Je reviens de Guadeloupe et Martinique, où ce tourisme a augmenté et nous allons de façon très agressive chercher aussi à investir pour aller chercher d’autres clients…“, a déclaré la ministre du Tourisme, Nathalie Delattre, fin mars, à son retour d’une visite dans les Antilles françaises.

A la Guadeloupe, la ministre a participé au lancement du label “Spiritourisme Moun Peyi“, une initiative visant à valoriser l’offre touristique locale et les savoir-faire guadeloupéens pour soutenir l’attractivité de la destination antillaise dans la stratégie “Destination France“. Mais la Guadeloupe, qui rêve d’un tourisme haut de gamme, se heurte à des faiblesses persistantes: infrastructures vieillissantes, coupures d’eau et d’électricité récurrentes, manque de formation et d’équipements, le tout sur fond de tensions sociales.

L’effort de montée en gamme est bien réel pourtant. En 2023, le tourisme guadeloupéen a enregistré plus de 650 000 arrivées, encore largement porté par la clientèle hexagonale, selon le dernier bilan économique de l’Insee paru en juin.

Le comité du tourisme des Îles de Guadeloupe (CTIG) mise désormais sur des visiteurs fortunés venus de l’étranger, moins sensibles à la flambée des prix des billets d’avion. “On sait qu’on a un réservoir de clientèles allemande ou suisse“, affirme à l’AFP Rodrigue Solitude, directeur par intérim du CTIG. Le cœur du marché étranger reste toutefois nord-américain, notamment canadien francophone, avec près de 40% des visiteurs étrangers selon l’Insee.

Depuis 2020, la région, appuyée par des fonds européens, a renforcé son soutien à la montée en gamme de l’hébergement touristique, en finançant la rénovation de gîtes classés et le développement de projets hôteliers ambitieux. Le plus emblématique, un hôtel-spa sous l’enseigne Pullman du groupe Accor, est en construction au Moule, sur la côte atlantique, après avoir longtemps été à l’arrêt faute de financement. Un hôtel quatre étoile à destination de la clientèle d’affaire est aussi prévu près de l’aéroport international Pôle Caraïbes-Maryse Condé, qui doit être modernisé à l’horizon 2030.

Mais l’offre peine à se mettre en place : conciergerie, gastronomie, loisirs nocturnes sont minés par des faits divers violents qui gangrènent l’île. Aux problèmes de sécurité s’ajoutent des handicaps structurels: coupures d’électricité, pannes d’eau courantes, plages parfois interdites à la baignade à cause de pollutions bactériologiques. Autre difficulté, pointée par les professionnels, la rareté de l’usage de l’anglais dans les services touristiques. “Cette clientèle est exigeante. Il ne faut pas la décevoir, ni survendre la destination si les services ne suivent pas“, reconnaît le CTIG.

Enfin, la montée en gamme suscite des crispations locales. La construction de villas de luxe, concentrées sur le littoral, est accusée de faire grimper les prix de l’immobilier. À Capesterre-de-Marie-Galante, la hausse atteint 67% en cinq ans et à Saint-François, commune prisée du nord, 37% en cinq ans également, selon plusieurs baromètres immobiliers. Une tendance qui aggrave la pression foncière dans un territoire où plus de 30% de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Guadeloupe : le tourisme haut de gamme se heurte aux réalités locales 1 Air Journal

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