Delta Air Lines a confirmé avoir entrepris un vaste remplacement de pièces moteurs affectant plus de 300 Airbus A320, après une série d’incidents où des fumées toxiques se sont infiltrées dans les cabines et cockpits.

Ces fuites ont provoqué des troubles neurologiques chez des passagers et surtout des membres d’équipage, selon une enquête du Wall Street Journal. Cette opération de modernisation, lancée en 2022 dans le cadre d’un programme de sécurité interne, concerne notamment les groupes auxiliaires de puissance (APU) qui fournissent l’alimentation électrique et la climatisation au sol. Delta affirme que le processus de remplacement est aujourd’hui achevé à plus de 90%.

Les signalements d’incidents liés à la présence de fumées toxiques dans les avions se multiplient aux États-Unis. Selon le Wall Street Journal, la FAA (Federal Aviation Administration) a reçu des milliers de rapports ces dernières années, beaucoup concernant les très répandus Airbus A320. Un vol Delta à destination de la Caroline du Sud avait dû revenir d’urgence à Atlanta après l’apparition d’épaisses fumées dans la cabine, obligeant l’équipage à conseiller aux passagers de « respirer à travers leurs vêtements et de rester accroupis ».

Des témoignages de personnels navigants décrivent des effets durables. Une hôtesse de l’air de JetBlue, Florence Chesson, affirme avoir subi une lésion cérébrale traumatique et des dommages neurologiques irréversibles après un vol vers Porto Rico. Elle raconte avoir eu l’impression d’être « droguée » en plein vol, avant de voir un collègue s’effondrer et vomir. Les deux membres d’équipage ont été hospitalisés à l’atterrissage, selon the Wall Street Journal.

Le Dr Robert Kaniecki, neurologue de l’Université de Pittsburgh, compare les blessures subies par les équipages exposés à ces vapeurs à des « commotions chimiques », proches de celles observées chez des sportifs de haut niveau. Il affirme avoir soigné plus d’une centaine de personnels navigants et une douzaine de pilotes depuis deux décennies. Une mise en perspective par certains spécialistes indique que les expositions répétées à de faibles doses pourraient provoquer une fragilité cumulative, comparable à des « micro-commotions » préparant le terrain à un accident neurologique majeur. En mai dernier, Air Journal relatait qu’un steward avait porté plainte contre la compagnie aérienne Air France pour des blessures involontaires qui résulteraient du « syndrome aérotoxique », résultant de l’air respiré dans la cabine de l’avion en vol.

La véracité scientifique du syndrome aérotoxique fait cependant débat. L’Association du transport aérien international (IATA) a relaté en 2018, -il est vrai il y a 7 ans –  que « la recherche à ce jour n’a établi aucun lien de causalité » avec les « symptômes » ressentis par des équipages. Le sujet n’est pas nouveau : depuis plus d’une décennie, des chercheurs et anciens pilotes alertent sur les dangers potentiels de ces contaminations, notamment sur le rôle du tricrésyl phosphate, substance neurotoxique présente dans certaines huiles de moteur. Plusieurs organismes, dont l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (EASA), poursuivent aujourd’hui des études pour mieux évaluer la nocivité spécifique des expositions lors d’incidents déclarés, alors que le phénomène reste difficile à quantifier précisément faute de mesures systématiques en situation réelle.

Pour Delta, la modernisation en cours de sa flotte A320 représente une étape cruciale pour limiter les risques. Toutefois, l’ampleur croissante des témoignages suivis d’effets neurologiques durables pourrait alimenter un nouveau front sanitaire et juridique pour le transport aérien américain.

Vapeurs toxiques : Delta accélère les changements de pièces moteurs sur sa flotte A320 1 Air Journal

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