Discrètement, sans aucune annonce officielle, Air France et sa low cost Transavia ont effacé sur leur site toute indication sur un possible remboursement monétaire pour leurs vols annulés en cette période de confinement, proposant à leurs clients uniquement “un avoir correspondant à la valeur totale de leur réservation“. Objectif : conserver à tout prix leur trésorerie.

Pourtant, le règlement européen 261/2004 est très clair à ce sujet : une compagnie aérienne est tenue de rembourser l’intégralité du prix du billet sur un vol annulé dans l’Union européenne (ou l’aéroport d’arrivée et le siège de la compagnie aérienne se trouvent au sein de l’UE). Les avoirs, bons d’échange et ou autre vouchers ne peuvent se substituer à l’obligation de remboursement en cash, si le passager en fait la demande.

L’Association internationale du transport aérien (IATA), qui rassemble 293 compagnies aériennes et représente leurs intérêts, a demandé à la Commission européenne de suspendre l’obligation de remboursement en cash des clients. Une demande que la Commission a toujours refusé jusqu’ici. Ce qui n’empêche pas des compagnies aériennes à se soustraire au règlement 261/2004, pour proposer un remboursement uniquement en avoir. “Une crise de liquidité se précipite sur nous à pleine vitesse: zéro recettes et des coûts toujours (sur nos comptes), nous avons donc désespérément besoin d’argent“, s’est défendu ce mardi le directeur de l’IATA , le Français Alexandre de Juniac (également ex-PDG d’Air France).

Air Caraïbes, Air France (et sa filiale Transavia), British Airways, Lufthansa, Emirates Airlines, Qatar Airways, TAP Portugal, Royal Air Maroc, etc. sont parmi les transporteurs à proposer actuellement un avoir valable un an. En clair, toutes ces compagnies confisquent pendant une longue période l’argent que leurs clients ont payé pour des vols annulés. Que deviendra l’avoir si entre-temps la compagnie aérienne émettrice fait faillite ? “Pour résumer, la compagnie aérienne annule son vol, garde l’argent du client et lui dit qu’il a un an pour utiliser son avoir et on verra ensuite au-delà“, dénonce un professionnel du voyage.

Heureusement, d’autres compagnies aériennes, comme Alitalia, Aeroflot, Thai Airways, American Airlines, respectent à la lettre le règlement européen 261/2004 et remboursent leurs clients en cash dès que la demande est faite.

Toujours à la poursuite de cash, l’IATA a déjà encaissé, le 16 mars, l’argent des réservations sur bon nombre de vols annulés via son système de billetterie BSP (Billing and Settlement Plan), qui gère les transactions entre compagnies aériennes et voyagistes. Alors que des voyagistes demandent un moratoire sur le prochain paiement des réservations, le 31 mars, l’IATA menace de retirer leur agrément et les exclure du BSP. En outre, les remboursements via BSP pour des vols annulés sont bloqués par l’IATA.

Nous demandons à IATA de retirer des relevés payés le 31 mars l’ensemble des billets non volés dont le remboursement est rendu impossible. Ou, à défaut, la mise sous séquestre des sommes correspondantes“, déclare Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage (EdV), qui représente les agences de voyage françaises.

Selon nos informations, certains voyagistes envisagent le boycott du prochain paiement BSP pour protester contre l’obligation qui est faite aux agences de voyages de payer aux compagnies aériennes des réservations de vols déjà annulés sans remboursement ultérieur possible. Le secteur du voyage se serre les coudes face à l’IATA, qui a “le comportement d’un cartel, un oligopole où les quelques producteurs ou vendeurs obtiennent le contrôle d’un marché par entente formelle“, fait observer un voyagiste.

L’IATA est “un lobby qui regroupe 293 compagnies aériennes, autorisées à agir de façon concertée entre elles”, écrit Nicolas Brumelot, président de l’agence de voyage Misterfly, dans une lettre ouverte à l’IATA, pour dénoncer un “stratagème qui consiste à exiger le paiement selon le calendrier habituel, pour ensuite tout faire pour ne pas rembourser“.

Remboursement : encouragées par l'IATA, certaines compagnies aériennes violent-elles le droit européen ? 1 Air Journal

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