Après onze jours de grève menés par une intersyndicale représentant tous les corps de métiers, la compagnie aérienne Air France lance une consultation pendant neuf jours, afin que chaque salarié puisse s’exprimer sur son projet d’accord d’augmentation générale des salaires de 7% sur 4 ans. Les syndicats appellent sans surprise à voter non.

Depuis le 22 février 2018, Air France a été confrontée à 11 journées de grèves pour des revendications salariales dont l’impact financier global est estimé à près de 300 millions d’euros, rappelait hier la compagnie dans un communiqué. Sa consultation, organisée du 26 avril à 10h00 au 4 mai à 18h00, pose la question suivante : « pour permettre une issue positive au conflit en cours, êtes-vous favorable à l’accord salarial proposé le 16 avril 2018 ? ». Ces neuf jours doivent permettre à chaque salarié d’exprimer sa voix sur l’accord salarial proposé par la direction « au terme de la négociation et pour mettre fin au conflit », pour des augmentations générales de salaire de 7% sur 4 ans s’ajoutant aux augmentations individuelles. Elle s’adresse à l’ensemble des salariés sous contrat Air France (uniquement les contrats de droit français), et son résultat sera communiqué le vendredi 4 mai en fin de scrutin. Cette consultation « anonyme, sans implication juridique », se déroulera selon le principe d’un collège unique (un salarié pour une voix), et sera réalisée par « un professionnel du scrutin électronique en entreprise dont les opérations sont encadrées par la loi, sous le contrôle d’un huissier », précise encore Air France.

L’accord proposé le 16 avril est selon Air France « fondé sur un pacte de croissance pour l’avenir », mais n’a pas recueilli les signatures nécessaires pour un accord majoritaire. Après plusieurs propositions « pour trouver un compromis et face à l’enlisement de la situation », le président d’Air France (et PDG du groupe Air France-KLM) Jean-Marc Janaillac a donc décidé de consulter tous les salariés, mettant sa démission dans la balance. Rappelons que la direction a proposé une augmentation supplémentaire des salaires de 1% portant l’augmentation générale à 2% au 1er avril (cette augmentation supplémentaire de 1% est assortie d’un seuil minimum de 25 euros par mois), et une augmentation générale des salaires de 5% sur la période 2019, 2020 et 2021, garantie dans le cadre du pacte de croissance ; cette augmentation de 1,65% par an est assortie d’un seuil minimum de 40 euros par mois. L’intersyndicale a également fait un petit pas en avant, réduisant de 6% à 5,1% en 2018 sa demande d’augmentation générale (les pilotes réclament 4,7% supplémentaires). Ces propositions et contre-propositions ne tiennent pas compte de l’avancement ni du GVT (glissement vieillesse technicité), qui selon la direction porterait à plus de 12% sur 4 ans l’augmentation des revenus des salariés.

La consultation n’a pas franchement convaincu l’intersyndicale, qui regroupe trois syndicats de pilotes (SNPL, SPAF et Alter), deux syndicats d’hôtesses de l’air et stewards (SNPNC et UNSA-PNC), et cinq de personnel au sol (CGT​, FO, SUD, CFTC et SNGAF), représentant au total 52,6% des voix du personnel, plus l’UNAC. Un trac intitulé « Censurer nos revendications ? Non ! » explique qu’après 11 jours de grève, la direction « reste fermée et refuse d’admettre le rattrapage nécessaire de 7 années de blocage ». Passant outre le « rejet unanime des syndicats », Jean-Marc Janaillac impose selon le texte un « passage en force » en mettant en place la consultation. Ce « chantage à la démission alors qu’il ne s’est jamais investi dans les négociations » ne répond à aucune logique, poursuit l’intersyndicale, il s’agit de « jouer sur la peur des salariés pour influencer leur décision et affaiblir notre mouvement » ; cette manœuvre « n’altère pas la détermination des organisations syndicales et doit renforcer la votre », affirme le tract appelant les salariés « sans ambiguïté à voter non ». La sortie rapide du conflit « que nous appelons de nos vœux ne dépend pas de cette consultation mais d’un accord négocié », conclut l’intersyndicale. Deux syndicats, la CFE-CGC et la CFDT représentant 31,3% des voix du personnel, avaient signé l’accord d’augmentation des salaires pour 2018 déjà appliqué (+0,6% en avril et +0,4% en octobre, plus une enveloppe de 1,4% permettant pour les employés au sol une série de primes et promotions).

Le début de la consultation demain coïncide avec une nouvelle réunion des syndicats, qui devraient annoncer de nouveaux jours de grève au début mai. Les onze grèves déjà menées se rapprochent du « record » de septembre 2014, quand le SNPL Air France avait mené quatorze jours de grève, avec un impact de 425 millions d’euros sur les résultats annuels du groupe de l’alliance SkyTeam. Air France-KLM avait alors enregistré, sur un chiffre d’affaires en hausse de +0,3%, une perte nette de 198 millions d’euros, alors qu’elle était de 1,827 milliard l’année précédente.