La commande historique de 470 Airbus et Boeing par Air India à la mi-février a marqué l’industrie aéronautique, mais ce n’est probablement que le début d’une série de commandes d’avions par les compagnies aériennes du sous-continent indien.

L’Inde représente le troisième marché du transport aérien au monde après les États-Unis et la Chine, et, selon les prévisions d’Airbus, son trafic devrait connaître une croissance annuelle moyenne de 6,6 % au cours des deux prochaines décennies, un rythme presque deux fois plus élevé que la moyenne mondiale. Le marché indien a représenté 166,6 millions de passagers en 2022 (les trois quarts pour des liaisons intérieures), retrouvant presque ses niveaux d’avant Covid-19, et devrait être multiplié par quatre d’ici à 2041 pour atteindre 641 millions de passagers, selon les prévisions de l’avionneur européen.

Les compagnies aériennes indiennes devraient quant à elles commander entre 1 500 et 1 700 nouveaux appareils rien qu’au cours des deux prochaines années, selon une note d’analyse du Centre pour l’aviation (Capa). “L’Inde est prometteuse depuis longtemps, mais a peiné à atteindre son potentiel. Elle pourrait enfin prendre sa place en tant que grand marché de l’aviation mondiale au XXIe siècle”, a affirmé Capa. Cet “immense potentiel” se heurte au fait qu’en l’état, la flotte d’appareils de ligne basés en Inde n’est que de 700, “ce qui est inférieur à certaines compagnies dans le monde“.

D’où la frénésie actuelle de commandes d’avions, qui pourrait se poursuivre : IndiGo, low-cost qui détient 55 % du marché indien, discute avec Airbus sur un contrat de “plusieurs centaines d’aéronefs“, a révélé le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire. IndiGo est déjà l’un des plus gros clients de l’avionneur européen. La low cost exploite 346 appareils et doit encore s’en faire livrer 488. Parmi les 15 transporteurs se disputant le ciel indien figurent SpiceJet, Vistara, Air Asia et Go First, toutes ont des besoins d’avions modernes.

Développement et privatisation des aéroports
Cet accroissement prévisible de la flotte indienne s’accompagne d’un redimensionnement des infrastructures au sol, là aussi à un rythme endiablé. Selon le ministère indien de l’Aviation civile, “le nombre d’aéroports est passé de 74 en 2014 à 147 en 2022. Nous visons 220 d’ici à 2024-2025“. D’après l’agence de notation financière Fitch, les cinq plus grands aéroports indiens ont connu une croissance moyenne annuelle de leur trafic de 10 % lors de la deuxième partie de la décennie 2010. Tous sont engagés dans d’ambitieux plans d’agrandissement, de New Delhi, censé passer d’une capacité de 70 à 100 millions de passagers fin 2023, à Hyderabad (de 20 à 40) en passant par Bombay et Bangalore. Lancées à la fin des années 1990, les privatisations des aéroports se poursuivent, et la stratégie gouvernementale dévoilée en 2021 prévoit une ouverture de 25 nouvelles plateformes à des investisseurs privés.

Selon l’agence Fitch, les voyages en avion par tête augmentent avec le PIB par habitant, “et se stabilisent à partir de 20 000 dollars“, niveau dépassé par les pays développés. Mais ce montant est neuf fois supérieur au PIB par habitant actuel en Inde, qui a pourtant doublé depuis 2007. Le recours à l’avion en Inde “reste parmi les plus faibles pour une économie de premier plan“, fait observer Fitch : aujourd’hui, le rapport y est de 0,14 voyage aérien par an et par habitant, contre 2 aux États-Unis, 1,35 en France et 0,46 en Chine, selon Airbus.

Ces projections de développement de la flotte indienne, même avec des avions derniers cri relativement économes en carburant par rapport aux précédentes générations, posent la question d’un emballement de l’empreinte carbone de l’Inde, déjà très dépendante des énergies fossiles. Alors que l’aviation mondiale s’est engagée à “zéro émission nette” en 2050, la stratégie en la matière de l’Inde fixe cette échéance à 2070.

L'aérien indien lancé dans une course aux commandes d'avions 1 Air Journal

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