La condamnation hier de la compagnie aérienne low cost Ryanair dans l’affaire des emplois dissimulés à la base de Marseille fera comme prévu l’objet d’un appel « dans les plus brefs délais ». Pas de surprise le 2 octobre 2013 au tribunal d’Aix-en-Provence : comme sa rivale easyJet et CityJet, filiale d’Air France-KLM avant elle, la spécialiste irlandaise du vol pas cher a été jugée coupable pour des faits de travail dissimulé, entrave au fonctionnement du comité d'entreprise, des délégués du personnel et du droit syndical, et emploi illicite de personnels navigants (non affiliés au régime complémentaire obligatoire de retraite), remontant à la période 2007-2010 quand elle employait 127 salariés sous contrat irlandais à l’aéroport de Marseille – Provence, où quatre Boeing 737-800 étaient basés. Commentant la décision, Ryanair a souligné l’incohérence entre les lois actuelles sur l’emploi européen, sous lesquelles ces travailleurs irlandais ont payés leurs impôts et sécurité sociale en Irlande, et le décret français de 2006 qui cherche à exiger que les équipages opérant en Irlande payent des charges sociales et contributions de pension en France, malgré le fait qu’ils les ont déjà payés en Irlande ». Elle fera donc appel, jusqu’aux « cours européennes » s’il le faut. Le décret en question, daté du 21 novembre 2006, soumet les personnels navigants des compagnies étrangères installées en France au droit français. Pour Ryanair, il a été « spécifiquement introduit par le gouvernement afin de protéger la compagnie déficitaire Air France et de limiter la concurrence entre cette compagnie aux tarifs élevés et les compagnies low-cost, incluant Ryanair, easyJet et Cityjet sur les lignes domestiques en France ». Elle rappelle des « décisions de justice ont déjà été rendues sous ce décret contre easyJet en avril 2010 et Cityjet en mars 2012 avec des amendes pour les compagnies et des montants de charges à rembourser de respectivement 1,6 million et 1 million d’euros environ ». La directive sur les services de l’Union Européenne laisse aux entreprises une large marge de manœuvre pour poster des employés à l’étranger, même si certaines professions sont exclues. L’argument de Ryanair est connu : les équipages opérant les vols de et vers Marseille « travaillaient pour une compagnie ayant son siège social en Irlande et passant leur journée de travail dans des avions enregistrés en Irlande », ils devraient donc être considérés comme « travaillant principalement en Irlande et non en France ». « De manière correcte », poursuit la low cost, les équipages « travaillaient sous contrats de travail irlandais en payant des cotisations sociales irlandaises en conformité avec le décret européen sur les règles d’emploi et de sécurité sociale européenne ». Elle ne voulait donc pas croire que le décret de 2006 s’applique « sur ses opérations marseillaises », ce que son avocat traduisait lors du procès par "ils volent dans des avions irlandais et sont à cheval sur plusieurs pays, ils ne travaillent pas plus en France qu'ailleurs »... Ryanair joue avec les mots : l’accusation a été claire lors du procès, rappelant que son activité « pérenne » à l’aéroport de Marseille – Provence ne faisait aucun doute : locaux avec casiers, cadres employés sur place, personnel navigant vivant dans la région… Le tribunal correctionnel a pris son parti hier, condamnant la low cost à payer 200 000 euros d'amende, et près de 9 millions de dommages et intérêts à l’URSAFF, les caisses de retraite, Pôle Emploi ou des syndicats de personnel navigant. Rappelons que Ryanair avait fermé sa base de Marseille début 2011 après l’ouverture d’une information judiciaire, mais sans pour autant arrêter de desservir la cité phocéenne. Elle a pris l’habitude depuis d’y baser des avions pendant la seule période estivale, et y a transporté l’année dernière 1,6 millions de passagers – en hausse de 37% par rapport à l’année précédente.