Le groupe aérien Air France-KLM a présenté hier des priorités stratégiques « pour retrouver une position de leader en Europe » sans surprise, le plus important étant sa trajectoire financière les cinq prochaines années vers un retour au paiement de dividendes. Pour Air France, cela signifie capitaliser sur son marché local et son offre premium, tandis que la low cost Transavia a pour objectif de devenir première dans l’hexagone en nombre d’avions basés.

Lors de sa présentation aux investisseurs le 5 novembre 2019, le CEO du groupe franco-néerlandais Benjamin Smith était entouré de Pieter Elbers, PDG de KLM Royal Dutch Airlines et d’Anne Rigail, directrice générale d’Air France, et surtout du directeur financier Frédéric Gagey. Car le premier objectif cité est de « retrouver une dynamique de rentabilité basée sur un nouveau modèle de création de valeur pour les principales parties prenantes du groupe : employés, clients, et actionnaires ». Les grandes priorités affichées dans le communiqué du groupe sont l’optimisation du modèle opérationnel ; le recentrage de la croissance des revenus sur les segments les plus rentables ; le développement d’initiatives sur la gestion des données, le programme de fidélisation Flying Blue, la maintenance et le cargo ; et l’analyse de toutes les opportunités de consolidation. « Chacune des initiatives soutient l’ambition du groupe de rester leader de la transition écologique du secteur », souligne en outre le groupe. Et les objectifs financiers sont aussi clairs : la profitabilité avec une marge opérationnelle moyen-terme de 7-8% (4,8% sur les neuf premiers mois de 2019, en baisse de 1,7 point) ; un cash flow libre d’exploitation ajusté moyen-terme positif ; un ratio dette nette / EBITDA d’environ 1,5x ; et la perspective d’un retour à la distribution de dividendes (aucun n’a été versé depuis 2008).

Dans un environnement concurrentiel « et en pleine transformation pour les compagnies aériennes européennes », le groupe Air France-KLM « a tous les atouts pour retrouver sa place de leader », souligne Benjamin Smith. Depuis fin 2018 « et grâce à l’engagement de nos salariés d’Air France, KLM et Transavia, nous avons mis en œuvre les fondamentaux de notre stratégie : simplifier notre flotte, clarifier notre positionnement tant sur nos segments de marché que dans notre portefeuille de marques, gagner une flexibilité importante en matière commerciale et opérationnelle grâce à de nouveaux accords sociaux. C’est le point de départ qui doit permettre à Air France-KLM de se réinventer, de créer une dynamique plus vertueuse pour ses parties prenantes. Nous optimiserons notre modèle opérationnel et augmenterons nos recettes pour améliorer sensiblement notre niveau de marge. Toutes les actions que nous entreprendrons supporteront notre ambition d’être le groupe aérien pionnier en matière de développement durable ».

Le groupe Air-France KLM met en avant de nombreux atouts : la force de ses trois marques Air France, KLM et Transavia, ses deux hubs « de Paris – la première destination au monde – et d’Amsterdam – le premier hub de correspondance européen et ville où ce modèle a été inventé », son vaste réseau très complémentaire ou encore ses partenariats commerciaux « puissants ». Pour capitaliser pleinement sur ces atouts, le groupe doit simplifier et optimiser son fonctionnement, se repositionner sur les segments de marché les plus rentables. « Un travail important a déjà été engagé dès la fin 2018 pour mettre en place les fondamentaux de cette stratégie », et ce travail va se poursuivre et s’intensifier autour de quatre principaux axes stratégiques, déclinés dans la feuille de route de chacune des compagnies.

1: Optimiser le modèle opérationnel : réduire les coûts opérationnels et gagner en efficacité

 Accroître la flexibilité dans la gestion de la flotte et des produits et services

 Simplifier les processus internes de chaque compagnie

 Accélérer le renouvellement de la flotte

 Mettre en œuvre des synergies additionnelles au niveau du Groupe

 Continuer à encourager les autorités françaises à créer un environnement plus favorable à la compétitivité d’Air France.

2: Recentrer la croissance des revenus passagers sur les segments les plus rentables en s’appuyant sur les hubs et la puissance des marques

 Recentrer le portefeuille de marques autour des trois marques principales : Air France, Transavia et KLM, pour mieux cibler les segments de marché les plus pertinents et les plus profitables

 Optimiser les réseaux, chaque compagnie se concentrant sur son savoir-faire unique et ses atouts : pour KLM, renforcer son leadership à Schiphol et continuer à croitre pour devenir le transporteur de référence sur le trafic de correspondance de et vers l’Europe. Pour Air France, capitaliser sur son marché local et son offre premium, Paris et la France étant la première destination mondiale. Pour Air France et Transavia, renforcer leurs positions à Orly en utilisant mieux ses créneaux horaires. Transavia confortera sa position de leader low-cost aux Pays-Bas et ambitionne de devenir la première low-cost en France en nombre d’avions basés.

 Affiner le ciblage clients pour une personnalisation accrue de l’offre à coûts réduits.

