La Commission européenne a ouvert une enquête approfondie afin de déterminer si les contrats de services de marketing conclus entre l’Association de promotion des flux touristiques et économiques à l’aéroport de Montpellier (APFTE) et la compagnie aérienne low cost Ryanair sont conformes aux règles de l’Union en matière d’aides d’État.

Après Carcassonne, Nîmes, Pau ou Angoulême entre autres, l’aéroport de Montpellier-Méditerranée est désormais dans le collimateur du gendarme européen de la concurrence au sujet de ses relations avec la spécialiste irlandaise du vol pas cher. La Commission explique dans son communiqué du 4 juillet 2018 qu’elle a été « saisie d’une plainte » concernant les contrats de services de marketing conclus entre l’APFTE d’une part, et Ryanair et sa filiale AMS d’autre part ; le plaignant non identifié « affirmait que ces contrats représentaient des aides d’État illégales en faveur de Ryanair ». Depuis 2010, l’APFTE a conclu différents contrats avec Ryanair en vertu desquels cette dernière a reçu des paiements importants en échange de la promotion de Montpellier et de la région environnante en tant que destination touristique sur son site web. La Commission, qui souligne que l’APFTE est une association indépendante, « sans lien avec l’exploitant de l’aéroport, financée presque intégralement par des entités publiques régionales et locales », a donc conclu à titre préliminaire que les contrats conclus avec Ryanair sont financés au moyen de « ressources d’État et imputables à l’État ».

À ce stade, la Commission « craint que les clauses de ces contrats ne confèrent à Ryanair un avantage économique indu » par rapport à ses concurrents, dans la mesure où elle jouit de conditions trop favorables et où « aucun exploitant privé n’aurait accepté de conclure des contrats similaires avec Ryanair en vue d’acquérir des services de marketing ». Elle à présent mener une enquête plus approfondie pour déterminer si ses craintes initiales sont confirmées. L’ouverture d’une enquête donne la possibilité aux tiers intéressés de faire part de leurs observations ; elle ne préjuge en rien de l’issue de l’enquête, rappelle la Commission.

Margrethe Vestager, commissaire chargée de la politique de concurrence, a déclaré : « la concurrence dans le secteur du transport aérien revêt une importance fondamentale pour les consommateurs, la croissance et l’emploi. Nous allons examiner si des autorités régionales et locales françaises ont accordé un avantage économique indu à Ryanair par rapport à ses concurrents, ce qui serait susceptible de nuire à d’autres compagnies aériennes européennes et d’avoir des retombées sur d’autres régions européennes ». L’aéroport de Montpellier, qui a accueilli 1,9 million de passagers en 2017, est desservi par Ryanair depuis Charleroi et Francfort-Hahn ; les autres low cost présentes sont Air Arabia Maroc, easyJet, Eurowings, Norwegian, Transavia Holland et Volotea, aux côtés de dix compagnies traditionnelles dont Air France, Air Algérie ou Royal Air Maroc.

Ryanair a réagi ce jeudi: « tous les arrangements aéroportuaires de Ryanair sont entièrement conformes aux règles de l’UE en matière d’aides d’État et nous sommes convaincus que l’UE considérera que notre accord de Montpellier est conforme aux règles de l’UE en matière d’aides d’État ».

Dans le secteur de l’aviation, les lignes directrices de la Commission sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes rendent compte du fait que, sous réserve de certaines conditions, des subventions publiques peuvent être utilisées par les aéroports régionaux ou les autorités régionales pour attirer des compagnies aériennes sensibles aux prix. Ces subventions, rappelle la Comission, peuvent généralement prendre la forme de redevances aéroportuaires peu élevées, de remises de redevances aéroportuaires, de commissions liées aux résultats («success fees») ou de paiements pour des services de marketing. Les aéroports publics régionaux peuvent proposer des conditions attrayantes aux compagnies aériennes afin de les encourager à y exercer leurs activités et, ce faisant, de stimuler leur trafic. Cependant, ces conditions ne doivent en principe pas aller au-delà de ce qu’un exploitant aéroportuaire guidé par la recherche d’un profit serait prêt à offrir dans les mêmes circonstances (principe de l’investisseur en économie de marché). Si ce principe est respecté, les conditions ne comportent pas d’aides d’État en faveur des compagnies aériennes et ne sont pas soumises au contrôle de la Commission. Inversement, si ce principe n’est pas respecté, les conditions constituent des aides d’État et la Commission doit alors vérifier si celles-ci peuvent être jugées compatibles avec les règles de l’Union en matière d’aides d’État.

Au cours des dernières années, la Commission européenne a mené à bien plusieurs dossiers concernant des aides en faveur de compagnies aériennes « destinées à attirer celles-ci ou à maintenir leur capacité en matière d’aéronefs à certains aéroports », constatant que ces aides n’étaient pas compatibles avec les règles de l’Union en matière d’aides d’État. Par exemple en ce qui concerne les aéroports de Nîmes, Pau et Angoulême en France, de Zweibrücken et Altenburg-Nobitz en Allemagne et de Klagenfurt en Autriche, ainsi que les aéroports sardes de Cagliari, Olbia et Alghero en Italie.

L’Europe enquête sur Montpellier et Ryanair 1 Air Journal