Le groupe IAG regroupant les compagnies aériennes British Airways, Iberia, Aer Lingus, Vueling et Level, ainsi que les low cost Ryanair, easyJet et Wizz Air ont déposé des plaintes auprès de la Commission européenne contre la France, où les grèves dans le contrôle aérien limitent selon eux la libre circulation dans l’UE.

La menace planait depuis des jours, c’est désormais réalité : arguant d’une limite au « principe fondamental de la libre circulation au sein de l’Union européenne », quatre acteurs majeurs du ciel européen ont porté plainte le 24 juillet 2018 contre la France, accusée d’enfreindre la législation européenne en « ne permettant pas les vols à travers le pays » pendant les grèves du contrôle du trafic aérien (CTA). Les compagnies aériennes affirment qu’elles ne remettent pas en cause le droit de grève, mais pensent que la France enfreint la législation européenne en ne permettant pas les vols au-dessus de l’hexagone pendant les grèves. Les passagers en survol « se voient refuser la liberté fondamentale de voyager entre les États membres qui ne sont pas touchés par une action de grève », une conséquence apparemment logique quand un centre du contrôle aérien se met en grève – les aiguilleurs du ciel ne gèrent pas seulement l’espace aérien des aéroports à proximité. Mais cela n’arrive qu’en France, dénonce Michael O’Leary de Ryanair : « lorsque la Grèce et l’Italie subissent des actions du CTA, les survols continuent comme d’habitude. Pourquoi la France ne ferait-elle pas de même ? »

Les plaintes déposées par IAG, Ryanair, easyJet et Wizz Air précisent qu’il existe un précédent juridique dans cette affaire. En 1997, les Espagnols se sont plaints à la Commission européenne après avoir souffert pendant de nombreuses années lorsque les agriculteurs français ont empêché leurs exportations de fruits et légumes vers l’UE. La Cour européenne s’est prononcée contre la France, dans la mesure où les autorités françaises n’ont pas répondu aux actions des agriculteurs et n’ont pas assuré la libre circulation des marchandises.

L’appel à la Commission européenne survient alors que les actions des contrôleurs aériens français ont cette année augmenté de 300% par rapport à 2017. Le mois dernier, un rapport du Sénat confirmait que la France est à elle seule est responsable de 33% des retards de vols en Europe, alors qu’elle ne « contrôle » que 20% du trafic. Le Sénat déclarait également que le droit de grève doit être équilibré avec l’obligation de fournir un service public. Entre 2004 et 2016, la France a comptabilisé 254 jours de grève du CTA, loin devant la Grèce (46 jours), l’Italie (37), le Portugal (10) ou l’Allemagne (4). Si aucune solution n’est préconisée par les quatre compagnies aériennes, le système français actuel de réquisition de 50% du personnel conduit selon le sénateur Vincent Capo-Canellas à « de fortes réductions préalables du nombre de vols alors que les contrôleurs sont in fine peu nombreux à être grévistes ». Il suggère donc que la loi Diard, qui oblige les personnels à se déclarer soit grévistes soit non-grévistes, soit transposée aux contrôleurs aériens « moyennant des adaptations ».

Dans un communiqué commun, le CEO du groupe IAG Willie Walsh a déclaré : « le droit de grève doit être équilibré par rapport à la liberté de mouvement. Ce ne sont pas seulement les clients qui entrent et qui sortent de France qui sont affectés par les actions françaises des CTA. Les passagers sur les routes qui survolent la France, en particulier le grand espace aérien qui couvre Marseille et la Méditerranée, sont également soumis à des retards et à des perturbations massives. Cela affecte toutes les compagnies aériennes mais a un impact négatif significatif sur le tourisme et l’économie de l’Espagne ». Pour Michael O’Leary, directeur général de Ryanair, « les fournisseurs du CTA en Europe atteignent le point de fusion avec des centaines de vols annulés et retardés chaque jour à cause des actions du CTA ou parce que le CTA n’a pas assez de personnel (…). Ces perturbations sont inacceptables et nous appelons les gouvernements européens et la Commission européenne à prendre des mesures urgentes et décisives pour assurer le plein effectif des prestataires du CTA, et éviter que les survols ne soient affectés par des actions nationales, comme cela à été plusieurs fois le cas en France ». Chez easyJet, le CEO Johan Lundgren dit « respecter pleinement le droit de grève, et nous avons engagé un dialogue constructif avec l’UE et le gouvernement français pour résoudre le problème des actions des CTA. Malheureusement, nos passagers ont peu ressenti l’impact des progrès effectués jusqu’ici, et c’est pourquoi nous avons jugé nécessaire de passer à l’étape suivante, en particulier en raison de l’action industrielle soutenue qui a, à ce jour, duré 29 jours ». Enfin József Váradi, directeur général de Wizz Air, a déclaré : « l’échec des autorités françaises de contrôle du trafic aérien à assurer un service continu et adéquat a déjà perturbé massivement les projets de voyage de milliers de passagers à travers l’Europe. S’attaquer à ce problème doit être une priorité pour les autorités européennes afin de garantir que les citoyens et les entreprises européens ne soient plus pris en otage par les questions de relations sociales nationales ».

Selon Eurocontrol, plus de 16.000 vols ont été retardés en juin de cette année en raison de grèves du contrôle aérien, touchant plus de deux millions de passagers. En France, les grèves à répétition auraient contraint la seule easyJet à annuler 2600 vols cette année contre 314 en 2017 ;  « nous demandons à la France de prendre les mesures nécessaires, afin d’assurer une meilleure prévisibilité des perturbations, ce qui nous laisserait le temps de réorganiser nos vols, et d’assurer la continuité du service qui est une obligation », déclarait François Bacchetta, le directeur France d’EasyJet. Coût supplémentaire estimé par la low cost : 25 millions de livres depuis le début de l’année…