Le détournement d’avion lundi par un copilote de la compagnie aérienne Ethiopian Airlines vers Genève était bizarre à plus d’un titre, de la nature du pirate à sa sortie de l’appareil en passant par l’absence de la chasse suisse. Le détournement du vol 702 reliant Addis Abeba à Rome s’est terminé sur l’aéroport de Genève le 17 février 2014 sans incident, les 202 passagers et membres d’équipages (dont 138 Italiens et 4 Français) étant sains et saufs. Identifié par le gouvernement éthiopien comme Hailemedehin Abera Tagegn, le copilote travaillait pour la compagnie nationale depuis cinq ans, n’avait aucun antécédent criminel et était « médicalement sain » ; il a justifié son acte par une demande d’asile politique car se sentant « menacé » dans son pays, mais risque 20 ans de prison en Suisse (la peine encourue en Ethiopie est de 25 ans). Les témoignages de passagers ont commencé à filtrer hier, décrivant comment le copilote avait profité d’une absence du commandant de bord, parti aux toilettes, pour s’enfermer dans le cockpit. Ce dernier aurait alors tambouriné à la porte et essayé de la forcer, jusqu’à ce que le copilote lui annonce qu’il laisserait l’avion s’écraser s’il n’arrêtait pas. Ses « hurlements dans un anglais approximatif » étaient audibles dans les haut-parleurs de l’avion, et les masques à oxygène ont été déployés, certains parlant d’une perte d’altitude brutale de l’avion à une ou deux reprises. Une fois le Boeing 767-300ER immobilisé, le copilote est sorti du cockpit grâce à une corde a nœuds et s’est directement rendu à la police en se présentant comme le pirate de l’air, les autres occupants sortant un à un les mains sur la tête et étant fouillé en cas de présence d’un complice à bord. Les autorités ont affirmé que la majorité des passagers n’étaient pas au courant du détournement, certains croyant avoir atterri à Milan au lieu de Rome, et que leur vie n’avait « jamais été mise en danger », le pirate n’étant pas armé. Les voyageurs à destination de Milan ont fini leur trajet en bus, les autres étant replacés sur d’autres vols vers Rome. L’avion d’Ethiopian Airlines n’avait plus que 20 minutes de réserve de carburant quand il s’est finalement posé sur la piste de l’aéroport de Genève à 6h02, juste après l’ouverture de la plateforme. Prévenue deux heures plus tôt du détournement, apparemment par le copilote, l’OTAN avait ordonné le décollage de deux Eurofighters de l’armée de l’air italienne pour escorter l’appareil, relayés par un Mirage 2000C français parti de la base d’Orange puis par un deuxième. On s’est alors aperçu qu’en 2014, l’armée de l’air suisse ne travaille qu’aux heures de bureau, de 8h à midi et de 13h30 à 17h : manque de moyens et de personnels, expliquent les militaires qui soulignent que des accords ont été passés avec les pays voisins encas de problème à des heures indues… L’aéroport Cointrin, fermé dès 6 heures, a en partie rouvert ses portes vers 8h15, une quinzaine d’avions décollant rapidement (dont des jets d’affaires) et le premier atterrissage ayant lieu vers 8h45. Le trafic était revenu à la normale à 11h15. Genève a connu son lot de détournements plus ou moins violents le siècle dernier : 1 mort et 30 blessés en 1987 sur un DC-10 d’Air Afrique parti de Brazzaville, pas de victimes sur les vols d’Air Inter en 1995, d’Air France en 1984 et 1983, ni sur deux d’Iberia en 1979, TWA en 1978 ou Swissair en 1973 et 1972. L’Ethiopie a été le théâtre de sept détournements ces 25 dernières années, dont celui de 1996 quand un avion d’Ethiopian Airlines reliant Addis Abeba à Abidjan est détourné peu après son entrée dans l’espace aérien kenyan, les pirates exigeant de se rendre en Australie : à court de carburant, le 767 s’écrase dans la mer à quelques encablures des Comores, causant la mort de 125 des 175 personnes à bord.