Le chiffre d’affaires des compagnies aériennes sera encore en baisse de 46% l’année prochaine selon l’Association internationale du transport aérien (IATA), qui prévoit déjà un recul de 40 à 50% de l’emploi dans le secteur. Pour ACI Europe, près de 200 aéroports du Vieux continent sont au bord de l’insolvabilité.

Des prévisions de retour à la normale revues à la baisse par l’IATA, notamment face à la recrudescence de la pandémie de Covid-19 et des restrictions de voyage, « y compris la fermeture des frontières et les mesures de quarantaine » : sa dernière analyse présentée le 27 octobre 2020 appelle de nouveau les gouvernements à venir en aide aux compagnies aériennes, incapables selon l’association de « réduire suffisamment les coûts pour neutraliser une grave consommation de trésorerie, afin d’éviter les faillites et préserver les emplois en 2021 ». Les revenus totaux de l’industrie en 2021 devraient chuter de 46% par rapport au chiffre de 838 milliards de dollars en 2019, alors que l’analyse précédente de l’IATA évoquait une baisse d’environ 29% (elle était basée sur une reprise du trafic au quatrième trimestre, désormais oubliée). L’IATA s’attend à ce que le trafic aérien pour l’année 2020 soit en baisse de 66% par rapport à 2019, avec une demande au moins de décembre de -68%.

« Le quatrième trimestre de 2020 sera extrêmement difficile et il y a peu d’indications que le premier semestre de 2021 sera nettement meilleur, tant que les frontières resteront fermées et / ou que les quarantaines d’arrivée resteront en place. Sans aide financière supplémentaire des gouvernements, les compagnies aériennes ne disposent en moyenne que de 8,5 mois de liquidités aux taux de dépenses actuels. Et elles ne peuvent pas réduire les coûts assez rapidement pour rattraper la baisse des revenus », a déclaré dans un communiqué Alexandre de Juniac, directeur général de l’IATA.

Bien que les compagnies aériennes aient pris des mesures drastiques pour réduire leurs coûts, environ 50% des coûts des compagnies aériennes sont fixes ou semi-fixes, du moins à court terme. Le résultat est selon l’IATA que les coûts n’ont pas baissé aussi vite que les revenus. Par exemple, « la baisse d’une année sur l’autre des coûts d’exploitation pour le deuxième trimestre était de 48% comparativement à une baisse de 73% des revenus d’exploitation, sur la base d’un échantillon de 76 compagnies aériennes ». De plus, comme elles ont réduit leur capacité en réponse à l’effondrement de la demande de voyages, les coûts unitaires ont augmenté, d’environ 40%  selon les résultats préliminaires du troisième trimestre.

« Pour chaque jour que la crise continue, le potentiel de pertes d’emplois et de dévastation économique augmente », poursuit Alexandre de Juniac, pour qui à moins que les gouvernements n’agissent rapidement « quelque 1,3 million d’emplois dans les compagnies aériennes sont menacés. Et cela aurait un effet domino mettant en péril 3,5 millions d’emplois supplémentaires dans le secteur de l’aviation, ainsi qu’un total de 46 millions de personnes dans l’économie au sens large dont les emplois sont soutenus par l’aviation ». De plus, la perte de connectivité aérienne aura « un impact dramatique sur le PIB mondial, menaçant 1800 milliards de dollars d’activité économique. Les gouvernements doivent prendre des mesures fermes pour éviter cette catastrophe économique et sociale imminente. Ils doivent aller de l’avant avec des mesures supplémentaires de secours financier. Et ils doivent utiliser des tests COVID-19 systématiques pour rouvrir en toute sécurité les frontières sans quarantaine », conclut le dirigeant de l’IATA.

Le ton n’était hier pas plus optimiste chez ACI Europe, selon qui il existe un « risque fondamental à la continuité des activités » auquel environ 193 aéroports sont confrontés : ils risqueraient l’insolvabilité « dans les prochains mois » si le trafic passagers ne commence pas à remonter d’ici la fin de l’année. Ces aéroports représentent 277.000 emplois, et contribuent pour 12,4 milliards d’euros de PIB européen, et leur fermeture signifierait pour l’Europe « la perspective de l’effondrement d’une partie importante de son système de transport aérien » – sauf si là encore les gouvernements renforcent leurs aides – ce que « peu ont fait » jusqu’à présent.

Les aéroports confrontés à l’insolvabilité sont principalement des aéroports régionaux qui desservent – et font partie intégrante – des communautés locales. « L’effet d’entraînement potentiel » sur l’emploi et l’économie est clair, prévient ACI : « le soutien financier du gouvernement est crucial pour éviter l’augmentation des inégalités géographiques et endommager la cohésion sociale ». Dans le même temps, les grands aéroports et hubs européens « ne sont pas à l’abri du risque financier critique » : ils ont réduit les coûts « jusqu’à l’os » et ont eu recours aux marchés financiers pour consolider leurs bilans et  trésoreries, mais cette soudaine augmentation de la dette (« 16 milliards d’euros supplémentaires » pour les 20 premiers aéroports européens) représente près de 60% de leur revenus dans une année normale ») et « met en péril leur avenir » alors qu’ils ont déjà supprimés des milliers de postes.

Les données publiées mardi par ACI Europe indiquent une baisse de 73% du trafic passagers par rapport à l’année dernière, avec la perte de 172,5 millions de passagers supplémentaires (et 1,29 milliard depuis janvier 2020). À la mi-octobre, le trafic passagers était en chute de 75% en moyenne, « atteignant une baisse de 80% pour les aéroports de la zone UE / EEE / Suisse / Royaume-Uni ». Le maintien des restrictions aux voyages transfrontaliers durant la période hivernale « a considérablement dégradé les perspectives de trafic » et de nombreuses compagnies aériennes ont réduit leurs perspectives de capacité, rappelle ACI citant les groupes Air France-KLM, IAG, Lufthansa mais aussi Finnair ou la low cost Ryanair.

Olivier Jankovec, directeur général d’ACI Europe, a déclaré : « Au milieu de cette deuxième vague, assurer la sécurité des voyages aériens reste notre principale préoccupation. Il est essentiel de réduire les risques d’importation et de diffusion autant que possible. Mais nous pouvons certainement faire un bien meilleur travail pour réduire ces risques en testant les passagers aériens plutôt qu’avec des quarantaines qui ne peuvent être vérifiées ». Les chiffres publiés hier « brossent un tableau dramatiquement sombre. Huit mois après le début de la crise, tous les aéroports européens brûlent des liquidités pour rester ouverts, avec des revenus loin de couvrir les coûts d’exploitation, et encore moins les coûts en capital. L’imposition actuelle par les gouvernements de quarantaines plutôt que les tests rapprochent chaque jour les aéroports européens du gouffre », conclut-il.

IATA et ACI pessimistes pour l’avenir du transport aérien 1 Air Journal

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