La loi Pacte a été approuvée hier par l’Assemblée nationale, y compris le volet concernant la privatisation du gestionnaire des aéroports de Paris-CDG et Orly. Et ce malgré l’opposition de parlementaires de droite et de gauche, suffisamment nombreux pour déclencher le processus vers un référendum d’initiative partagée (RIP).

La polémique sur la privatisation du Groupe ADP (Aéroports de Paris) n’est pas prête de s’éteindre, même si le débat devrait uniquement porter selon le gouvernement sur la question : prendre environ 9,5 milliards d’euros tout de suite (valeur estimée des 50,6% du capital détenus par l’Etat), ou espérer continuer de recevoir des dividendes (174 millions d’euros en 2018, en hausse proportionnellement à un résultat net qui a doublé en cinq ans). L’argent récolté par la privatisation d’ADP sera placé en obligations d’Etat, dont les dividendes rapporteront 250 millions d’euros chaque année, qui seront versés au Fonds pour l’innovation et l’industrie. Le reste du capital du premier groupe aéroportuaire mondial est détenu à 21,9% par des investisseurs institutionnels, à 8,0% par le Royal Schiphol Group (gestionnaire d’Amsterdam), 8,0% par Vinci, 5,1% par Crédit Agricole Assurances/Predica, 4,3% par des actionnaires individuels et 1,6% par les salariés. L’Etat n’a pas encore décidé s’il se séparera de tout ou partie de ses 50,6%,

A l’ouverture des débats jeudi, le ministre de l’économie Bruno Le Maire a accusé les parlementaires à l’origine du RIP  de faire « le jeu des populismes » et « d’affaiblir la démocratie représentative ». Le député de La France insoumise Alexis Corbière a répliqué : « ce dont vous avez peur, c’est du peuple. Vous êtes dans cette affaire dans une dérive autoritaire », l’opposition dénonçant un « scandale » et une « erreur stratégique ». On oubliera l’argument des frontières (la police aux frontières, la sécurité des aéroports et le contrôle des personnes resteront sous contrôle de l’État, comme à Toulouse, Lyon et Nice), mais les opposants à la privatisation insistent sur des risques allant d’un cahier des charges « pas suffisamment blindé »  – comme dans le cas de la privatisation des autoroutes – aux erreurs relevées par la Cour des Comptes dans le cas de Toulouse-Blagnac, en passant par l’impact des investissements de 6 milliards d’euros annoncés par ADP sur les compagnies aériennes (en particulier Air France) et les passagers.

Fabrice Dariot, le patron de l’agence en ligne Bourse Des Vols « très engagé dans la défense des TPE », rappelle que les aéroports « ont été financés avec l’argent du contribuable. Le projet de privatisation n’est rien d’autre qu’une spoliation du bien public. La cession aux Chinois de l’aéroport de Toulouse a très mal tourné. Il ne s’agit pas, dans le cas de Paris, de faire financer une route à travers champs et marais, mais de s’accaparer une rente de situation. Rien n’est pire que le monopole privé. C’est le retour de la rente de l’Ancien régime, la spoliation du bien de tous au profit d’un quarteron oligarchique. Dans l’intérêt de notre industrie et du consommateur, nous devons soutenir la pétition du référendum ». Se joignant au combat du patron de Bourse des Vols contre la privatisation d’ADP, Jean-François Rial, président de Voyageurs du Monde, martèle : « On ne privatise pas un monopole ou alors on soviétise l’économie. Aucun contrat de régulation n’empêchera le propriétaire privé d’augmenter ses prix et ses marges !»

Rappelons que trois scénarios sont encore à l’étude pour la privatisation d’ADP : une vente à un seul acteur, une vente à des acteurs diversifiés ou une vente d’une partie seulement des actions de l’État. Parmi les candidats les plus sérieux au rachat des parts de l’Etat figure le groupe Vinci (Vinci Autoroutes, Vinci Concessions, Vinci Airports, etc.), déjà bien implanté dans le secteur aéroportuaire et actionnaire à 8% d’ADP. Thomas Juin, président de l’Union des aéroports français (UAF) soulignait le mois dernier qu’en sortant d’ADP, l’Etat sera « d’autant mieux placé pour être un bon régulateur » en étant neutre, alors qu’il est régulièrement accusé de favoriser le groupe aux dépens des compagnies aériennes et des passagers pour améliorer sa rentabilité – et donc ses dividendes.

Le Groupe ADP est devenu le numéro 1 mondial de la gestion aéroportuaire avec 281,4 millions de passagers transportés en 2018. Lors de la présentation de ses résultats annuels en février 2019, il affichait un trafic en hausse de 7,6% avec 281,4 millions de passagers transportés dans les aéroports de Paris CDG et Orly (+3,8% à 105,3 millions de clients), ceux du groupe TAV Airports et celui d’Amman. ADP parlait de « bonne performance » du chiffre d’affaires consolidé (4,478 milliards d’euros), en hausse de 861 millions d’euros ; de la croissance du produit des redevances aéronautiques à Paris Aéroport (+5,6%, à 1115 millions d’euros) ; de la progression du segment commerces et services en hausse de 4,9%, à 1000 millions d’euros, portée par la performance des activités commerciales (+6,8% à 490 millions d’euros) ; de la hausse de 6,0% du chiffre d’affaires du segment immobilier, à 265 millions d’euros, notamment du fait de l’effet positif de l’acquisition de l’immeuble “Dôme” à Paris-Charles de Gaulle en décembre 2017 ; et d’un chiffre d’affaires par passager des boutiques côté pistes était en légère hausse à 18,4 € (+0,6%). L’EBITDA a atteint 1961 millions d’euros, en hausse de 393 millions d’euros (+25,1%) ; le résultat opérationnel courant s’est établi à 1237 millions d’euros, en hausse de 207 millions d’euros, et le résultat net part de groupe (RNPG) affichait 610 millions d’euros, en hausse de 39 millions d’euros

Privatisation d’ADP: le débat continue 1 Air Journal