A l'heure où le baril de pétrole chute à 60 dollars, son taux le plus bas depuis 2004, les surcharges carburant, qui impactent fortement le prix des billets d'avion, sont difficilement justifiables aux yeux des consommateurs. Pour rappel, les compagnies aériennes appliquent systématiquement des surcharges carburant, appelées par les codes YQ ou YR dans leur jargon, à tout moment de l’année en complément du prix des billets d'avion pour compenser les hausses du prix du baril de pétrole. Le prix du carburant représente un tiers du coût d'exploitation d'une compagnie aérienne (35% pour Air France). Ainsi, les compagnies aériennes facturent jusqu'à 300 euros de surcharge carburant par billet sur le long-courrier. IATA envisage la fin des surcharges carburant La chute du prix du baril de pétrole, doublée d'une croissance soutenue de l'économie mondiale (surtout en Asie), va doper les bénéfices des compagnies aériennes en 2015. Ce qui permet à IATA (Association internationale du transport aérien représentant 84% des compagnies aériennes de la planète) d'envisager la fin des surcharges carburant. Selon IATA, les bénéfices du secteur aérien pourraient ainsi bondir de 26% pour atteindre un niveau record de 25 milliards de dollars avant impôts en 2015, ce qui représente une marge bénéficiaire de 3,2%. Le trafic passagers devrait augmenter de 7% en 2015, un rythme supérieur à la moyenne des 20 dernières années (5,5%) et le fret devrait augmenter en volume de 4,5% après +4,3% en 2014. Par passager, le bénéfice atteindrait 7,08 dollars l'an prochain, contre 6,02 dollars en 2014, et totaliserait ainsi plus du double par rapport au creux de 2013, à seulement 3,38 dollars par passager. Pour 2014, l'IATA a également revu en hausse ses prévisions de bénéfices, à 19,9 milliards de dollars contre 18 milliards de dollars lors de ses précédentes projections, faites en juin dernier. En 2015, le prix moyen d’un billet aller-retour par avion (458 dollars) pourrait diminuer de 5,1% par rapport à son niveau de 2014. «Que ce soit par l’élimination de leur surcharge sur le carburant ou autrement, il est clair que les voyageurs devraient profiter de tarifs réduits», annonce Brian Pearce, l'économiste en chef d'IATA. En Chine, par exemple, les compagnies aériennes chinoises ont baissé à quatre reprises depuis septembre dernier leurs surcharges carburant. La dernière fois début décembre,  Hainan Airlines, Tianjin Airlines et Xiamen Airlines ont annoncé que la surcharge carburant pour les vols domestiques d'une distance inférieure ou égale à 800 km passe de 40 à 30 yuans (4,9 dollars) et que celle pour les vols domestiques de plus de 800 km passerait de 70 à 60 yuans. En Europe, pour l'heure, aucune baisse n'est annoncée par les compagnies aériennes traditionnelles. Ces dernières expliquent qu'elles ont déjà acheté et payé leur carburant en 2014 pour constituer des réserves et faire voler leurs avions au premier semestre 2015. S'il y a une baisse éventuelle des surcharges carburant, ce serait à anticiper au deuxième semestre 2015.
Air France détaille sa politique tarifaire : "Depuis plus de 2 ans, il n'y a plus de surcharge qui soit strictement corrélée au carburant dans les tarifs d'Air France-KLM. Les tarifs d'Air France-KLM sont déterminés en fonction de plusieurs critères et les coûts des achats externes ne sont qu'un de ces facteurs. De plus, le coût du carburant que nous répercutons n'est pas uniquement lié au prix du brut mais également aux taux de change, à la marge de raffinage, et aux performances des couvertures carburant. Aujourd'hui, comme la plupart des compagnies aériennes, Air France-KLM utilise dans ses tarifs, une composante dite "surcharge transporteur". Cette surcharge transporteur est une composante à part entière de notre stratégie de prix, et son montant peut dépendre de plusieurs facteurs: distance du voyage, cabine de transport, voyage en correspondance ainsi que notre stratégie pour maintenir notre compétitivité tarifaire. Cette composante évolue donc régulièrement selon les secteurs de notre réseau, à la hausse comme à la baisse".
