La privatisation d’Aéroports de Paris est exclue « dans l’immédiat » en raison de l’épidémie de coronavirus, a confirmé le gouvernement français mercredi, alors même que le référendum d’initiative partagée (RIP) censé l’empêcher avait échoué.

Les conditions actuelles du marché ne sont « pas du tout favorable » à la privatisation d’ADP, a déclaré le 11 mars 2020 la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye ; « nous serions un bien mauvais gestionnaire si nous faisions le choix immédiat de céder des actifs et notre participation dans ADP ». Elle confirmait ainsi les rumeurs relatées par Marianne : selon les sources du journal, « s’il n’y avait pas de crise économique et si les conditions de marché étaient parfaites, nous engagerions cette privatisation demain. La situation n’est pas celle-là. Il y a un million de signataires et les conditions de marché ne sont pas réunies ». L’impact économique de l’épidémie de Covid-19 sur le transport aérien se fait de plus important chaque jour, et les aéroports français ont lancé un cri d’alarme devant une chute du trafic déjà estimée à 20% pour le mois de mars. Le risque de ne pas obtenir un prix intéressant est donc évident, et il est impossible de savoir quand les conditions de marché s’amélioreront – et quand ou si l’opération sera relancée.

Rappelons qu’à moins d’un coup de théâtre comme une intervention directe du Président Emmanuel Macron, le référendum d’initiative partagée (RIP) sur la privatisation d’Aéroports de Paris n’aura pas lieu : le ministère de l’Intérieur n’avait recueilli la semaine dernière que 1,1 million de signatures en neuf mois (la consultation se termine ce 12 mars), très loin des quelque 4,7 millions nécessaires pour obliger l’Etat à organiser le RIP (un dixième des électeurs inscrits, soit exactement 4.717.396 Français).

Selon les calculs du gouvernement, l’argent récupéré de la privatisation d’ADP (et aussi celles de La Française des Jeux et d’Engie) permettrait à l’État d’alimenter un fonds pour l’innovation de 10 milliards d’euros destiné à financer des projets technologiques (intelligence artificielle, véhicule autonome, nanoélectronique…) dans le cadre de la loi Pacte.  Les opposants à la privatisation reprochent à l’exécutif de vouloir vendre les “bijoux de famille“. Selon eux, céder des parts dans ADP reviendrait à privatiser ce qui est la première frontière de France avec 100 millions de passagers par an. En outre, la gestion d’ADP aux mains du privé risquerait fort de faire augmenter les redevances aéroportuaires pour les compagnies aériennes et au final le prix du billet d’avion pour les passagers.

Votée en avril 2019, la loi Pacte incluait la privatisation du gestionnaire des aéroports de Paris-CDG et Orly, avec selon le gouvernement un choix simple : prendre environ 9,5 milliards d’euros tout de suite (valeur estimée des 50,6% du capital détenus par l’Etat), ou espérer continuer de recevoir des dividendes annuels (174 millions d’euros en 2018, en hausse proportionnellement à un résultat net qui a doublé en cinq ans). L’Etat n’a pas encore décidé s’il se séparera de tout ou partie de ses 50,6%. Le reste du capital du premier groupe aéroportuaire mondial est détenu à 21,9% par des investisseurs institutionnels, à 8,0% par le Royal Schiphol Group (gestionnaire d’Amsterdam), 8,0% par Vinci, 5,1% par Crédit Agricole Assurances/Predica, 4,3% par des actionnaires individuels et 1,6% par les salariés.

La privatisation d’ADP grippée par le Covid-19 1 Air Journal

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