3: En parallèle, le groupe continuera à faire croitre ses activités sur la gestion des données, Flying Blue, le cargo et la maintenance

 Valoriser la gestion des données comme un actif majeur du groupe et en tirer le maximum d’opportunités

 Accélérer le développement de Flying Blue dans le prolongement des actions menées en 2018

 Développer la contribution de l’activité Cargo

 Inscrire l’activité de maintenance dans une trajectoire de croissance rentable, au service de la performance opérationnelle des compagnies du groupe.

4: De manière plus transversale, le groupe Air France-KLM continuera à envisager la consolidation du marché européen « de façon pragmatique ». « Fort de la réussite de ses nombreuses alliances dans le monde », Air France-KLM envisagera les opportunités de consolidation de façon pragmatique, avec pour objectif de compléter et renforcer les réseaux d’Air France et de KLM, tout en maintenant une discipline financière stricte

Le communiqué du groupe se conclut sur un rappel : l’ensemble de la feuille de route stratégique du groupe continuera de s’inscrire dans une démarche responsable et durable. Air France- KLM veut affirmer son leadership en matière d’aviation durable. Cela passe notamment par la mise en œuvre d’un plan environnemental et sociétal à horizon 2030. Sur le plan environnemental en particulier, les trois compagnies ont engagé des mesures importantes afin de réduire de moitié leurs émissions de CO2 par passager à horizon 2030 mais aussi pour favoriser l’émergence de carburants durables.

Air France-KLM : une stratégie d’abord financière 1 Air Journal

©Airbus

En attendant la prochaine assemblée générale au printemps, qui risque de remettre au grand jour la guerre toujours larvée entre France et Pays-Bas sur les questions d’actionnariat, Benjamin Smith est en particulier revenu sur les difficultés dans l’hexagone, où exploiter une compagnie aérienne « n’est pas facile » entre fiscalité et taxes d’aéroports « plus élevées qu’ailleurs » – sans oublier l’écotaxe qui se profile en janvier prochain. Il a évoqué pour Air France un « modèle opérationnel cassé » qui doit être réparé « pas à pas ». Un chemin intégrant les accords avec le personnel d’une part, et d’autre part la poursuite de la modernisation de la flotte et le choix « dans les semaines à venir » entre Airbus A350 et Boeing 787 pour remplacer sur le long-courrier les A380 à l’horizon 2022 : neuf nouveaux appareils au maximum doivent remplacer les dix superjumbos en service actuellement (sur le moyen-courrier, on sait déjà que les A220-300 arriveront à partir de 2021). Rappelons qu’Air France opère le premier des 28 A350-900 commandés, et 9 des dix 787-9 attendus, et le CEO semble donc avoir de nouveau écarté toute possibilité de commander des 777X dans l’immédiat ; ce qui serait assez logique puisqu’une simplification de la flotte fait partie des objectifs du groupe (KLM opère de son côté 15 787-9 et 787-10 sur 28 Dreamliner attendus), même si les deux compagnies de l’alliance SkyTeam opèrent des 777-200ER et -300ER.

Le plan de flotte du groupe a été de nouveau détaillé hier par Ben Smith : chez Air France, en dehors du long-courrier, on savait déjà que ses A318 et A319 ainsi que les ATR et Embraer ERJ145 de HOP vont disparaître, mais ce sera aussi peut-être le cas des Embraer 170 et Bombardier CRJ700. Chez KLM, les derniers 747 devraient être partis à la retraite en 2021, tandis que les huit A330-200 et cinq A330-300 quitteront la flotte d’ici 2025 ; elle n’opèrera alors plus que des Boeing 737, 777 et 787.

La directrice générale d’Air France Anne Rigail a précisé hier sur France Info que le plan stratégique « aura un impact sur nos résultats. Il amènera 900 millions d’amélioration à l’horizon 2024, avec évidemment des premiers résultats dès l’an prochain ». De son côté, le CFO du groupe Frédéric Gagey expliquait dans Les Echos que l’objectif est de réduire l’écart de marge entre Air France et KLM de 8 points l’année dernière à 2,5 points comme entre 2012 et 2015, même si cela sera difficile puisqu’en plus des écarts fiscaux entre les deux pays la compagnie française doit gérer deux bases (CDG et Orly) et fait face à une concurrence plus féroce sur le transatlantique (« neuf compagnies relient quotidiennement Paris à New York contre seulement quatre pour la liaison Amsterdam-New York »).

Quant à Transavia France, qui a annoncé hier l’ouverture d’une quatrième base à Montpellier, l’objectif fixé par le groupe de devenir première low cost en France par nombre d’avions (easyJet en avait 39 en avril dernier dans ses sept bases françaises) ne sera pas facile à atteindre, vu le manque de 737NG sur le marché y compris d’occasion. Elle opère aujourd’hui 38 monocouloirs, et l’accord avec le SNPL lui permet désormais de dépasser la barre des 40 fixée il y a cinq ans. Interrogée hier sur BFMTV, la PDG Nathalie Stubler a par ailleurs expliqué attendre pour début décembre la distribution des créneaux de vols de la défunte Aigle Azur, en particulier à Paris-Orly. La low cost est « intéressée par certains droits de trafic sur l’Algérie notamment, et nous avons aussi été candidats pour l’obtention de ces droits de trafic », a-t-elle déclaré.

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