Un collectif de 36 parlementaires français a publié une tribune dénonçant le projet de nouvelle taxe écologique sur le transport aérien, telle que recommandée par la Convention Citoyenne pour le Climat. Une « aberration » qui entrainerait des suppressions d’emploi « colossales » dans un secteur durement touché par la pandémie de Covid-19, et empêcherait tout investissement vers une aviation plus verte.

Publié le 1er octobre 2020 dans La Tribune, le texte des parlementaires rappelle que l’industrie aéronautique « est l’un des fleurons de l’industrie française les plus touchés par la crise économique. Ce fleuron représente 58 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 34 milliards d’euros d’excédents commerciaux et génère 300.000 emplois directs et indirects, non seulement à Toulouse et en région Occitanie, mais dans tous les territoires de notre pays. Le savoir-faire et les compétences d’excellence de notre pavillon font briller notre pays sur la scène européenne et internationale puisque la France est l’un des seuls pays au monde à être capable de construire des avions civils, des avions militaires et des hélicoptères ».

L’écroulement du transport aérien dans le monde a engendré « un coup d’arrêt brutal pour cette industrie », et le plan de soutien de 15 milliards d’euros (dont 7 pour la compagnie aérienne Air France) « ne pourra malheureusement durer qu’un temps ». L’industrie aéronautique va donc devoir « ajuster sa production à la santé du transport aérien. C’est pourquoi toutes les mesures qui permettront une relance rapide de ce secteur sont bienvenues », les parlementaires rappelant que le rebond de la crise sanitaire « éloigne un peu plus chaque jour » les perspectives du redémarrage.

S’ils reconnaissent que la Convention Citoyenne pour le Climat « propose à juste titre de diminuer les gaz à effet de serre émis par le transport aérien », les parlementaires estiment que certaines de leurs propositions « dans ce contexte de très grande fragilité » s’avèrent « totalement contre-productives » pour les secteurs de l’aéronautique et du transport aérien français : une écotaxe sur le transport aérien, d’un montant estimé à 4,2 milliards d’euros, « est une véritable aberration économique et un contresens écologique ».

Aberration économique « car elle aggraverait les difficultés du secteur. Une telle écotaxe coûterait plus de 150.000 emplois directs au transport aérien et à l’aéronautique en France » selon une étude d’impact réalisée par la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). En outre, cette mesure « reviendrait à récupérer en partie les aides versées dans le cadre du plan de soutien à la filière aéronautique ». Contresens écologique car le secteur aérien « a besoin de financements pour investir massivement en faveur de la décarbonation et de la transition énergétique ».

« Plutôt que d’ajouter de nouvelles taxes qui viendraient obérer la capacité à investir, nous devons accompagner et inciter à l’accélération de ce virage écologique », estiment les parlementaires, citant comme objectifs la réduction de la consommation de carburant, l’électrification des appareils et l’expérimentation de carburants neutres en carbone comme l’hydrogène. Les récentes annonces d’Airbus « nous prouvent d’ailleurs la volonté de nos fleurons de saisir cette opportunité unique afin de faire face au défi de la transition écologique, en proposant des aéronefs neutres en carbone dès 2035 ». Il faudrait aussi accompagner les compagnies aériennes françaises à « décarboner leurs flottes » en investissant dans des avions de moins en moins polluants dès aujourd’hui, puis au fur et à mesure des avancées technologiques.

Attention également « aux fausses bonnes idées populaires, voire populistes, comme l’interdiction des lignes aériennes lorsqu’une alternative ferroviaire existe en moins de 4h (voire moins de 2h30) », soulignent les parlementaires : les prochains avions électriques seront dans un premier temps de petits modèles qui emporteront peu de passagers. Ces avions doivent pouvoir être testés en exploitation réelle pour permettre des sauts de capacité, « et ce sont justement les petites lignes que certains veulent interdire qui seront les lignes d’accueil de ces avions vertueux ».

« Nous pouvons avoir demain une planète plus verte avec des déplacements en avions zéro émission entre des aéroports à énergie positive. Des déplacements bien moins polluants que certains autres nécessitant des infrastructures terrestres lourdes et coûteuses. Cessons donc de promouvoir une écologie punitive et accompagnons notre industrie aéronautique et nos compagnies aériennes vers la décarbonation par l’incitation et la responsabilité ! », conclut le texte.

Rappelons que « l’écocontribution renforcée » prônée par la Convention Citoyenne pour le Climat prévoit de faire passer la taxe mise en place en début d’année sur les vols au départ de la France de 1,50 à 30 euros pour un vol de moins de 2000 km en classe Economie (et de 9 à 180 euros en classe Affaires), et à 60 euros pour un vol de plus de 2.000 km (400 euros en classe Affaires). Ce qui ferait passer un aller-retour Air France entre Paris et Nice de 90,32 euros (tarif médian selon Les Echos) à plus de 150 euros… Elle recommande également d’interdire la construction de nouveaux aéroports et l’extension des plateformes existantes, la suppression des vols intérieurs « lorsqu’il existe une alternative bas carbone en moins de 4 heures », ou l’obligation pour les compagnies aériennes de compenser intégralement leurs émissions de CO2, en finançant des « puits de carbone » en plus de leurs contributions aux programmes de compensation européen et mondial.

Parlementaires : l'écotaxe sur le transport aérien est une aberration 1 Air Journal

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