Les réactions se sont multipliées après les violences de lundi autour du CCE de la compagnie aérienne Air France, souvent pour supporter la direction. Le déroulement des semaines à venir est nettement moins clair, y compris pour le rôle éventuel de l’Etat. Une enquête a été ouverte le 6 octobre 2015 par le parquet de Bobigny pour violences aggravées, dégradations et entrave au déroulement du Comité Central d’Entreprise la veille à la demande de la compagnie nationale française, des plaintes individuelles ayant également été déposées. L’identification des fauteurs de troubles ne devrait pas être trop difficile vu le nombre de vidéos disponibles, Air France affirmant qu’il s’agissait de salariés. Un point contesté par certains syndicats, mais d’autre accusent dans le Canard Enchainé de ce mercredi la CGT de ne pas avoir envoyé ses « gros bras » comme d’habitude (même si ce sont clairement des membres de ce syndicat qui escortent les membres de la direction avec leurs chemises arrachées). « La décision d'interrompre la réunion du CCE a été 'planifiée' par les durs de plusieurs syndicats afin de lancer un coup de semonce décisif à la direction », affirme un responsable dans l’hebdomadaire. Dans son propre communiqué, la CGT condamne « les agressions physiques qui ont eu lieu ce jour », et condamne « tout aussi fermement l’attrition et les licenciements que la direction s’apprête à mettre en œuvre ». D’autre condamnations sont venues du BAR France, le Board of Representative Airlines qui représente 70 compagnies présentes dans l’hexagone : « les évènements violents qui ont suivi la réunion du CCE d’Air France hier ont profondément choqué la communauté du transport aérien et, en particulier, les compagnies aériennes membres de BAR France », explique l’association dans un communiqué, tout en rappelant son « attachement aux valeurs du dialogue et de la négociation pour régler les conflits sociaux » et, « sans interférer dans les relations entre les parties », formant des vœux « pour qu’ils reprennent dans des conditions apaisées ». Le président de Twin Jet Olivier Manaut déclare de son côté être « scandalisé » par les incidents de lundi : « certains syndicats alimentent la haine au lieu de construire la paix qui est la seule voie d'avenir. Ils divisent là où ils devraient rassembler », affirme-t-il, certains syndicats prenant selon lui « des postures idéologiques qui n'ont aucun sens avec la réalité économique », et n’œuvrant pas pour l'avenir des salariés mais « travaillant, surtout, pour justifier leur présence ». Ce syndicalisme français est selon le dirigeant « un frein à la croissance, au développement, au dialogue, et un catalyseur de haine ce qui entraîne les événements affolants que nous avons pu observer ». aj_pilote_air-france2Le président du SNPL Air France Philippe Evain s’est dit sur Europe 1 « abasourdi » par les images du CCE et « condamne sans réserve » les violences, avant de déclarer « toute son amitié va à ce directeur des ressources humaines, à ce commandant de bord matraqué et à cette hôtesse de l'air qui a reçu des gaz lacrymogènes ». Mais il explique aussi que la violence sociale dans les entreprises atteint un « niveau critique », qui s’exprime « par la voie des salariés mais également par la voie des directions ». Et il se dit prêt à reprendre les négociations sur Perform 2020, « dès lors que tous les acteurs qui peuvent avoir une influence sont présents », en particulier l’Etat qui détient 17% d’Air France : « la solution passera par ce troisième acteur, qui reste bien silencieux », assure Philippe Evain, qui regrette attendre « depuis des mois » d’être reçu par le gouvernement, sans réponse. Le monde politique s’est bien sûr emparé de l’affaire, avec l’indignation attendue sur la façon dont l’image de la France avait été abîmée par les images de violence syndicale. On ne reviendra pas sur ces joutes sans rapport avec les enjeux d’Air France, mais il faut rappeler le rôle pas forcément positif de l’Etat, pourtant premier actionnaire de la compagnie : taxe Chirac pour le développement de la santé dans le tiers monde, qui coûte environ 75 millions d’euros par an à Air France, accord systématique pour l’augmentation des taxes par Aéroports de Paris, sûreté payée par les transporteurs, prélèvements sur la taxe de l’aviation civile… Mais ce rôle de l’Etat, dont les syndicats réclament l’intervention, ne suffit pas à expliquer le manque de compétitivité d’Air France, pas plus que les compagnies du Golfe ou les low cost selon March Rochet, président du directoire d’Air Caraïbes : interrogé par La Tribune, il affirme que la compagnie nationale doit se réformer, l’amélioration de ses comptes ne devant pas être « une excuse pour repousser les réformes » comme dans le passé, « sauf sous Christian Blanc ». Il cite en exemple la « toile d’araignée paralysante » que forme la multitude d’accords collectifs chez Air France (La Tribune cite un syndicaliste selon qui il y en aurait 250 pour les pilotes) et de textes administratifs. Son conseil : un tour de table de toutes les parties prenantes « pour partager le diagnostic ». Et comme si la situation n’était pas assez tendue comme ça, Le Canard Enchainé révèle une autre information : citant « des documents que n'auraient pas dû recevoir certains syndicalistes », il affirme qu’Air France prépare 5000 suppressions d’emplois supplémentaires après 2017, qui viendraient s’ajouter aux 2900 mentionnées lundi lors du CCE. Les syndicats CGC et FO se sont dits surpris par le nombre sur Francetv.info, tandis que Miguel Fortea de la CGT Air France n’était pas étonné : « au total, cela ferait 8000. Cela rejoint notre analyse. Cela colle avec les estimations que l'on avait calculées », explique-t-il, avant d’ajouter : « lors du comité central d'entreprise, on a senti que la direction avait bégayé sur le sujet ». Air France a immédiatement démenti ces affirmations, déclarant qu’il n’existe « aucun plan concernant les évolutions d’effectifs » à partir de 2018.