Une étude exhaustive révèle que 1 pilotes sur 6 dans l’Union Européenne, et près de 4 pilotes sur 10 âgés de moins de 30 ans, sont aujourd’hui des travailleurs indépendants ou des intérimaires. Selon une récente étude de l’Université de Gand (Belgique), financée par la Commission Européenne et rendue publique le 12 février 2015 à l’occasion d’une Conférence sur les formes atypiques d’emplois dans l’aviation se tient les 12 et 13 février à Paris, un nombre grandissant de pilotes vole sans aucun lien direct avec la compagnie aérienne pour laquelle ils opèrent, en particulier dans le secteur des low cost. Cette enquête, basée sur la participation de plus de 6000 personnes, conclut que plus d’1 pilote sur 6 en Europe peut être considéré comme un travailleur « atypique », à savoir opérant pour le compte d’une agence de travail temporaire, en tant que travailleur autonome ou sous la forme de contrats à la demande et ce, sans salaire minimum garanti. Selon Emmanuel Jahan, Président du Comité de dialogue social européen dans le secteur aérien, l’un des commanditaires de l’enquête : « L'étude montre clairement que ces pilotes s’inquiètent de la précarisation de leurs conditions de travail et du lieu d’acquittement de leurs charges sociales. Ce phénomène éprouve grandement les équipages concernés. Pour les partenaires sociaux, un solide principe de « base d’affectation » pour l'équipage demeure un critère fondamental pour la définition commune du droit du travail et de la sécurité sociale ». Selon les chercheurs, le statut de travailleur autonome est l'un des types d’emplois atypiques les plus répandus dans le secteur aérien : sept pilotes indépendants sur 10 travaillent pour une compagnie aérienne à bas coûts. Paradoxalement, ce type de « travail autonome » est parfois utilisé pour masquer ce qui est en réalité un emploi régulier de salarié ; une situation qui crée une distorsion de concurrence sur le marché au profit des compagnies aériennes qui utilisent ce système. L'étude révèle également l’impact de ces « faux travailleurs autonomes » en termes de sécurité : près de la moitié des pilotes indépendants se déclarent « juste incapable de contester les instructions à caractère économique de la compagnie », même lorsqu’elles contreviennent à la sécurité. La précarisation du travail dans l'aérien n’est plus une seule question de contournement des charges et impôts, elle soulève aussi de sérieuses inquiétudes quant à la sécurité des vols en général. aj_pilote_femmeLes jeunes sont les plus touchés par le phénomène : 40% des pilotes âgés de 20 à 30 ans volent désormais sans être directement employés par une compagnie aérienne. Alors que trouver un emploi demeure difficile, ils sont également confrontés à des situations où ils finissent par « subventionner » leur propre activité ; par exemple, en payant une compagnie pour utiliser ses avions afin d'acquérir de l'expérience. Ce principe, autrement appelé le « pay-to-fly », crée de potentiels conflits d'intérêts vis à vis de la sécurité et constitue une exploitation financière pure et simple des individus. Une grande partie de ces écueils est rendue possible par les lacunes de la législation existante ou parce qu’elle est inapplicable en l’état. La législation de la sécurité sociale, les règles du travail et les règles de sécurité doivent être adaptées pour faire en sorte que les modèles et la gestion de l'emploi en Europe ne nuisent ni à la concurrence loyale des autres pilotes, ni au bien-être et à la sécurité des passagers et des équipages. Jon Horne, Vice-président du Comité de dialogue social, confirme que « cette étude représente un véritable tournant en ce qu’elle constitue l’enquête la plus concrète, la plus aboutie et la plus rigoureuse pour définir et quantifier certains problèmes de l'emploi dans le transport aérien. Nous sommes impatients de pouvoir en analyser les résultats et de dialoguer avec les décideurs pour définir, ensemble, les mesures nécessaires pour assurer une stabilité à long terme dans le transport aérien européen. Il s’agira tout particulièrement de veiller à protéger les jeunes pilotes des conditions de travail abusives auxquelles certains sont soumis et notamment le « pay to fly ». La conférence qui s’est ouverte hier est organisée par l’ECA (European Cockpit Association / Fédération européenne des associations de pilotes, dont le SNPL France), l’AEA (Association européenne des compagnies aériennes) et l’ETF (Fédération européenne des travailleurs des transports). L’étude est cofinancée par la Commission Européenne et réalisée pour le compte du Comité de dialogue social européen dans le secteur aérien, lequel regroupe les partenaires sociaux, employeurs et salariés, des compagnies aériennes y compris les trois organisations.