voix nouvelles se font entendre. A commencer par le syndicat représentant les pilotes de la filiale régionale d’Air France, le Bureau SNPL HOP! ALPA, qui se basant « sur son expérience vécue lors des tumultueuses négociations de la Convention pilotes » invite la direction à « ne pas commettre les mêmes erreurs ». L’échec en 2016 des négociations sur cette nouvelle convention collective, suite à la fusion des compagnies Airlinair, Brit Air et Regional, avait mené à une grève de six jours en juillet 2017. Après la menace d’un nouveau conflit en février dernier, « c’est finalement en mars 2018 qu’une prise de conscience, bien tardive, du management est finalement intervenue concernant le rôle central des pilotes dans une compagnie aérienne, évitant de peu à l’entreprise de toucher le fond », raconte le syndicat ; la « relance du dialogue social sur de nouvelles bases » a depuis permis la rédaction concertée d’une nouvelle convention qui devrait être très prochainement signée par le SNPL HOP!. Le syndicat tient à « rappeler combien cet exemple récent est révélateur de l’importance du dialogue interne avec les pilotes », et invite la direction d’Air France à « prendre la mesure du risque encouru par la compagnie du fait de sa stratégie actuelle ; aucun transporteur aérien ne saurait fonctionner sans le soutien de ses pilotes ». Pour Armand Simon, Président du Bureau SNPL HOP! ALPA, la direction « doit être consciente qu’elle ne peut faire l’économie de l’accord des pilotes pour avancer. Une tentative de passage en force telle que celle à laquelle nous assistons sur la question des rémunérations et la pseudo consultation associée ne peuvent que conduire dans une impasse ». Seule la reprise d’un dialogue apaisé entre le SNPL HOP! et la direction de HOP! a permis de construire une nouvelle dynamique dans notre entreprise, rappelle-t-il, la compagnie ayant « perdu plus d’une année pour y parvenir ». Pour le dirigeant syndical, les pilotes « souhaitent construire un avenir pour Air France, non le compromettre », et ont donc son plein soutien.

Mais la position des syndicats pilotes ne plait pas à tout le monde, en particulier à l’UNSA DGSI qui dénonce dans un tract la poursuite de négociations séparées. « Si la Direction se montre inflexible dans le cadre de la NAO, elle est beaucoup plus conciliante pour obtenir un consensus avec les Pilotes dans un accord spécifique », écrit le syndicat, donnant deux exemples du « double jeu » d’Air France : « une valorisation spécifique de Noël et l’acceptation de la Direction de discuter d’une prime pour accompagner la révolution numérique pour les pilotes », des majorations salariales qui devraient concerner « tout le personnel car ce n’est en aucun cas une spécificité Pilotes ». L’UNSA DGSI se dit plus que jamais convaincu que si le OUI l’emporte, « les vrais perdants seront en tout premier lieu le PS et les PNC. La Direction et les Pilotes continueront alors leur vie de couple, parsemée de scènes de ménage et de réconciliations ». Les pilotes sont aussi la cible de Fabrice Dariot, patron de l’agence Bourse-des-vols.com, selon qui « ces grèves à répétition des nantis du transport aérien coûtent très cher aux agence de voyages ou les salaires sont bien plus modestes. Indemniser les distributeurs Air France serait la moindre des choses », suggère-t-il. Les passagers ont eux droit à une indemnité, mais selon AirHelp plus de 8 passagers des compagnies aériennes sur 10 ignorent leurs droits si jamais leur vol est retardé ou annulé.

Les douze jours de grèves déjà organisés depuis février, qui ont poussé le président d’Air France Jean-Marc Janaillac (également PDG d’Air France-KLM) à mettre sa démission dans la balance, auraient déjà coûté plus de 300 millions d’euros à la compagnie. Rappelons que les grèves toujours programmées les 7 et 8 mai battront le « record » de septembre 2014, quand le SNPL avait mené quatorze jours de grève, avec un impact de 425 millions d’euros sur les résultats annuels du groupe franco-néerlandais. Air France-KLM avait alors enregistré une perte nette de 198 millions d’euros alors qu’elle était de 1,827 milliard l’année précédente.

Grève Air France : 25% de vols annulés et conseils du SNPL HOP! 1 Air Journal