La fronde s’organise contre les surcharges carburant Des explications qui ne satisfont pas le secteur du voyage et du tourisme. "La surcharge carburant, c'est un peu comme la roulette russe. Elle augmente toujours quelque soit le cours du pétrole ", s'exclame Jean-Louis Baroux, fondateur du réseau APG, cité par TourMag.com. "Ce système est totalement incohérent. Les surcharges sont parfois supérieures pour les enfants que pour les adultes. Je le répète depuis longtemps : c'est une escroquerie", dénonce Jean-pierre Mas, le président du SNAV (Syndicat national des agences de voyage), qui demande que le montant de la surcharge carburant soit clairement indiqué au niveau de l’affichage du prix sur le billet d'avion. "La surcharge carburant est une pratique abusive", accuse Fabrice Dariot, le patron du voyagiste Bourse des vols. "En permanence, le consommateur est floué car le prix officiel du billet d'avion ne bouge pas alors que les surcharges carburant s'envolent, même en cas de baisse du prix du kérosène. La formule d'indexation retenue par les compagnie aériennes est totalement opaque. Aucune autre industrie ne bénéficie de cette dérogation au détriment du consommateur. Ca débouche souvent régulièrement sur des habillages malsains de la vérité tarifaire, des billets où il y a plus de surcharge carburant que de valeur du billet. Les compagnies s'en servent aussi pour masquer la vérité des prix qui sont déclarés sans les prohibitives fameuses YQ et YR et moins payer leurs distributeurs [les agences de voyage, ndlr]". Et d'ajouter : "Il serait temps que les pouvoirs publics se penchent sur cette question. Et la DGCCRF qui exerce un contrôle permanent et utile des agences de voyages en ligne, pourrait aussi se pencher sur cet abus de droit permanent. Il y à là, du pouvoir d'achat à rendre aux français". Guy Raffour, le directeur du Cabinet d'études et de recherche Raffour Interactif, quant à la relation de cause à effet, explique que si le prix du baril de pétrole chute de 40%, les compagnies aériennes ne peuvent répercuter immédiatement la baisse de ce facteur à ce niveau de 40%. D'une part, la majorité des compagnies aériennes se sont "couvertes" en achetant à l'avance leur kérosène au prix "d’avant la chute" récente du prix du baril de pétrole, ce pour lisser les effets des hausses sur les prix des billets. D'autre part, poursuit Guy Raffour, "la situation est nouvelle pour les compagnies aériennes. Pendant dix ans, elles ont constamment optimisé tous les process pour compenser les hausses du prix du carburant et tenir les marges. Aujourd'hui, elles récupèrent un peu dans un secteur hautement concurrentiel où les investissements sont permanents. Et compte tenu de l’importance du pétrole dans les coûts d’exploitation, la prudence est de mise ! Le prix du baril de pétrole est associé à des événements géopolitiques non maitrisables : mise en marché du pétrole de schiste américain, maintien de la production de l’Opep, baisse de la demande de l’Europe... Une baisse du prix du baril ne peut se retrouver exactement au même niveau, en temps réel, dans les prix des billets. Cependant, d’un point de vue analytique elle doit influer fortement tant la baisse est cette fois-ci conséquente". La concurrence entraînera une baisse du prix des billets Et, selon Guy Raffour, la concurrence entre les compagnies aériennes entraînera forcément une baisse du prix des billets en 2015. Mais ce sera "une baisse évaluée selon x facteurs, dont le premier sera la durabilité des facteurs actuels de baisse cités précédemment, interdépendants, en tenant compte des liaisons, remplissage, destinations, services, fréquences, sur un marché extrêmement concurrentiel et où la comparaison des tarifs domine. Les compagnies aériennes européennes devront trouver un équilibre entre les marges à conserver, la concurrence des low cost (plus réactives en prix) et des compagnies du Golfe. Et la baisse du cours de l’euro par rapport au dollar atténue la baisse du prix du baril." "Ce qui est certain c’est que cette baisse est inéluctable et logique pour les clients, donc l’industrie du voyage", estime le directeur de Raffour Interactif. Et de conclure : "les compagnies doivent être transparentes quant aux modes opératoires : elles ont isolé ce facteur de coût pour justifier des hausses de leurs tarifs. Désormais elles doivent en justifier l’impact inverse quand le baril baisse. Il en va de leur crédibilité et du dynamisme de ce secteur. La baisse du prix du baril est une chance de relance économique qu’il faut saisir tout en souhaitant que les efforts entrepris quant à l’efficacité énergétique soient  maintenus dans ce contexte".