Le président du comité d’entreprise de KLM Royal Dutch Airlines n’aime ni Joon, la nouvelle filiale à coûts réduits d’Air France, ni l’accord trouvé avec les pilotes de l’hexagone qui implique un rééquilibrage entre les deux compagnies aériennes. L’entretien accordé à De Volkskrant le 24 juillet 2017 par Jan-Willem van Dijk ne risque pas d’améliorer des relations régulièrement tendues entre les deux sœurs du groupe Air France-KLM. Le président du CE du transporteur national néerlandais a déclaré à propos de l’ex-projet Boost : « Joon doit être la solution à tous les problèmes. C'est totalement irréaliste », surtout avec des pilotes employés aux conditions Air France. Ne pas avoir lancé Joon avec de nouveaux contrats de travail (forcément moins généreux) pour les pilotes est selon lui « imprudent économiquement », mais aussi « potentiellement dommageable pour KLM » : les coupes insuffisantes dans les dépenses va forcément « retomber sur KLM qui a pourtant montré des centaines de millions d'améliorations de résultat ». M. van Dijk ne s’arrête pas là : il critique aussi l’accord trouvé le 16 juillet entre Air France et ses pilotes, comprenant une promesse de « rééquilibrage » au sein du groupe de l’alliance SkyTeam au détriment de KLM. La croissance de cette dernière « menace d'être amputée en faveur de celle d'Air France », dénonce-t-il, « alors que nous nous en sortons mieux que les Français ». Il n'y a selon lui « aucune raison économique derrière la décision d'avantager Air France ». Rappelons que si Air France reste largement plus grande que KLM, la première n’a dégagé en 2016 qu’un profit opérationnel de 372 millions d’euros, contre 681 millions d’euros pour la seconde. Les déclarations du président du CE de KLM interviennent dans une ambiance déjà « chauffée » par l’enquête menée par des syndicats des deux pays auprès de cinquante managers : treize ans de mariage n’y font rien, « une grande méfiance mutuelle » demeure entre les deux compagnies aériennes, qui s’accusent mutuellement de faire passer ses intérêts avant ceux du groupe – au point de mettre en doute la survie de celui-ci. Les Français dénonceraient le « jeu perso », moins attaché au groupe de leurs collègues néerlandais, qui en retour voient en Air France une « bombe à retardement » au sein d’une économie en laquelle ils n’ont aucune confiance. Le rapport interne de 100 pages, révélé par The Guardian, parle de Français ayant l’impression que les Néerlandais « ne pensent qu'à l'argent et sont toujours prêts à se battre pour le profit. Qu'ils n'ont peur de rien », et de Hollandais pensant que les Français « sont attachés à une hiérarchie et à des intérêts politiques qui ne sont pas nécessairement les mêmes que les intérêts de l'entreprise. Les salariés sont pessimistes, frustrés, et au bord du burn-out, parce qu'ils ont l'impression de ne pas être entendus ». Le rapport cite même l’amertume créée par la cantine du groupe : 10 euros par repas pour les employés de KLM, 4 euros pour ceux d’Air France. Air France-KLM a publié la semaine dernière un court communiqué expliquant qu’elle « comprend les sentiments exprimés et reconnait les circonstances évoquées dans le rapport », qui pointe « des différences culturelles et de visions pouvant entrainer des difficultés ». Avant de promettre de travailler main dans la main avec Air France et KLM pour « voir ce que l’on peut en apprendre et apporter des améliorations là où c’est nécessaire ». Une nouvelle source de tension entre les deux compagnies nationales a été dévoilée mardi dans le quotidien Het Financieele Dagblad : Amsterdam refuse de transférer à Paris certains services informatiques, au nom de l’accord de 2004 qui prévoyait que deux-tiers de ces services seraient gérés par Air France et un tiers par KLM. Un syndicat français aurait envoyé une lettre à ses collègues néerlandais dénonçant une attitude qui « reflète le mépris de KLM pour Air France » selon le quotidien.