Le rapport annule de la Cour des Comptes n’est pas tendre avec les huit aéroports bretons : ils sont trop nombreux, et surtout trop dépendants des aides publiques à l’exception de Rennes et Brest

La partie du rapport annuel des magistrats dédiée au problème de la desserte aérienne de la Bretagne n’épargne presque personne : si les bien-nommés Rennes-Bretagne et Brest-Bretagne « peuvent voler de leurs propres ailes », la croissance du trafic entre 2012 et 2018 leur permettant d’envisager un bénéfice d’exploitation, le modèle économique des autres plateformes plus petites « repose sur des spécificités locales » – et implique une aide publique constante. Avec huit plateformes accueillant des lignes commerciales régulières (0,29 aéroport pour 1000km2, contre 0,11 en moyenne en France), la région dispose d’un réseau aéroportuaire « particulièrement dense » pour un trafic concentré, en 2018, à 80% sur celles de Brest (1,1 million de passagers) et de Rennes (0,85 million de passagers). Cette concentration du trafic sur les deux aéroports au détriment des plus petits est depuis peu exacerbée par deux facteurs à fort impact : l’arrivée de la ligne ferroviaire à grande vitesse en 2017, et l’abandon du projet de Notre-Dame des Landes près de Nantes (Loire-Atlantique).  

Les aéroports de Quimper, Lorient, Lannion, Dinard ont eux tous vu leur trafic passager reculer, et St Brieuc n’y échappe selon la Cour des Comptes que grâce… « aux performances de l’équipe de football de Guingamp ». Reposant « sur un schéma obsolète, sans vision d’ensemble, ni approche coordonnée entre les différentes collectivités propriétaires, les modalités de gestion des infrastructures ont laissé perdurer un modèle qui n’apparaît plus soutenable », soutient le rapport.

Cour des Comptes : trop d’aéroports trop chers en Bretagne 1 Air Journal

©Cour des Comptes

La Cour des Comptes reconnait les spécificités locales de chaque aéroport, à Dinard par exemple où Sabena Technics emploie quelque 500 personnes comme à Lorient où les coûts sont partagés avec la base militaire. Lannion et Quimper sont le lieu d’implantation d’entreprises privées. Mais ces aéroports sont restés dans leur ensemble très dépendants des aides publiques, qu’il s’agisse d’aides à l’exploitation (Lannion, Saint-Brieuc), de subventions d’une liaison aérienne (Lannion, Lorient, Quimper) ou encore d’aides à l’investissement. En Bretagne, les collectivités publiques ont ainsi contribué au financement du transport aérien pour un montant de presque 45 M€ sur la période 2012-2017, hors dépenses régaliennes de sûreté et de sécurité ; la région y a contribué à hauteur de 41%. Les magistrats estiment d’ailleurs que l’équilibre d’un aéroport devient « difficile à assumer » en dessous de 1 à 1,2 million de passagers minimum par an.

Autre dépense dénoncée par la Cour des Comptes, celle des obligations de service public (OSP) : alors que leur bilan sur les lignes Lorient-Lyon et Lannion-Orly « apparaît peu concluant », le trafic ayant continué à diminuer malgré le niveau élevé de subventions publiques, une nouvelle ligne bénéficiant de ce statut vient d’être mise en place à Quimper. Sur Lannion-Orly par exemple, le montant des subventions avait atteint 16 M€ au titre de la période 2012-2017, avec un coût public par passager et par trajet de 100 €.

Conclusion ? Il faut une « remise à plat complète de la stratégie régionale de mobilité », notamment par la recherche de complémentarité entre les aéroports voisins ou via de meilleurs connexions entre les aéroports et les centres-villes.

Comme le notait en 2017 le rapport du Conseil supérieur de l’aviation civile (CSAC) et du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), « le maillage aéroportuaire français est le produit de l’histoire d’un pays pionnier de l’aviation civile. Après la seconde guerre mondiale, les aéroports ont permis de relier les villes françaises à la capitale en l’absence de moyens terrestres rapides ». Il en découle un maillage exceptionnellement dense, unique en Europe et dans le monde : selon le même rapport, la France compte en effet près de 70 aéroports commerciaux de moins d’un million de passagers par an, contre 38 en Allemagne, 33 au Royaume-Uni, 25 en Espagne et 17 en Italie. Cette multitude de petits aéroports s’accompagne d’une très forte concentration du trafic aérien. En 2018, les 17 principales plateformes (dont Paris) représentaient à elles seules 95,5 % du nombre de passagers transportés, les 4,5 % restant se répartissant entre les 69 aéroports de moins d’un million de passagers. D’autres régions disposent également d’un nombre important de plateformes : 10 aéroports en Nouvelle-Aquitaine ; neuf en Occitanie et en Auvergne-Rhône-Alpes.

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